Aménagements de stage : que disent les textes ?
Le Code de l’éducation, dans sa partie consacrée au 3e cycle des études de médecine, prévoit le cas des internes en situation de handicap.
Lorsque l’étudiant de troisième cycle des études de médecine prend part à la procédure de choix de stage et qu’il présente un handicap tel que défini à article L114 du Code de l’action sociale et des familles, il bénéficie :
- d’un accompagnement prévu par décret, en vue d’un aménagement de ses conditions de travail en stage (article R632-33 du Code de l’éducation) ;
- d’un accompagnement prévu à l’article D631-22, en vue de l’accomplissement des stages dans le cadre de sa formation universitaire ou en vue d’une réorientation éventuelle (article R632-41 du Code de l’éducation).
Par ailleurs, le Guide relatif à la protection sociale des internes paru en 2013 insiste sur la nécessité de prendre en compte l’état de santé de l’interne dans le choix du stage :
"Lors du choix du stage, l’interne inapte ou en situation de handicap doit pouvoir bénéficier d’un stage adapté à sa situation. L’interne choisit un stage en fonction de son ancienneté et de son rang de classement après avoir échangé avec le coordonnateur de sa spécialité sur les différents lieux de stage compatibles avec son handicap (…)."
Ces textes mis à part, il n’existe pas de disposition spécifique dans les protocoles de prise en charge des internes présentant un handicap au sein des institutions facultaires comme hospitalières.
L’absence de parcours clair peut conduire l’interne, déjà en difficulté compte tenu de son handicap, à une errance pénalisante dans ses études mais également dans son propre parcours de soin.
Voici quelques pistes.
Qui peut bénéficier d'aménagements de stage ?
Le handicap a été défini pour la première fois le 11 février 2005, date à laquelle a été votée la loi "Handicap" visant à améliorer la vie des personnes en situation de handicap.
Pour bénéficier d’aménagements, l’interne doit présenter un handicap tel que défini à l’article L114 du Code de l’action sociale et des familles :
"Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant."
Bon à savoir
L’interne n’a pas besoin d’être reconnu comme travailleur handicapé (RQTH) par la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) pour bénéficier des aménagements de stage. Il lui suffit d’avoir une lettre du médecin traitant ou de son spécialiste sur le suivi ainsi qu’une ordonnance récente.
Quels aménagements sont possibles et comment les demander ?
Le manque de littérature en France ne permet pas de déterminer quels sont les aménagements les plus demandés.
Un rapport anglais de 2020 fait état de demandes tenant :
- aux aménagements des heures de travail, de formation ou d’études (57 %),
- à la nécessité de bénéficier d’équipements spécialisés (34 %),
- ou encore d’adapter les bâtiments ou les locaux facilitant l’accès (10 %).
En France, les aménagements proposés varient en fonction de la nature des stages.
Stages hospitaliers
- Le surnombre
Le Code de l’éducation prévoit que les internes présentant une situation de handicap peuvent demander à accomplir leur stage en surnombre, leur permettant ainsi d’être affecté à un stage en tant qu’effectif supplémentaire.
Avantage : l’interne bénéficie alors d’un planning ajusté tout en permettant la continuité du service.
Ce stage peut être validant ou non validant selon que l’interne s’est positionné en fonction ou non de son rang de classement.
- Surnombre validant
L’interne choisit un stage encore accessible en fonction de son rang de classement et auquel il est affecté comme un interne supplémentaire à l’effectif nécessaire au service. Ce stage compte alors dans l’ancienneté et permet d’avoir un semestre supplémentaire pour les choix suivants et pour les rémunérations.
L’interne ne doit pas interrompre son stage plus de deux mois (article R 6153-20 du Code de la Santé Publique). Les congés annuels, de formation universitaire et congés exceptionnels sont à comptabiliser dans le temps effectif de stage validant.
- Surnombre non validant
Le choix de stage se fait indépendamment du rang de classement, qui ne sera pas validant, et ce, qu’elle qu’en soit la durée.
L’interne n’est pas tenu d’effectuer quatre mois effectifs dans le stage.
Ce stage est plus adapté en cas de soins contraignants.
- Le choix du lieu de stage
Les internes présentant une situation de handicap ont la possibilité de choisir un stage à proximité de leur domicile afin de réduire les contraintes liées au transport.
- La mise à disposition de matériels spécifiques
Des matériels spécifiques peuvent être financés par le Fonds d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique au profit des internes en situation de handicap.
- Les astreintes et les gardes
L’adaptation des horaires de travail occupe une place importante dans les aménagements qui peuvent être demandés par les internes.
Les internes présentant une situation de handicap ont notamment la possibilité de demander des autorisations d’absences ponctuelles, soumises à justificatifs, et d’être exemptés de faire des gardes de nuit, les gardes de 24 heures ou les gardes durant les week-end et jours fériés.
