L’attente, un moment à prévoir
L’attente au cabinet avant une consultation, inévitable pour le patient, peut être plus ou moins longue. C’est donc une étape à prévoir lors de son installation en libéral.
Il existe différentes options pour rendre ce temps plus agréable :
- mise à disposition de documentation, de lecture ;
- diffusion de messages de prévention ou de présentation du cabinet et de l’équipe, avec les horaires d’ouverture, sur un écran vidéo ;
- diffusion de musique.
Cette dernière possibilité présente l’avantage d’éviter que les patients en salle d’attente entendent ce qui se passe dans la salle de consultation.
Cela permet de mieux assurer la confidentialité des soins et le respect du secret professionnel, notamment quand le local n’est pas bien insonorisé.
Principe : le droit à rémunération des artistes, compositeurs et interprètes de musique en droit français
Le droit français accorde aux auteurs un droit sur leurs œuvres qui se manifeste par le droit exclusif d'exploiter son œuvre. Le droit d'exploitation d'une œuvre protégée comprend :
- le droit de représentation,
- le droit de reproduction.
Il implique surtout le droit de s'opposer à l'exploitation par un tiers de son œuvre.
L'objectif est d'assurer une juste rémunération de l'auteur de l'œuvre.
La rémunération des auteurs, compositeurs et interprètes d’œuvres musicales est assurée par des sociétés civiles dans lesquelles se regroupent les auteurs. La SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique), l’une des plus connues, a pour objet de collecter en France les droits des auteurs et de les leur redistribuer.
La diffusion de musique dans un cabinet médical relève du droit de représentation de l'auteur de l'œuvre. La représentation d'une œuvre consiste dans la communication de l'œuvre au public par un procédé quelconque, et notamment par transmission dans un lieu public de l'œuvre télédiffusée.
La télédiffusion s'entend de la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons, d'images, de documents, de données et de messages de toute nature (article L122-2 du code de la propriété intellectuelle).
Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. (article L.122-4 du même code)
La musique dans la salle d'attente : une exception au droit à rémunération de l'auteur ?
Le droit français prévoit plusieurs exceptions au droit à rémunération de l'auteur, dont celle relative aux représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille (l'article L.122-5 du même code).
La diffusion de la musique dans une salle d'attente
relève-t-elle de cette exception "cercle de famille" ?
Non, dans la mesure où la salle d'attente doit être considérée comme un lieu ouvert au public. La jurisprudence interprète de manière stricte la notion de "cercle de famille" qui est circonscrite aux parents ou amis très proches qui sont unis de façon habituelle par des liens familiaux ou d’intimité. Ce n’est pas le cas des patients réunis ponctuellement au sein d’une salle d’attente d’un cabinet médical.
Dans ces conditions, le professionnel de santé ne peut pas s’exonérer du paiement des redevances réclamées par la SACEM au titre de la musique diffusée dans sa salle d’attente.
La Cour de Justice de L'Union Européenne (CJUE) a rendu un arrêt le 15 mars 2012 dans le cadre d'un contentieux opposant la "Sacem italienne" (società consortile fonogarcifi) à un chirurgien-dentiste italien concernant le paiement d'une redevance de droits d'auteurs au titre de la musique d'attente de son cabinet.
D'aucuns ont cru voir dans cette décision la fin de l'obligation de s'acquitter des redevances réclamées par la SACEM.
Pourtant, la décision n'a jamais impliqué un tel résultat.
Dans cette affaire, il s'agissait de répondre à la question posée par la Cour d'appel italienne saisie par l'organisme de collecte italien de droits d'auteurs à propos de l'effet direct ou non d'un article d'un accord international conclu par l'Union Européenne en matière de propriété intellectuelle.
La CJUE a considéré que les accords internationaux invoqués par l'organisme de collecte des droits d'auteurs font partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union. En revanche, ces accords ne sont pas susceptibles d'être invoqués directement devant les juridictions de l'Union et des Etats membres, ce qui exclut que des particuliers s'en prévalent directement devant le juge en vertu du droit de l'Union.
Aussi, peu importe que la CJUE ait considéré que la diffusion de musique dans un cabinet médical n'est pas "une communication au public" au sens des directives européennes et des accords internationaux puisque ces textes n'ont pas d'effets directs pour les particuliers.
