Douleurs abdominales et examen clinique incomplet
Un petit garçon de 12 ans est admis aux urgences à 4 h du matin en raison de douleurs abdominales importantes irradiant dans la jambe, d’un épisode fébrile et de nausées.
Ses antécédents médicaux sont d’une part, une sclérose tubéreuse de Bourneville, à l’origine d’un retard intellectuel et de troubles de comportements importants ; d'autre part, et du fait de sa pathologie, d’une épilepsie traitée par Micropakine® et Lamictal® ; enfin, d’une polykystose rénale.
L’apparition des douleurs a été tracée dans le dossier à 2 h du matin, soit deux heures avant l’admission aux urgences. L’enfant a bénéficié d’un examen clinique qui semble avoir été abdominal, et qui a objectivé un patient en prostration, un abdomen souple mais sensible, avec un doute sur l’existence d’une défense en fosse iliaque droite, une jambe en flexion sans véritable psoïtis.
Le patient n’a pas été déshabillé et ses parties génitales n’ont pas été examinées.
Ont été prescrits une échographie abdominale ne retrouvant aucune anomalie, notamment au niveau de l’appendicite et un scanner retrouvant une stase stercorale importante. Un bilan biologique a aussi été réalisé ne retrouvant pas de syndrome inflammatoire. Le diagnostic de constipation a été posé.
La sortie a été autorisé à 14 heures, avec remise aux parents d’une ordonnance de Forlax®.
Devant la persistance des symptômes, la mère a conduit son fils aux urgences d’un établissement privé deux jours plus tard. A ce moment, le petit garçon ne peut plus marcher à cause de la douleur. Le deuxième urgentiste ne réalise pas (ce qu’il admettra plus tard) d’examen approfondi, se contentant de palper l’abdomen.
L’enfant n’est donc à nouveau pas déshabillé et les parties génitales ne sont pas examinées. Le diagnostic de constipation est confirmé, et le petit garçon sort avec une prescription de Debridat® et de Lansoyl®.
Les antalgiques n’ayant aucun effet sur les douleurs de son fils, la mère contacte par téléphone son médecin traitant, lui mentionnant les douleurs abdominales de son fils irradiant dans la jambe droite. Le médecin traitant suspecte tout de suite une torsion testiculaire et préconise à la mère de se rendre en urgence dans un autre hôpital.
Arrivé dans ce nouvel établissement, le diagnostic de torsion testiculaire droite est immédiatement posé : le testicule droit est de volume important et tuméfié, avec présence d’un placard inflammatoire. Une échographie des testicules est réalisée et confirme le diagnostic.
L’enfant est opéré au 4e jour : une orchidectomie gauche et une orchidopexie droite sont réalisées. La sortie de l’enfant a lieu le lendemain, un traitement antibiotique par Augmentin® est institué étant prescrit pour 7 jours.
Retard de diagnostic d'une torsion testiculaire : une perte de chance indéniable
Lors de l’expertise, La maman reprochera aux deux urgentistes de ne pas avoir diagnostiqué la torsion dont souffrait son fils, manquement à l’origine de la perte de son testicule.
L’expert lui donnera raison, l’examen de l’enfant pratiqué tant par le premier que par le second médecin étant incomplet puisqu'il ne comportait pas l’examen des parties génitales de l’enfant, et ce alors que la symptomatologie (douleurs abdominales pas très bien localisées, prostration, jambe droite en flexion et douloureuse) le justifiait pour écarter une hernie inguinale ou une torsion des testicules.
L’expert retiendra donc une erreur de diagnostic responsable d’un retard de prise en charge de la torsion testiculaire.
Les recommandations de notre expert MACSF
- L'examen de tout enfant se plaignant de douleurs abdominales doit se faire sur un enfant déshabillé, en n'omettant pas l'examen des aines et des parties génitales.
- Bien inscrire la date d'apparition des douleurs sur l'observation médicale.
En effet, la vitalité du testicule n'est que de 6 heures ; au-delà, la nécrose est inéluctable. - L'imagerie n'a pas sa place dans le diagnostic d'une torsion testiculaire et ne doit pas retarder la prise en charge chirurgicale urgente.
- L'intervention chirurgicale consiste en premier lieu à explorer, habituellement par un abord scrotal, le côté atteint avec, en cas de confirmation du diagnostic, une détorsion du testicule et, lorsqu'il présente une revascularisation satisfaisante, une fixation de ce testicule.
En l'absence de toute revascularisation et de nécrose testiculaire avérée, une orchidectomie est réalisée. La pose d'une prothèse testiculaire sera proposée dans un second temps.
En somme, la torsion testiculaire doit être évoquée systématiquement devant tout tableau abdominal chez un adolescent.
L'erreur diagnostique peut conduire à la perte du testicule et engager la responsabilité médicale du praticien.