À quoi sert une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) ?
La RCP a été mise en place dès le premier plan cancer de 2003-2007, avec un objectif clair : constituer un temps formalisé d’échanges pluridisciplinaires pour adopter la proposition de prise en charge thérapeutique individualisée la plus adaptée à chaque patient, selon le meilleur état de l’Art (recommandations nationales si elles existent, recommandations et référentiels des sociétés savantes, etc.).
La RCP est obligatoire dans :
- tous les établissements de santé,
- les groupements d’établissements de santé,
- les réseaux de cancérologie ou dans le cadre de la coordination en cancérologie.
C’est une des conditions techniques de fonctionnement de l’activité de soins de traitement du cancer.
Un décret du 26 avril 2022 a posé le principe d’une révision des règles applicables aux RCP, à partir d’un référentiel dont l’élaboration a été confiée à l’INCA (Institut national du cancer). Ce référentiel a été publié en septembre 2023 et constitue désormais le cadre de référence.
Il permet de bien différencier les RCP des "réunions de staff" ou "réunions pluriprofessionnelles", temps de discussions qui peuvent être organisés librement par les équipes de soins, en amont ou en aval de la RCP, mais qui ne sont pas visés par le référentiel.
Quels sont les différents types de RCP ?
Il existe 4 grands types de réunions de concertation pluridisciplinaire :
- RCP "standard".
- RCP de recours : elle concerne les patients de plus de 18 ans auxquels une chirurgie oncologique dite "complexe" est susceptible d’être proposée. Il en existe 5 catégories : viscérale et digestive, thoracique, sphère ORL-cervico faciale-maxillofaciale, urologique et gynécologique.
- RCP Cancers rares : elle s’adresse aux patients de plus de 18 ans atteints d’un cancer considéré comme "rare" et entrant, à ce titre, dans le réseau "cancers rares".
- RCP pédiatrique inter-régionale : elle concerne les patients de moins de 18 ans.
Quand une RCP doit-elle se tenir ?
La RCP commence au diagnostic de cancer et s’achève avec la fin des thérapeutiques spécifiques mises en place.
Elle doit obligatoirement se tenir à des moments-clés de la prise en charge :
- avant tout projet de proposition thérapeutique initiale,
- avant tout projet de modification significative de la démarche thérapeutique,
- avant tout projet d’arrêt des thérapeutiques.
En dehors de ces moments précis, il est aussi possible de provoquer une RCP à la demande du médecin référent (médecin en charge du parcours de soins), s’il juge qu’un choix médical nécessite une analyse pluridisciplinaire.
L’avis de la réunion de concertation pluridisciplinaire
L’avis est écrit et comporte la date, le nom et la qualification des participants.
Il se fonde sur des références scientifiques : recommandations de bonne pratique, référentiels, souvent internationaux, etc.
En cas de désaccord entre les membres de la RCP, ne permettant pas d’aboutir à un avis, il est possible de présenter deux avis en les argumentant, ou encore de solliciter une autre RCP.
L’avis est collectif.
Compte tenu de l’urgence qui prévaut parfois dans la prise de décision, toute RCP doit être en mesure de se réunir au moins une fois par semaine.
Qui sont les participants à une RCP ?
Les participants sont toute personne dont les compétences peuvent concourir à un avis éclairé sur un projet de proposition thérapeutique. Des observateurs peuvent également être présents (étudiants par exemple).
Les RCP peuvent être organisées localement, à l’échelle d’un ou de plusieurs établissements, ou plus largement (au plan régional, voire national quand des compétences très spécifiques sont requises).
Un système complexe de quorum est mis en place, en fonction du type de RCP (voir les détails dans le référentiel de l’INCA).
Quelles sont les différentes étapes d’une RCP ?
Plusieurs étapes se succèdent obligatoirement :
- Le médecin référent élabore un projet de proposition thérapeutique.
- Ce projet est soumis à la RCP par l’intermédiaire du dossier communicant de cancérologie de la région concernée. Les participants doivent disposer de toutes les informations utiles pour établir un avis éclairé et pertinent. Ces éléments essentiels sont listés dans le référentiel de l’INCA.
- La RCP se réunit, en distanciel ou en présentiel selon les situations et le degré d’urgence. Les participants prononcent un avis de la RCP sur le projet de proposition thérapeutique.