En d'autres termes, seul le droit interne – en France, le code de la propriété intellectuelle – a vocation à s'appliquer, lequel est différent du droit italien de la propriété intellectuelle et notamment s'agissant des exceptions au droit à rémunération de l'auteur.
Pour les professionnels de santé qui font le choix d'accompagner l'attente de leurs patients par de la musique, il n’y a donc pas d’exonération des redevances de la SACEM.
La musique dans la salle d’attente en pratique
Combien coûte une redevance SACEM pour la salle d'attente ?
La SACEM a pour mission de collecter les droits d'auteur en France et de les répartir aux créateurs, auteurs et compositeurs (français ou étrangers).
Le tarif dépend du nombre de praticiens exerçant dans le cabinet, indépendamment du nombre de salles d'attente sonorisées.
Si vous faites une déclaration préalable à la diffusion de la musique, vous bénéficiez d’une réduction de 20v% sur le tarif à l’année. Pour faire cette demande préalable : autorisation à la SACEM >
Le coût de la redevance SACEM varie d’une année sur l’autre.
Y a-t-il des droits complémentaires à payer ?
Des droits complémentaires, appelés la rémunération équitable, sont demandés si la musique est diffusée à partir d’un support enregistré, c’est-à-dire un CD, un vinyle, la radio, la télévision ou encore des pistes numériques.
Elle est due aux artistes-interprètes (chanteurs) et aux producteurs pour la diffusion publique de musique.
Ces droits sont demandés par la SPRE (Société pour la Perception de la Rémunération Equitable).
Ils sont également collectés par la SACEM en même temps que les droits d’auteur.
Les forfaits et les montants minima de rémunération sont indexés par secteur d’activité suivant les pratiques et usages en matière de droits d’auteur.
Pour les centres de soins, le tarif HT est de 65 % du droit d’auteur.
Minimum annuel de facturation : 107,22 € HT pour 2024.
Si la musique dans la salle d’attente est une musique que j’ai déjà payée (CD ou via une plateforme d’écoute comme Deezer ou Spotify…), cela change-t-il quelque chose ?
Lorsque vous achetez un CD ou utilisez une plateforme, la musique est destinée à votre usage personnel ou à votre "cercle de famille". Ce qui peut être le cas si vous la diffusez uniquement pour vous, dans votre salle de soins.
Cependant, tel n’est pas le cas pour de la musique diffusée dans un lieu ouvert au public, comme une salle d’attente.
Et si la musique est diffusée par la radio ou une chaîne de télévision musicale ?
Si vous diffusez de la musique avec un support vidéo (chaîne de télé, Youtube…), un minimum annuel est exigé par salle d’attente, pour l'année 2025 :
- Tarif général : 235,15 €
- Tarif réduit : 188,12 €
Dans la mesure où je paie les droits indiqués ci-dessus, puis-je en profiter pour mettre une musique d'attente sur le téléphone de mon cabinet ?
L’utilisation d’une musique dans le cadre des mises en attentes téléphoniques (mise en attente, transfert d’un appel, fonction "répondeur"…), est soumise à des droits complémentaires, notamment à la SACEM ou à la SCPA (Société Civile des Producteurs Associés), qui autorise les usagers à communiquer au public des phonogrammes installés sur leur système d'attente téléphonique contre rémunération.
La rémunération versée à la SCPA est destinée aux artistes qui interprètent ces chansons et aux producteurs qui ont financé les enregistrements utilisés.
Il s'agit d'une rémunération forfaitaire et annuelle qui vous permet de changer de musique autant de fois que vous le souhaitez par an.
Ai-je le droit de diffuser une musique "hors droit" ou "libres de droit" ?
Rien ne vous en empêche. Vous n'avez en principe aucune redevance à payer.
Attention : des musiques dont l’auteur (compositeur, parolier…) est décédé depuis plus de 70 ans, comme Mozart ou Bach, ou toutes autres œuvres classiques sont libres de droits d'auteurs mais restent protégées au niveau des droits des producteurs.
La justification de cette contribution réside dans le fait qu’il est nécessaire de rétribuer le producteur qui rémunère l’interprète de cette musique.
Puis-je déduire ces frais liés à la diffusion de musique dans ma sphère professionnelle ?
Au niveau fiscal, les droits d’auteurs, de rémunération équitable et de SCPA que vous payez sont déductibles en charge dans votre déclaration 2035 (régime de la déclaration contrôlée).