La plainte ordinale d'un praticien hospitalier contre ses confrères est-elle recevable ?
La plainte ordinale d'un praticien hospitalier contre ses confrères est-elle recevable ?
Gilles Rivallan, Juriste MACSF
Le 09.07.2018
La plainte ordinale d’un praticien hospitalier contre ses confrères est-elle recevable lorsque les agissements dénoncés ne sont pas détachables des actes de la fonction publique hospitalière ?
Telle est la question posée aux magistrats dans une affaire récente...
La plainte ordinale d’un praticien hospitalier contre ses confrères est-elle recevable lorsque les agissements dénoncés ne sont pas détachables des actes de la fonction publique hospitalière ?
Telle est la question posée aux magistrats dans une affaire récente...
Procédure engagée par le praticien
Dans cette affaire, un praticien hospitalier a déposé plainte contre deux de ses confrères hospitaliers devant le conseil départemental de l’Ordre des médecins estimant que ces praticiens avaient adopté à son égard un comportement de dénigrement de sa pratique professionnelle ayant conduit à sa suspension de fonctions à titre conservatoire ainsi qu’à une enquête de l’agence régionale de santé (ARS).
L’enquête diligentée par l’ARS n’ayant donné lieu à aucune procédure disciplinaire, le praticien concerné a alors demandé au conseil départemental de l’Ordre des médecins que ses plaintes soient transmises à la chambre disciplinaire de première instance.
Le conseil départemental de l’Ordre des médecins a toutefois estimé, après avoir entamé des démarches de conciliation, que les faits reprochés, de non confraternité, n’étaient pas établis et a refusé de saisir la chambre disciplinaire de première instance.
C’est ainsi que la plaignante a décidé de saisir le tribunal administratif afin d’obtenir l’annulation de ces décisions.
Le tribunal administratif de Grenoble ayant rejeté sa demande, la plaignante a entendu saisir la cour administrative d’appel.
Plainte ordinale : le fondement juridique
Le régime des plaintes devant le Conseil de l’Ordre des médecins obéit à des règles spécifiques pour les praticiens qui exercent dans les établissements publics.
Ainsi, depuis la modification de l’article L 4124-2 du Code de la Santé Publique (CSP) par la loi du 21 juillet 2009 puis par l’ordonnance du 23 février 2010, cet article est ainsi rédigé :
« les médecins, les chirurgiens-dentistes ou les sages-femmes chargés d’un service public et inscrits au tableau de l’ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l’occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l’Etat dans le département, le directeur général de l’agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit…. ».
La solution et son commentaire
Dans cette affaire, tant le tribunal administratif de Grenoble que la cour administrative d’appel ont débouté la plaignante. (CAA Lyon, 28 septembre 2017, n°15LY04111)
Les magistrats ont en effet considéré que les faits dénoncés ne pouvaient pas être considérés comme détachables du service.
Les dispositions de l’article L.4124-2 avaient donc vocation à s’appliquer et le praticien ne pouvait traduire ses confrères devant la Chambre disciplinaire de première instance.
Cette affaire peut être rapprochée de l’arrêt rendu le 23 décembre 2016 par le Conseil d’Etat.
Dans cette autre affaire, le Conseil d’Etat a considéré que les omissions reprochées à un médecin dans le recueil du consentement d’une patiente à une opération étaient intervenues à l’occasion de la mission de service public de ce praticien, alors même que ce dernier avait reçu sa patiente en consultation préopératoire dans le cadre de son activité libérale. Saisie en appel par la patiente, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a prononcé à l’encontre de ce chirurgien trois mois d’interdiction d’exercice, dont deux assortis du sursis.
Saisi en dernier recours par ce praticien, le Conseil d’Etat lui a finalement donné raison en considérant que les faits qui lui étaient reprochés - un consentement insuffisamment éclairé et une absence d’information sur le déroulement de l’intervention – n’étaient pas détachables de ses fonctions hospitalières publiques et « comme accomplis dans le même cadre que l’opération chirurgicale à laquelle ils se rapportent ».
Notons cependant que la frontière peut être étroite selon le type d’actes ou de comportements des praticiens, voire selon leur gravité.
Ainsi, le Conseil national de l’Ordre, dans une décision du 9 janvier 2013, a radié un psychiatre qui avait imposé à une patiente, en état de faiblesse, des relations sexuelles, dans un établissement public. L’Ordre a considéré que si ces actes ont été commis à l’occasion des consultations effectuées par ce médecin dans le cadre de sa fonction publique, ils étaient, par leur nature et leur gravité, détachables de cette fonction.
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