L’hôpital de nuit : un autre monde ?
Toutes et tous le disent : la nuit, entre l’anxiété des patients qui s’intensifie et des effectifs plus réduits qu’en journée, la pression augmente. Le travail de nuit à l’hôpital exige donc encore plus de vigilance, de sang froid et d’endurance. Et ça, on n’en a pas forcément conscience quand on débute.
« La qualité de travail n’est pas la même. La charge est plus lourde pour l’infirmière de nuit. Moi par exemple, je dois gérer douze patients, la nuit. Il faut être capable de rester souriante pendant 12h, à un moment où on est moins entourée, mais où les patients sont généralement plus agités et plus angoissés… » (Hanen, 36 ans, infirmière hospitalière)
« Au début, ça été difficile. J’ai mis six mois à prendre le rythme. D’autant que quand j’ai commencé, mon fils avait seulement un an. Travailler de nuit, ça n’est pas donné à tout le monde. » (Antufiat, 45 ans, infirmière hospitalière)
« Il faut une certaine résistance pour travailler de nuit. On sent facilement isolée, le stress est majoré, donc au début, c’est compliqué. » (Laurence, 50 ans, formatrice, ex-infirmière hospitalière)
Face aux exigences de la nuit, misez sur les bons carburants
Après quelques temps à travailler de nuit, la plupart des soignants que nous avons rencontrés ont dû ajuster leur alimentation. Pour éviter les baisses d’énergie, mais aussi pour la qualité du sommeil, pour le moral… et pour éviter les prises de poids typiques des rythmes décalés.
« Il faut surtout éviter le piège de se jeter sur un truc sucré avant de dormir, parce qu’on risque ensuite d’être réveillée par la faim. Pas de choses trop lourdes non plus, sinon on a du mal à s’endormir. Mon habitude à l’époque où je travaillais de nuit, c’était une variante du « Bic » (le bouillon yaourt compote) : un yaourt/une compote, des biscottes, un thé, et c’est tout. Au réveil, je faisais un vrai déjeuner, quitte à m’obliger à me lever pour manger et faire une sieste dans l’après-midi. Il faut éviter de sauter des repas, sinon on vit des creux d’énergie, on prend du poids, etc. » (Kadiatou, 48 ans, cadre de santé, ex-aide-soignante, ex-infirmière de nuit)
« Il a fallu que j’adapte mon alimentation pour la rendre plus équilibrée. Je me suis mise à boire beaucoup plus d’eau qu’avant et à manger davantage de fruits.» (Antufiat, 45 ans, infirmière hospitalière)
« Ce que je ne faisais pas avant mais que je fais maintenant, c’est de planifier mes repas. Je me prépare 3 ou 4 repas d’avance, ça me permet de ne pas manger n’importe quoi. » (Niélé, 25 ans, infirmière hospitalière intérimaire)
« Je me ménage de petites pauses-collation, pour être sûr de m’alimenter régulièrement. Ça peut être un petit café et quelques biscottes, par exemple. Sans trop de sucres, mais en n’oubliant pas non plus de se faire plaisir. » (Gabin, 35 ans, infirmier hospitalier)
« Quand on commence tôt, on a tendance à grignoter tout ce qui passe… Moi j’ai pris trois kilos, depuis ma prise de poste. Tout le monde grossit ! Donc j’essaie de ne pas manger trop lourd avant de dormir et de ne pas manger entre les repas. » (Julie, 37 ans, infirmière hospitalière)
« Écoutez votre corps. Si vous allez à un repas de famille avant de prendre votre poste, renoncez à certains aliments qui font somnoler, par exemple. » (Jean-Claude, 59 ans, infirmier hospitalier)
Sport et techniques de relaxation : les grands alliés de la Garde de nuit
Pour réguler le sommeil, soulager le corps, prendre de la distance ou gérer le stress, toutes et tous soulignent l’importance de l’activité physique et des techniques de relaxation (sophrologie, méditation…). Pas si évident que ça quand la fatigue et le rythme s’intensifient, mais quasiment vital.
« Depuis un an, le truc que je fais, c’est de m’endormir avec une vidéo de sophrologie. J’avais beaucoup de préjugés là-dessus, mais j’ai fini par tester et ça marche. » (Niélé, 25 ans, infirmière hospitalière intérimaire)
« Quand je travaillais de nuit, j’arrivais du travail, je déposais mon enfant à la nourrice, j’allais courir pendant trois quart d’heure, une douche et dodo. C’était ma façon de couper. Et m’accordais un massage ou un hammam une fois par mois. » (Kadiatou, 48 ans, cadre de santé, ex-aide-soignante, ex-infirmière de nuit)
« Pour gérer le stress, je fais du sport : du footing et de l’escalade. Deux fois par mois seulement, parce que j’ai du mal à les caser dans mon emploi du temps… » (Hanen, 36 ans, infirmière hospitalière)
« Moi, pendant mes repos fixes, je fais du vélo et de la course. Faire du sport, ça aide beaucoup. » (Julie, 37 ans, infirmière hospitalière)
« Une activité en plein air, c’est idéal. En tout cas, trouver un moyen de se ressourcer. C’est indispensable pour se libérer la tête et tenir le rythme. » (Mireille, 59 ans, cadre de santé, ex-infirmière hospitalière)
Se ménager du temps pour soi… et accepter de ne pas pouvoir tout faire
Pour tenir la distance, celles et ceux que nous avons rencontrés ont tous insisté sur l’importance de ne pas tout sacrifier au travail. Et aussi d’accepter de ne pas pouvoir tout faire, dans tous les domaines de la vie.
