Des fermetures de cabinet parfois brutales et mal vécues
La presse locale fait souvent état de fermetures brutales de cabinets de médecins, sages-femmes ou chirurgiens-dentistes, dans les zones rurales comme en ville. Dans certains cas, les patients découvrent le départ de leur praticien par hasard, en trouvant porte close, en tombant sur un répondeur téléphonique ou par le bouche à oreilles.
Au-delà de la déception des patients face à un départ qui peut sembler précipité et être vécu par certains comme un "abandon", se pose également la question de la continuité des soins.
En effet, compte tenu de la pénurie médicale dans certaines zones géographiques, la fermeture d’un cabinet peut engendrer des difficultés pour trouver un autre professionnel.
Il est primordial d’informer les patients le plus en amont possible, pour leur permettre de prendre leurs dispositions.
Avertir les patients et assurer la continuité des soins : une obligation réglementaire et déontologique
L’hypothèse spécifique de l’arrêt d’activité libérale du professionnel de santé est évoquée dans le Code de la santé publique à l’article L. 4113-15 :
"Les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes exerçant à titre libéral et conventionnés communiquent à l'agence régionale de santé et au conseil de l'ordre dont ils relèvent leur intention de cesser définitivement leur activité dans le lieu où ils exercent, au plus tard six mois avant la date prévue pour la cessation de cette même activité, sauf exceptions prévues par décret".
L’obligation d’information sur le prochain départ, avec préavis minimum de 6 mois, ne concerne donc pas directement les patients mais elle vise, en informant les autorités administratives, à anticiper les effets qu’un départ précipité peut avoir sur eux.
Les modalités pratiques et les conséquences de cette information doivent être détaillées dans un décret, non paru à ce jour. En particulier, il doit y être exposé les possibles exceptions à cette obligation (parmi lesquelles, vraisemblablement, la décision de cessation d’activité motivée par des problèmes de santé du praticien).
De plus, le Code de la santé publique comporte pour chacune des 3 professions (médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme) des dispositions visant à assurer en toutes circonstances la continuité des soins.
Par exemple, l’article R. 4127-47 précise, pour les médecins :
"Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. Hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S'il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins."
Cet article général, qui vise les cas où le médecin "se dégage de sa mission", peut s’appliquer au départ en retraite ou au changement de mode d’exercice impliquant la fermeture d’un cabinet.
En pratique, comment avertir les patients de la fermeture du cabinet ?
Le plus souvent, la cessation d’activité n’intervient pas du jour au lendemain et peut être anticipée. Le professionnel de santé doit donc informer l’ARS et l’Ordre professionnel dont il relève, avec un préavis de 6 mois au moins.
Il est aussi de bonne pratique d’informer sa patientèle dans toute la mesure du possible, le plus en amont possible de son départ.
- Si l’envoi d’un courrier à tous les patients paraît difficilement réalisable, il est en revanche possible d’apposer une affiche dans la salle d’attente et/ou à l’entrée du cabinet annonçant l’arrêt prochain d’activité, et d’enregistrer un message spécifique sur le répondeur.
- Le Code de la santé publique autorise le professionnel de santé à faire paraître une annonce sans caractère publicitaire dans la presse. C’est un moyen très efficace d’informer le plus de patients possible, notamment dans les petites villes.
- Enfin, si le professionnel dispose d’un site Internet, il peut être utilisé pour annoncer la fermeture du cabinet.
Même dans les cas, marginaux, où le départ est précipité et ne peut être anticipé, il est indispensable d’effectuer un minimum de démarches (affichage, message sur répondeur), même après la fermeture du cabinet, pour prévenir les patients.
Comment assurer la continuité des soins ?
Le professionnel de santé qui cesse son activité se doit de tenir à disposition des patients une copie de leur dossier médical, afin qu’ils puissent, soit le transmettre au praticien de leur choix soit, en attendant d’en consulter un, le récupérer et le conserver. D’où l’intérêt d’anticiper au maximum l’information sur la fermeture du cabinet, pour laisser le temps aux patients de faire leur choix.
Même quand le départ n’a pu être anticipé et est intervenu de façon brutale, il faut dans toute la mesure du possible prendre des dispositions pour que, malgré la fermeture du cabinet, les patients qui le souhaitent puissent récupérer leur dossier. Le professionnel de santé a l’obligation déontologique de le conserver, même en cas de cessation d’activité.
Le praticien peut par exemple indiquer, par voie d’affichage ou par tout autre moyen, un numéro de téléphone ou une adresse où il peut être joint à cet effet.
Lorsque, comme cela arrive malheureusement parfois, le professionnel de santé part brutalement sans laisser la moindre information sur le moyen de le contacter, les dossiers médicaux doivent toujours être protégés contre les indiscrétions et doivent pouvoir être récupérés par les patients.
Si les conseils départementaux de l’Ordre proposent aux patients de se tourner vers eux dans ce cas, certaines questions épineuses doivent cependant être réglées par le praticien lui-même : en effet, il reste responsable des dossiers, même après fermeture du cabinet.
- Il doit donc les conserver, quel qu’en soit le support (papier ou informatisé), dans des conditions qui permettent de garantir leur confidentialité comme leur intégrité. Ainsi, il peut être utile de scanner certains documents papier, non seulement pour faciliter leur conservation, mais aussi pour assurer leur pérennité dans le temps s’ils sont fragiles.
- En aucun cas le praticien ne peut s’autoriser à les détruire.
- En cas de départ à la retraite, les dossiers doivent être conservés dans le respect du secret médical, ce qui suppose de les stocker dans un lieu fermé.
Avertir les patients... mais pas seulement
Au regard de ses obligations déontologiques, le professionnel de santé doit donc avertir ses patients de la fermeture de son cabinet.
Mais il est également utile qu’il avertisse :
- ses confrères de la région, afin d’éviter de se voir adresser des patients alors qu’il sait qu’il va prochainement cesser son activité ;
- les pharmacies à proximité, qui peuvent d’ailleurs servir de relais pour faire passer l’information du prochain départ du praticien.
A retenir
Même si fermer son cabinet reste une décision individuelle, que le professionnel de santé peut prendre librement, il doit garder à l’esprit qu’une telle fermeture emporte des conséquences pour ses patients, et ne pas les négliger.
Quelques mesures simples et de bon sens facilitent tant l’acceptation des patients que leur suivi ultérieur, et doivent donc être mises en œuvre, chaque fois que c’est possible.