- L’avis est diffusé dans les 7 jours de la RCP auprès du médecin référent, des professionnels de santé qui prennent part à la prise en charge du patient et du médecin traitant du patient.
- En fonction de cet avis, le médecin référent prépare une proposition thérapeutique, qui correspond généralement à l’avis mais peut aussi s’en écarter. Il doit alors impérativement le justifier et le tracer dans le dossier patient ainsi que dans le dossier communicant de cancérologie.
- Le médecin référent propose cette thérapeutique au patient au cours d’une consultation dédiée.
- En cas d’accord, la proposition devient une décision thérapeutique qui est remise au patient sous la forme d’un programme personnalisé de soins (PPS). Elle est également tracée au dossier.
Quelles sont les caractéristiques de l’avis de la RCP ?
- L’avis est écrit et comporte la date, le nom et la qualification des participants.
- Il se fonde sur des références scientifiques : recommandations de bonne pratique, référentiels, souvent internationaux, etc.
- Il doit être rédigé dans des termes compréhensibles. Il est recommandé d’élaborer des trames-types : cela n’empêche pas la personnalisation mais évite les confusions liées à une rédaction imprécise.
- Le référentiel énumère les items qui doivent obligatoirement figurer dans l’avis. Cet avis est enregistré, et c’est cet enregistrement qui le valide définitivement.
Comment la qualité de la RCP est-elle évaluée ?
Les travaux de la RCP sont évalués par les 3C (Centres de coordination en cancérologie), en prenant en compte des indicateurs mesurables et fiables.
Quelles responsabilités en cas de préjudice pour un patient après mise en œuvre de l’avis de la RCP ?
Pour la RCP en tant qu’entité
La RCP n’a pas de statut juridique propre. Les praticiens qui la composent peuvent avoir des statuts différents (libéraux, hospitaliers, salariés).
Comme le rappelle l’article R.4127-64 du code de la santé publique :
"Lorsque plusieurs médecins collaborent à l'examen ou au traitement d'un malade, ils doivent se tenir mutuellement informés ; chacun des praticiens assume ses responsabilités personnelles et veille à l'information du malade".
Le tribunal administratif de Lille a ainsi rappelé, dans un jugement du 4 novembre 2022, que "l’avis et la proposition qui résultent d’une réunion de concertation pluridisciplinaire, collégiale, ne présentent qu’un caractère indicatif". En l’espèce, les 10 médecins présents avaient conclu à la nécessité d’une thoracotomie exploratrice. Cette proposition est qualifiée par le juge administratif comme revêtant "un caractère collégial et indicatif dépourvu de toute valeur juridique. Elle ne peut, dès lors, entraîner la qualification de faute". Plus encore, il rappelle également que la RCP ne saurait "être regardée comme dispensant le chirurgien de son rôle dans le diagnostic et le choix thérapeutique".
Pour les médecins qui composent la RCP et concourent à l’avis
La difficulté réside dans le fait qu’ils ne rencontrent pas le patient alors pourtant qu’ils se prononcent sur sa situation individualisée.
Il n’existe pas de jurisprudence sur ce point précis, mais on voit mal à quel titre la responsabilité individuelle de ces médecins pourrait être mise en cause : la décision est collégiale et s’appuie sur des recommandations et/ou des référentiels.
Pour le médecin référent qui met en œuvre l’avis de la RCP
Le médecin référent reste maître de la proposition qu’il soumet au patient.
Mais s’il suit l’avis de la RCP et s’il en résulte un dommage, il semblerait logique qu’il n’encoure aucune responsabilité : en effet, il a suivi l’avis d’une équipe pluridisciplinaire composée de professionnels spécialisés, reposant sur les données acquises de la science (sauf hypothèse, peu probable dans ce contexte, d’une erreur grossière de l’ensemble des intervenants).
Pour le médecin référent qui décide de ne pas mettre en œuvre l’avis de la RCP
Comme déjà vu, le médecin garde une marge de manœuvre dans la mise en œuvre de l’avis, auquel il n’est pas lié. Il ne peut donc, en soi, lui être reproché de ne pas l’avoir suivi, dès lors qu’il est en mesure de justifier son choix par des éléments propres au patient et à sa situation.
Dans ces circonstances, il est nécessaire de bien tracer et justifier la décision prise dans le dossier du patient, pour être en mesure, en cas de procédure ultérieure, d’apporter les éléments de preuve nécessaires.
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