« Même si ça peut être parfois compliqué avec la fatigue, garder une vie à côté et se ménager des rituels de décompression, c’est important… Il ne faut pas s’oublier, sinon on n’est pas des soignants efficaces. » (Pierre, 30 ans, infirmier hospitalier)
« Ménagez-vous absolument du temps pour vous. La priorité, c’est le sommeil. Et tant pis si la maison est dégueulasse. » (Kadiatou, 48 ans, cadre de santé, ex-aide-soignante, ex-infirmière de nuit)
« Il faut quand même vivre sa vie, sinon psychologiquement, on ne tient pas. Parfois, tant pis pour le sommeil, on se fait une soirée et voilà… Mon ami rentre à 20h30 le soir, je ne vais pas lui dire « Allez salut, je vais me coucher ! » (Julie, 37 ans, infirmière hospitalière)
« Se forcer à se ménager, surtout quand on débute. Quand on est jeune, on s’imagine qu’on peut tenir non-stop, 24h sur 24 sans couper, sans dormir. Mais ça ne dure pas. Il faut faire des choix et renoncer à certaines choses au besoin. Si vous travaillez la nuit, votre rythme biologique en dépend. » (Jean-Claude, 59 ans infirmier hospitalier)
« J’adapte mon planning pour garder du temps de sommeil, quitte à renoncer à certaines activités. Pour tenir la distance, il faut accepter de ne pas pouvoir tout faire. » (Niélé, 25 ans, infirmière hospitalière intérimaire)
Savoir demander de l’aide et trouver des soutiens
On l’a vu, le travail de nuit est souvent plus exigeant et plus solitaire que celui de jour. D’où l’importance de demander de l’aide sans attendre l’alerte rouge. Que ce soit au boulot, ou dans la vie perso…
« Trouvez un relais qui puisse vous soulager en dehors du boulot. Pour s’occuper des enfants, par exemple. Quand je travaillais de nuit, le plus dur pour moi n’était même pas le manque de sommeil. Ce qui était difficile, c’était de gérer les enfants : jongler avec mes horaires, ceux de mon conjoint, la nourrice… » (Kadiatou, 48 ans, cadre de santé, ex-aide-soignante, ex-infirmière de nuit)
« Les 3 P : Parler, parler et parler ! Parlez avec les autres de vos difficultés : avec l’équipe de jour, votre cadre de santé, etc. Ne vous isolez pas, surtout si vous travaillez de nuit. Identifier les personnes ressources à qui parler, c’est essentiel. » (Laurence, 50 ans, formatrice, ex-infirmière)
« En cas de problème, je dis les choses. Je n’hésite pas à aller voir mon supérieur. Parce que dire, ça soulage et ça aide à faire face au stress. » (Niélé, 25 ans)
« Si vous ne vous sentez pas bien, dites-le sans attendre. Osez vous exprimer sans crainte du jugement. Chez les soignants, accepter d’être vulnérable et dire « J’ai besoin d’aide », ça n’est pas évident. Or, c’est une force, dans une équipe. Ce n’est pas de la faiblesse. » (Catherine, cadre de santé)
Leurs derniers conseils pour la route
« Dans vos choix de formation, n’écoutez pas la pression sociale. N’allez pas vers la voie la plus technique sous prétexte que c’est plus valorisé, si c’est d’autre chose que vous avez envie. Y a pas que la réa, le SAMU, etc. Si vous avez envie de travailler en géronto, en psychiatrie, allez-y ! Sinon, vous ne tiendrez pas. » (Julie)
« Ce métier offre plein de possibilités, de variété, alors donnez-vous la possibilité d’évoluer. De reprendre une formation, de vous spécialiser, de changer de secteur, etc. Être dans ce questionnement, ça permet aussi de se rappeler, dans les moments difficiles, qu’on peut changer de situation. Qu’il existe toujours une porte de sortie, même si elle comporte une part de risque. » (Catherine)
« C’est pas facile de faire un choix au bout de 3 ans d’études, et c’est sur le terrain que vous allez confirmer votre intuition. Mais en tout cas, écoutez-la. Vous serez plus résistants aux difficultés du métier si vous faites ce qui vous correspond vraiment. » (Pierre, 30 ans, infirmier hospitalier)
« C’est un métier qui va beaucoup vous demander : d’engagement, de don de soi, d’amour pour l’autre. Mais pour pouvoir donner, il faut connaître ses limites. Et trouver malgré tout du temps pour prendre soin de soi. » (GABIN, 35 ans, infirmier hospitalier)