Des difficultés pour circuler et stationner qui concernent (presque) tous les infirmiers libéraux
Le syndicat Convergence Infirmière a récemment fait connaître les résultats d’une enquête menée en 2024 auprès de 2 786 infirmiers libéraux sur un sujet bien connu des professionnels de terrain : les difficultés importantes de stationnement et de circulation rencontrées lors des tournées de soins au domicile de patients.
Les conclusions de cette enquête sont sans appel :
- Plus de 80 % des répondants sont confrontés au quotidien à des problèmes pour stationner leur véhicule (majoritairement la voiture) près du domicile des patients. 82 % rencontrent par ailleurs des difficultés de circulation.
- Si en majorité, les infirmiers interrogés mettent moins de 30 minutes pour trouver une place de stationnement pour visiter un malade, 36 % y passent entre 30 minutes et une heure. Par ailleurs, près de 51 % des répondants estiment à 30 minutes à une heure le temps perdu dans la circulation (et près de 22 % l’estiment à plus d’une heure).
- 70 % des répondants ont déjà été verbalisés, la grande majorité de façon ponctuelle ou occasionnelle, pour infraction aux règles de stationnement.
- Les infirmiers répondants ont délaissé certains secteurs géographiques à cause des difficultés de stationnement (62 %) ou de circulation (58 %).
L’infirmier est évidemment la première victime de ces problèmes : perte de temps, désorganisation de la tournée, fatigue inutile, stress, et même sanction financière en cas de contravention.
Mais il n’est pas le seul et par extension, ce sont aussi les patients qui en subissent les conséquences : retard dans les visites, voire annulation de certaines d’entre elles, aggravation des déserts médicaux et des difficultés d’accès aux soins.
Le caducée… n’est pas la panacée
La réglementation en matière de stationnement des infirmiers, ancienne et peu précise, est issue d’une circulaire n°86-122 du 17 mars 1986 du ministère de l’Intérieur et de la décentralisation.
Elle évoque une "tolérance" de stationnement à l’égard des "auxiliaires médicaux" en cas de stationnement irrégulier, compatible avec les circonstances de lieu et de temps, lorsque les infirmiers appelés à donner des soins à domicile utilisent leur véhicule dans le cadre de leur exercice professionnel. Elle en appelle donc au discernement, à la bienveillance et à l’indulgence des agents habilités à constater les infractions à la police de la circulation routière.
Même irrégulier, le stationnement ne doit cependant pas gêner exagérément la circulation ou constituer un danger pour les autres usagers, notamment les piétons.
Attention : la circulaire n’accorde à l’infirmier aucun droit de stationnement proprement dit.
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Les notions de "tolérance" et "bienveillance", laissées à l’appréciation des forces de l’ordre et des agents verbalisateurs, peuvent donc déboucher sur des différences de traitement selon :
- les lieux : certaines communes donnent plus facilement que d’autres des consignes de tolérance aux agents verbalisateurs ;
- le caractère plus ou moins dangereux du stationnement avec, là encore, des différences possibles d’interprétation pour certaines situations (par exemple stationnement empiétant sur passage piéton ou sur une sortie de garage, ou encore stationnement sur une place de livraison).
Notre conseil
- Veillez à positionner votre caducée de façon apparente sur votre véhicule (et à le retirer dès que vous n’êtes plus dans le cadre de votre exercice professionnel !)
- Veillez aussi à ce que le millésime qui y est indiqué soit bien celui de l’année en cours.
Contester une verbalisation : modèle de lettre
Malgré l’apposition du caducée, il peut arriver que l’infirmier soit verbalisé, par exemple parce que :
- l’agent verbalisateur n’a pas vu le caducée ;
- il a jugé que le stationnement était dangereux ;
- il a eu des doutes sur l’usage professionnel du véhicule, malgré l’apposition du caducée ;
- il n’a pas fait preuve de tolérance, peut-être en raison de consignes reçues.
Il est alors possible de contester cette verbalisation, comme l’a rappelé très clairement le ministère de l'Intérieur en 2010, en réponse à une question écrite d’un député : "Il appartient alors au requérant, conformément aux instructions figurant au verso de la carte de paiement de la contravention remise, d’adresser à l’unité verbalisatrice une lettre dûment motivée, accompagnée de la carte de paiement complétée et de l’avis de contravention. Cette demande sera ensuite transmise au parquet près le tribunal de police aux fins d’appréciation de la suite à donner à la contravention émise".
Consciente qu’il n’est pas toujours facile de trouver le temps de rédiger un courrier, la MACSF vous propose un modèle à télécharger et à adapter selon vos besoins :
Interpeller la municipalité sur des facilités de stationnement : modèle de lettre
Autre enseignement intéressant de l’enquête de Convergence Infirmière : la majorité des répondants (54 % pour le stationnement et 67 % pour la circulation) n’ont pas cherché à signaler leurs difficultés aux maires des communes concernées.
Et lorsque c’est le cas, on constate malheureusement une absence de solutions dans l’immense majorité des cas (76 % pour les problèmes de stationnement et 88 % pour les problèmes de circulation).
Pourtant, contacter le maire de la commune peut constituer un bon début dans la recherche d’une solution. En effet, de nombreuses villes ont adopté des règles spécifiques de stationnement au bénéfice des professionnels de santé libéraux qui se déplacent en voiture professionnellement pour des soins à domicile, comme :
- des forfaits stationnement avantageux ;
- la possibilité de stationner gratuitement ou prioritairement dans des zones réservées ;
- la possibilité de stationner sur les places livraison ;
- la gratuité du stationnement : par exemple, depuis le 1er septembre 2023, la ville de Paris accorde aux professionnels de santé exerçant à Paris et y effectuant plus de 100 visites à domicile par an la gratuité du stationnement de 9 heures à 20 heures sur tous les emplacements payants de surface.
Pour plus d'informations, rendez-vous sur Paris.fr : "Les offres de stationnement pour les professionnels"
Certaines municipalités mettent ces solutions en œuvre spontanément, alors que d’autres n’y ont recours qu’après avoir été interpellées par les professionnels ou les administrés.
D’où l’intérêt de contacter les communes en cas de gros souci de stationnement, afin de débuter une réflexion sur le sujet.
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Là encore, rédiger des courriers peut apparaître chronophage, surtout dans un quotidien déjà bien rempli.
C’est pourquoi la MACSF vous propose un modèle de courrier à télécharger et à adapter selon vos besoins et vos demandes :
Quelles solutions pour l’avenir ?
La nécessité de faciliter les déplacements des infirmiers libéraux pour leur permettre de couvrir au mieux les besoins de santé des territoires et d’exercer dans de meilleures conditions est une évidence pour la plupart des élus locaux.
Mais sur le terrain, les initiatives sont diverses et inégales dans leurs effets.
Une solution pourrait consister à légiférer sur le sujet.
- Une proposition de loi visant à créer une carte de stationnement pour infirmier libéral a ainsi été déposée le 31 janvier 2023. L’objectif était de permettre aux infirmiers libéraux de disposer d’une carte assurant la gratuité des places de stationnement sur tout le territoire. L’initiative est, pour l’instant, restée lettre morte.
- Un amendement déposé dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoit l’autorisation temporaire de stationnement sur les emplacements réservés aux livraisons lors de leurs interventions professionnelle, dans l’attente de l’adoption d’une loi pérenne.