Essentiel : vérifiez l’affichage
Si un projet de construction est en cours à proximité de chez vous, le premier point d’attention concerne l’affichage de l’autorisation délivrée.
Premier intérêt : s’informer sur la nature et l’étendue du projet
Dès que vous constatez l’affichage d’un panneau relatif à une autorisation d’urbanisme sur un terrain, il est conseillé d’aller en mairie consulter les éléments sur ladite autorisation auprès du service urbanisme.
Cette consultation vous permettra :
- de vous renseigner sur le projet autorisé (étages, taille, dimension, etc.) et les éventuelles prescriptions de l’administration à respecter par le demandeur de l’autorisation ;
- de vous assurer de la conformité des travaux à l'autorisation octroyée. En effet, le non-respect d’une autorisation d’urbanisme octroyée (ou même encore de construire sans autorisation) est une infraction pénale. Elle doit être constatée selon une procédure spécifique qui nécessite l’information et l’action de l’autorité compétente (article L. 480-1 du code de l'urbanisme), en pratique le maire. Dans ce cas, il faut donc signaler l’infraction au service urbanisme de votre commune, c’est elle qui gérera l’infraction.
Si le projet n’a pas encore débuté, nous vous invitons également à prendre contact avec votre voisin pour discuter du projet et voir ensemble les aménagements (paysagers par exemple) à y apporter pour respecter l’intimité de chacun.
Second intérêt : le point de départ du délai de recours
L’affichage sur le terrain est un point crucial car il fait courir les délais de recours contre l’autorisation délivrée.
En effet, en vertu des dispositions de l’article A. 424-8 du code de l’urbanisme, les tiers disposent d'un délai de deux mois à compter de l'affichage régulier du permis sur le terrain pour le contester. Le code de l’urbanisme fixe ainsi des règles de visibilité, de taille du panneau, de contenu des informations du panneau d’affichage, etc. qu’il convient de respecter pour que l’affichage soit régulier.
L'affichage d'un permis de construire n'a donc qu'un seul objet : faire courir le délai de recours des tiers contre le permis de construire de deux mois (article R. 600-2 du code de l'urbanisme). Une fois ce délai passé, l’autorisation délivrée ne peut plus être contestée, même si elle peut être illégale.
Réflexe utile quand vous achetez un bien immobilier :
Rapprochez-vous du service urbanisme de votre commune pour savoir si une autorisation d’urbanisme a été déposée à proximité du bien, objet de la vente.
Cela pourra permettre de voir si un projet est en cours et potentiellement à ne pas acquérir le bien si ce projet ne vous convient pas.
Quels recours exercer ?
Il existe deux recours distincts pour contester une construction litigieuse : un recours contre l’autorisation auprès du Tribunal administratif (2.1.) et un recours auprès du Tribunal judiciaire pour obtenir réparation des préjudices subis (2.2.).
Recours contre l’autorisation d’urbanisme
Quel est l’objet du recours ?
Le recours contre une autorisation d’urbanisme (déclaration préalable ou permis de construire) a pour objet de contester la légalité de cette autorisation au regard des dispositions du code de l'urbanisme ou du document d’urbanisme applicable dans la commune (en général le Plan Local d’Urbanisme - PLU).
Attention
N’importe qui ne peut pas former un tel recours, il faut démontrer un intérêt à agir (voisin immédiat par exemple ou proximité ou visibilité du projet).
Quel est de délai pour former un recours ?
Le délai de recours est de deux mois à compter de l’affichage de l’autorisation sur le terrain.
La charge de la preuve de l'affichage constant et régulier pèse sur le pétitionnaire. Ainsi, si votre voisin n'est pas en mesure de démontrer qu'il a bien affiché l’autorisation d’urbanisme depuis plus de deux mois (par un constat d'huissier, des photos, des témoignages, etc.), un recours serait recevable même si le délai de deux mois d’affichage est dépassé.
Dans ce cas, le recours pourra être formé jusqu’à un délai maximum de 6 mois à compter de l’achèvement des travaux.
Comment se matérialise le recours ?
Le recours se matérialise par un courrier recommandé envoyé au maire ou au Préfet (cela dépendra de qui a pris l’arrêté contesté) pour contester la légalité de l’autorisation d’urbanisme.
