Une infection dans les suites d’une chirurgie de l’hallux valgus
Il s’agit d’une femme de 63 ans, tabagique sévère à 45 paquets/année qui consulte notre sociétaire pour un hallux valgus évolué avec un conflit de chaussage handicapant.
Celui-ci lui propose une intervention d’ostéotomie de M1 de type Scarf et de varisation de P1.
Un consentement éclairé exhaustif est signé, notifiant en particulier les risques de récidive, de troubles de cicatrisation et d’infection.
L’intervention se déroule sans difficulté particulière avec une radiographie postopératoire de qualité.
En revanche, les suites opératoires sont marquées par une nécrose cicatricielle qui se complique par la suite d’une infection par colonisation bactérienne.
Au prix de nombreux gestes chirurgicaux avec nécessité d’une arthrodése de la métatarsophalangienne, l’infection sera finalement maitrisée.
Pas de recommandations sur l’information sur les risques opératoires liés au tabac
L’expert rend les conclusions suivantes :
- Il valide l’indication opératoire.
- Il considère la survenue de la souffrance cutanée comme un accident médical non fautif, largement favorisée par l’intoxication tabagique.
- Il qualifie d’inévitable la survenue de l’infection compte tenu de l’évolution cicatricielle défavorable.
Concernant l’information préopératoire, une âpre discussion s’instaure quant à l’information que devait donner le chirurgien sur les risques liés au tabac dans le contexte d’une chirurgie orthopédique. Mais finalement, devant l’absence de recommandations opposables, il ne retiendra pas de manquement à l’encontre du chirurgien.
Une information préopératoire essentielle
Les conséquences néfastes de l’intoxication tabagique en chirurgie de manière générale, et plus spécifiquement en orthopédie, sont largement connues. Certaines complications voient leur pourcentage de survenue se majorer très nettement lorsqu’il existe une intoxication tabagique :
- nécrose cutanée,
- retard de consolidation des ostéotomies,
- majoration du risque infectieux
Certains centres de référence, en particulier en matière d’infection ostéo-articulaire, refusent toute prise en charge chirurgicale, hors contexte d’urgence, si le patient n’apparait pas sevré du tabac.
Notre société savante et la Haute Autorité de Santé, ont certes alerté les chirurgiens orthopédistes des conséquences du tabac. Mais pour autant, à ce jour, il n’existe encore aucune recommandation sur la conduite à tenir devant un patient tabagique, susceptible de bénéficier d’une prise en charge chirurgicale orthopédique.
D’autres sociétés savantes se sont emparées du sujet.
Ainsi, la Société Française de Chirurgie Plastique Reconstructrice et Esthétique, a élaboré des recommandations proscrivant toute indication de chirurgie, plastique comme reconstructrice, dès lors que le patient est tabagique.
Elle recommande un arrêt complet du tabac, au moins un mois avant l’intervention puis jusqu’à cicatrisation. Elle a édité un document destiné à l’information du patient justifiant cette décision.
De plus en plus fréquemment, en particulier dans la chirurgie du pied, les experts s’attardent sur l’information délivrée en préopératoire sur les graves conséquences potentielles de l’intoxication tabagique.
Ainsi, nous recommandons aujourd’hui, au minimum, l’existence d’une traçabilité sur l’information des risques liés au tabac lors de la consultation préopératoire.
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