Décès d'une patiente porteuse d'une cardiopathie congénitale
Une patiente âgée de 30 ans, porteuse d’une cardiopathie congénitale cyanogène non opérée, est suivie depuis 1992 pour une parodontose généralisée, avec des bilans réguliers tous les deux ans.
Son praticien part à la retraite et cède son cabinet à un successeur, qui continue les soins. Il procède ainsi à un surfaçage et un détartrage du secteur 1, puis du secteur 2 et 4 en avril 2017 sous anesthésie locale, sans antibiothérapie prophylactique.
Dès le lendemain, la patiente est hospitalisée pour céphalées importantes et hémiparésie gauche avec une atteinte faciale. La situation s’aggrave rapidement puisqu’elle présente une défaillance polyviscérale, un abcès cérébral et une endocardite aiguë.
Elle décède mi-mai après de nombreux arrêts cardio-respiratoires.
La famille de la victime saisit la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CCI), qui met en place une expertise et procède à la désignation d’un collège d’experts : un chirurgien-dentiste et un anesthésiste réanimateur.
Des soins dentaires non conformes aux règles de l'art : abstention fautive d'antibiothérapie à l'origine du décès de la patiente
À l’issue de cette expertise, les experts relèvent que les soins dentaires ont été prodigués à une patiente de groupe A dite "cardiopathie à haut risque".
Selon eux, l’endocardite est une maladie rare mais non exceptionnelle. Dans ce tableau pathologique, une antibiothérapie est systématiquement recommandée pour tout acte potentiellement invasif, en prévention des endocardites infectieuses.
Ils concluent que l’absence de respect de prescription d’antibioprophylaxie lors des soins dentaires réalisés "n’est pas conforme aux pratiques usuelles". Le décès de la patiente est lié à :
- une abstention fautive de prescription d’antibioprophylaxie par le praticien (1/3),
- l’évolution prévisible de la pathologie initiale (1/3),
- une infection nosocomiale survenue à l’hôpital où a été prise en charge la patiente (1/3).
Défaut d'actualisation du questionnaire médical par le prédécesseur
La Commission de conciliation est plus sévère que les experts. Dans son avis, elle majore la responsabilité imputée au chirurgien-dentiste et la porte à 50 %.
Dans le cadre de la défense du praticien, la MACSF a contesté cet avis en invoquant le fait que le nouveau praticien n’avait pas connaissance de la pathologie de la patiente, qui n’avait jamais été signalée dans le dossier du prédécesseur, et a obtenu contre toute attente une contre-expertise devant le Tribunal judiciaire.
Une pathologie non signalée lors de l'interrogatoire médical
L'expert judiciaire désigné considère que la connaissance de la pathologie cardiaque ne pouvait pas se déduire de la nature et de la régularité des soins prodigués par le prédécesseur.
En effet, l’absence de questionnaire médical ne signifie pas qu’aucun interrogatoire médical n’a eu lieu oralement.
En l’espèce, la famille de la victime n’avait jamais signalé cette pathologie. L’expert considère que les soins ont été conformes aux données acquises de la science, mettant ainsi hors de cause le successeur.
L'importance de la mise à jour du questionnaire médical
Dans cette ancienne affaire, le tribunal met hors de cause le successeur qui ne connaissait pas la pathologie de sa patiente en dépit d’un interrogatoire oral d’actualisation du dossier (la cardiopathie n’était pas notée dans le dossier médical de son prédécesseur).
Les juges n’ont pas retenu la responsabilité du praticien dans la prise en charge de sa patiente mais il est fort probable que cette affaire, si elle était jugée aujourd’hui, aurait une issue différente compte tenu de l’actualisation des recommandations de la HAS sur les patients à haut risque d’endocardite.