Une contre-indication aux astreintes peut également être obtenue.
- Comment demander ces aménagements ?
Les mesures liées à l’aménagement doivent être mises en œuvre par l’administration d’accueil (l’employeur), les Départements Universitaires de Médecine Générale et l’Agence Régionale de Santé (ARS).
Elles font intervenir le médecin du travail, organisme central dans la gestion des handicaps et du parcours professionnel des internes, lequel émet un avis favorable ou défavorable.
L’étudiant présentant un handicap doit prendre l’attache des personnes référentes au sein de la structure d’accueil et d’accompagnement des étudiants en situation de handicap de l’université auprès de laquelle il est inscrit.
Cette structure initie le processus d'aide et d'accompagnement de l'étudiant concerné en lien avec le directeur de l'unité de formation et de recherche, le service de santé au travail du centre hospitalier universitaire de rattachement, le responsable de stage ou le coordonnateur local, le service universitaire de santé étudiante ou toute structure d'accueil et d'accompagnement des étudiants en situation de handicap des universités, afin de mettre en œuvre les mesures nécessaires au bon déroulement de la formation universitaire en stage de l'étudiant.
Le cas échéant et en concertation avec les services de scolarité de l'université, cette structure peut proposer à l'étudiant des mesures de réorientation.
Un conseil
Dès le début de l’année universitaire, il convient de se renseigner auprès du service de santé ou du pôle handicap pour identifier les possibilités d’aménagement des stages et les démarches à accomplir pour en bénéficier.
Il est ainsi conseillé de déposer son dossier auprès de la médecine du travail très en amont du début du stage. Les délais sont en effet longs et il est parfois demandé des pièces complémentaires à solliciter auprès de divers professionnels de santé. La constitution de la demande peut ainsi prendre du temps.
Stages ambulatoires
De nombreuses spécialités nécessitent une formation en milieu ambulatoire. La principale problématique est alors l’accès au lieu de travail.
L’accessibilité, notamment grâce à l’existence de transport en commun, et la distance sont donc à prendre en compte dans le choix du stage de l’interne. Tout comme pour les stages hospitaliers, il est ainsi important de prendre en compte l’environnement du lieu de stage en lui-même en fonction du type de handicap.
Par ailleurs, il est primordial de prendre en considération qu’un handicap nécessite la plupart du temps un accès à des praticiens spécialistes pour la prise en charge médicale et sociale de celui-ci. La distance entre le lieu de stage et les praticiens accompagnateurs de l’interne doit donc être prise en compte également.
Malheureusement, il n’existe aujourd’hui aucun statut d’interne ayant un handicap pour les stages ambulatoires, et il n’existe pas de statut de surnombre ambulatoire, empêchant ainsi l’accès de certains stages à ces internes.
Une priorité de choix de stage et/ou un aménagement des horaires peuvent néanmoins être accordés, mais cela reste facultatif et facultés dépendantes. Il convient de se rapprocher de la structure d’accueil et d’accompagnement des étudiants en situation de handicap de l’université et/ou de la médecine préventive de sa faculté.
Quel recours en cas de refus d'aménagement ?
Il est essentiel de lutter contre la dévalorisation du potentiel des étudiants, et notamment en médecine.
Or, malgré l’appui de la médecine du travail, les aménagements de stage restent selon l’ISNI (InterSyndicale Nationale des Internes) encore trop fréquemment à la discrétion des chefs de services qui opposent les droits des internes aux obligations de service.
Les dispenses d’astreintes et de gardes ou encore les surnombres ne sont ainsi bien souvent pas respectés afin de pallier les manques d’effectifs.
Pourtant, l’article 2 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) énonce :
"La discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d’aménagement raisonnable".
Cette notion d’aménagement raisonnable recouvre :
"Les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales".
En d’autres termes, un refus d’aménagements n’est justifié que si s’il est démontré le caractère "déraisonnable" des aménagements demandés.
- Recours auprès de l’autorité administrative
Si les aménagements des stages sont refusés, totalement ou partiellement, un droit de recours peut être exercé, sous deux modalités possibles :
- un recours gracieux, adressé à l'auteur de l'acte contesté ;
- un recours hiérarchique, adressé à l’autorité hiérarchique de l'auteur de l'acte contesté.
Un recours contentieux peut être envisagé en cas d’échec de ces recours, devant le tribunal administratif.
- Recours auprès du Défenseur des Droits
Face à un refus d’aménagements raisonnables, il est toujours possible de saisir le Défenseur des Droits.
Des permanences sont tenues dans des structures de proximité telles que les préfectures et sous-préfectures, les maisons de justice et du droit, les locaux municipaux et les points d’accès au droit.
Il est dans ce cadre possible de consulter un interlocuteur privilégié.