Une demande d'ouverture d'un cabinet secondaire dans une station balnéaire
Un pédicure-podologue demande au Conseil régional de l'Ordre des pédicures-podologues l'autorisation d'ouvrir un cabinet secondaire dans une commune très touristique du Barcarès.
Cette autorisation est refusée par le Conseil régional puis, sur appel, le Conseil national de l'Ordre.
Le pédicure-podologue demande au Tribunal administratif d'annuler cette décision pour excès de pouvoir. Le Tribunal administratif rejette sa demande. Ce rejet est confirmé en appel par la Cour administrative d'appel.
Un refus qui ne prend en compte que les seuls besoins de la population sédentaire
L'article R4322-79 du Code de la santé publique (CSP) rappelle que le lieu habituel d'exercice d'un pédicure-podologue est celui de la résidence professionnelle au titre de laquelle il est inscrit sur le tableau du Conseil régional de l'Ordre.
La création d'un cabinet secondaire est possible lorsqu'il existe, dans le secteur géographique considéré, une carence ou une insuffisance de l'offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou à la continuité des soins.
Pour rejeter le recours en excès de pouvoir, la Cour administrative d'appel a considéré que la population saisonnière du secteur n'avait pas à être prise en compte pour apprécier l'existence d'une carence ou d'une insuffisance de l'offre de soins de pédicurie-podologie.
Elle estime en effet que l'implantation d'un cabinet secondaire répond davantage aux besoins de la clientèle sédentaire qu’à ceux d'une clientèle occasionnelle touristique, compte tenu de la nature des soins
Le pédicure-podologue considère au contraire que pour évaluer les besoins des patients, il faut tenir compte de la population du secteur géographique considéré en incluant la population de passage et celle qui y réside de manière saisonnière. En l’espèce, la commune du Barcarès voit sa population d'habitants permanents quadrupler pendant la période estivale.
Le professionnel se pourvoit donc en cassation devant le Conseil d'État.
Le critère de la fréquentation touristique ne peut être exclu par principe
Le Conseil d'État accueille le pourvoi du pédicure-podologue dans une décision du 31 décembre 2019.
La Cour administrative d'appel ne pouvait exclure pour la profession en cause, par principe, les besoins d’une clientèle non sédentaire. Elle se devait de rechercher s'il existait une carence ou une insuffisance de l'offre de soins de pédicurie-podologie dans le secteur géographique considéré, en fonction des besoins des résidents, tant permanents que saisonniers, et de la population de passage.
L’arrêt attaqué est annulé, et le Conseil national de l’Ordre est condamné à verser au pédicure-podologue une somme de 3 000 € correspondant aux dépens de l’instance.
Une solution logique
La solution retenue n’est pas nouvelle
En 1999 déjà, une décision du Conseil d’État n°187481 avait retenu la même solution pour l’ouverture d’un cabinet de dermatologie secondaire à Hendaye, qui triplait sa population l’été.
Pour apprécier l’éventuelle insuffisance de l’offre de soins sur un territoire, il paraît logique de tenir compte des variations de la population au cours de l’année, selon une saisonnalité qui dépend du lieu concerné.
Pour autant, l’augmentation saisonnière de la population ne suffira pas, à elle seule, à justifier dans toutes les hypothèses une autorisation d’ouverture d’un cabinet secondaire.
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En effet, le Conseil d’État prend soin de préciser qu’il n’est pas possible d’exclure, par principe, les besoins de la clientèle saisonnière. Mais il reste possible de refuser l’installation d’un cabinet secondaire, même si la population augmente de façon importante à certaines périodes de l’année.
La décision sera donc fonction :
- des circonstances propres à chaque territoire géographique,
- de la profession concernée,
- de l’offre de soins existant par ailleurs alentours.