Un infarctus non diagnostiqué
Un médecin libéral de permanence est sollicité par un médecin régulateur du SAMU pour effectuer une consultation au domicile d’une patiente souffrant d’une douleur au membre supérieur gauche avec sueurs, nausées et vomissements.
Le praticien diagnostique une symptomatologie douloureuse se rapportant à une névralgie cervico-brachiale et administre un traitement anti-inflammatoire et antalgique, avant de laisser la patiente au repos à son domicile.
Quelques heures plus tard, elle est victime d’un infarctus.
Assigné devant le Tribunal de grande instance mais s’estimant collaborateur occasionnel du service public d’aide médicale d’urgence, le médecin libéral soulève l’incompétence des juridictions de l’Ordre judiciaire au profit des juridictions administratives.
Quel est le statut du médecin effecteur ?
La Cour d’appel de Rennes retient l’exception d’incompétence.
Après avoir énoncé que le médecin participait à une mission de service public d’aide médicale d’urgence, elle relève l’existence d’une faute de service sans que la responsabilité civile de l’agent ne puisse être engagée. Pour les juges, seule la personne publique peut être mise en cause, sauf faute détachable du service, nullement alléguée en l’espèce.
L’arrêt est cassé par la Cour de cassation qui décide que le médecin effecteur n’est pas un collaborateur occasionnel du service public.
Elle indique qu’"en statuant ainsi, alors que la permanence des soins constitue une mission de service public, les actes de diagnostic et de soins réalisés par un médecin d’exercice libéral lors de son service de garde engagent sa responsabilité personnelle, même lorsque son intervention a été sollicitée par le centre de réception et de régulation des appels du SAMU, la cour d’appel a violé les textes susvisés".
Dans un arrêt en date du 8 novembre 2016, la Cour d’appel d’Angers (sur renvoi après cassation) considère, tout comme la Cour de cassation, que "si la permanence des soins constitue une mission de service public, les actes de diagnostic et de soins réalisés par un médecin d’exercice libéral lors de son service de garde suite à un appel du Centre de réception et de régulation du SAMU engagent sa responsabilité personnelle".
À noter que cette solution a également été adoptée par la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 octobre 2015, n° 14-86706.
Dans une décision en date du 9 mai 2016 (n° C4046), le Tribunal des conflits, dont la mission est de résoudre les conflits de compétence entre les juridictions de l’ordre judiciaire et les juridictions de l’Ordre administratif, confirme que l’intervention d’un médecin effecteur ne constitue pas une mission de service public. Il estime qu’il revient aux juridictions judiciaires et non aux juridictions administratives de traiter les litiges entre un patient et un médecin effecteur sollicité par le Centre de régulation du SAMU.
- Le médecin effecteur ne peut donc pas être considéré comme un collaborateur occasionnel du service public.
- Au regard de l’ensemble de ces décisions, il semble donc bien établi que le médecin effecteur, dans le cadre de la permanence des soins, engage sa responsabilité personnelle.
Une solution contestable
On aurait pu penser que le statut du médecin effecteur aurait été le même que celui du médecin régulateur, et ce pour plusieurs raisons : il participe également à une mission de service public de permanence des soins lorsqu’il se rend au chevet des malades, il exerce sa mission dans un cadre organisé par l’ARS et dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, les modalités d’accomplissement de sa mission de permanence des soins sont fixées par voie règlementaire et ce praticien libéral ne choisit pas ses patients.
Pour autant, les juges ont tranché et décidé que le médecin effecteur, dans son exercice de consultation, ne peut être regardé comme un collaborateur occasionnel du service public. Ses actes relèvent de sa responsabilité personnelle et par conséquent de la compétence des juridictions de l’Ordre judiciaire.
C’est donc son assureur qui devra intervenir en cas de dommage, et non celui du centre hospitalier hébergeant le SAMU.
Une ambiguïté demeure cependant...
Il est à noter qu’il existe une ambiguïté entre cette jurisprudence et le décret n° 2015-1869 du 30 décembre 2015 relatif à l’affiliation au régime général de Sécurité sociale des personnes participant de façon occasionnelle à des missions de service public.
Les personnes mentionnées dans ce décret sont considérées comme des collaborateurs occasionnels du service public. Or, figurent sur cette liste "les médecins participant à la permanence des soins ambulatoires mis en œuvre par les ARS en application de l’article L.1435-5 du CSP au titre des rémunérations à l’acte ou forfaitaire déterminées par les ARS et versées par les CPAM (…)".
Ce texte ne fait aucune distinction entre médecin effecteur (rémunéré forfaitairement et à l’acte) et médecin régulateur (rémunéré forfaitairement) et laisse penser que ces deux professionnels sont visés et donc tous deux considérés comme collaborateur occasionnel du service public.