Attention
Les recours administratifs doivent également être notifiés à l'auteur du permis de construire et à son bénéficiaire dans un délai de 15 jours pour le recours préalable et le recours contentieux (CU art. R. 600-1, al. 2). A défaut, votre recours sera irrecevable.
Quelles sont les suites du recours ?
La mairie ou le Préfet dispose de 2 mois pour répondre au recours gracieux. La personne publique peut prendre :
- soit une décision expresse d'acceptation du recours emportant retrait de l’autorisation d’urbanisme ;
- soit une décision expresse de rejet du recours gracieux.
Dans l'hypothèse où elle ne se prononcerait pas, à l'issue du délai de 2 mois, elle sera réputée avoir pris une décision implicite de rejet.
Que la personne publique ait pris une décision implicite ou explicite de rejet du recours gracieux, vous aurez de nouveau 2 mois à compter de la décision intervenue au sujet du recours gracieux pour introduire alors un recours contentieux devant le Tribunal administratif.
Recours pour obtenir réparation des préjudices subis
Non-respect de règles autres que les règles d’urbanisme proprement dites
L’article A. 424-8 du code de l’urbanisme précise qu’une autorisation d’urbanisme est toujours délivrée sous réserve du droit des tiers.
Indépendamment de la question de la légalité de l’autorisation d’urbanisme en elle-même par rapport aux règles d'urbanisme, toute personne s'estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d'autres dispositions de droit privé peut faire valoir ses droits en saisissant le Tribunal Judiciaire.
Exemple
Un règlement de lotissement dans lequel est situé le projet n’est pas pris en compte ou respecté. Cela est normal car l’autorisation d’urbanisme ne regarde que la légalité du projet avec les dispositions d’urbanisme. Il se peut donc que l’autorisation d’urbanisme soit conforme au PLU par exemple, et donc légale, mais contraire à un règlement de lotissement.
Par exemple, le PLU pourrait prévoir des constructions en harmonie avec le voisinage, et le règlement de lotissement une couleur spécifique de porte ou de volet. Si le projet ne respecte pas cette couleur, l’autorisation d’urbanisme peut être accordée, mais le projet sera contraire au règlement de lotissement et ne pourra donc être mis en œuvre par le demandeur.
À retenir
Ce n’est donc pas parce qu’une autorisation d’urbanisme a été délivrée qu’elle respecte les règles autres que les règles d’urbanisme, bien au contraire !
Trouble anormal du voisinage
Par ailleurs, il est possible que la construction vous cause un préjudice.
Les préjudices subis peuvent être nombreux : perte de valeur du bien, perte d’ensoleillement, préjudice esthétique, perte d’intimité, etc.
De tels préjudices sont réparables au titre du trouble anormal de voisinage. Les troubles anormaux de voisinage sont des nuisances qui excèdent les inconvénients normaux de voisinage. Ils peuvent être sanctionnés même si leur auteur n'a commis aucune faute. Un propriétaire n'a en effet pas le droit d'imposer impunément à ses voisins une gêne excédant les obligations ordinaires du voisinage.
Pour être indemnisé, le préjudice subi doit donc être anormal.
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Pour cela, les juges apprécient "in concreto", à savoir au cas par cas, pour chaque dossier.
Il appartient donc au demandeur/victime de rapporter la preuve du trouble et du dommage qui en découle. Pour cela, une expertise amiable ou judiciaire apparaît nécessaire et peut avoir un coût important.
Il faut donc bien réfléchir avant d’envisager un recours sur ce fondement.
Concernant le délai pour exercer un tel recours indemnitaire, celui-ci est plus large puisqu’il s’agit du délai classique de droit commun, à savoir 5 ans à compter de la connaissance du dommage.
En conclusion
Ainsi, si des travaux sont mis en œuvre à proximité de votre bien, vous savez désormais qu’il convient de vous rapprocher du service urbanisme de votre commune pour clarifier le projet entrepris, ainsi que de votre voisin pour essayer d’établir ensemble des modalités de mise en œuvre qui conviennent à tous.
Surtout, il faut réagir dès le premier jour d’affichage du panneau d’information sur l’autorisation d’urbanisme obtenue, car le délai de recours de 2 mois est très vite passé. |