Une décharge de responsabilité : pour quoi faire ?
La relation soignant/patient repose sur une confiance réciproque, le fameux "colloque singulier". En principe, une décharge de responsabilité n’y a pas sa place.
Pourtant, il existe certaines situations dans lesquelles le professionnel de santé peut être tenté de faire signer un document à son patient pour se prémunir d’une éventuelle mise en cause et se "décharger" par avance de toute responsabilité.
Exemple
Un chirurgien-dentiste entreprend la restauration d’une dent très abîmée de l’un de ses patients qui insiste pour éviter une extraction. Pour se prémunir d’une réclamation en cas d’échec, qu’il considère comme très possible, le praticien fait signer un document écrit par lequel le patient s’engage à renoncer à toute action en responsabilité, qu’elle prenne la forme d’une réclamation amiable ou de poursuites judiciaires.
Une décharge de responsabilité sans aucune valeur juridique
En tant que telle, une décharge de responsabilité (ou tout document, quel que soit le nom qu’on lui donne, qui poursuit le même objectif) n’a aucune valeur juridique.
En effet, agir en justice est un droit fondamental de tout citoyen, auquel il ne peut renoncer à l’avance en signant une décharge. Ce droit est protégé par le Conseil d’Etat, la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel.
Conséquence : devant un tribunal, un tel document ne privera pas le patient de son droit d’exercer des poursuites et n’empêchera pas un examen de la prise en charge. Pire, cette précaution consistant à se prémunir par avance de toute mise en cause pourrait bien être interprétée par le juge comme une intention suspecte de :
- "couvrir" un comportement contraire aux règles de l’art,
- se protéger systématiquement contre une remise en cause de ses pratiques.
Le même raisonnement peut être tenu pour les affiches, placardées en salle d’attente, qui indiquent que le professionnel de santé décline toute responsabilité pour les accidents qui pourraient se produire dans son cabinet.
Si l’accident trouve sa source dans une imprudence (tapis mal fixé au sol, bris de chaise), la responsabilité du praticien sera bel et bien engagée !
La seule remise d’un document signé ne prémunira pas contre une réclamation dont le patient peut toujours prendre l’initiative.
La MACSF déconseille donc fortement la décharge de responsabilité qui, non seulement ne permet pas de se prémunir contre d’éventuelles poursuites, mais en plus pourrait être regardée comme une volonté de contourner la loi.
Ne pas confondre décharge de responsabilité et attestation de consentement éclairé
Souvent, et notamment dans le cadre d’une prise en charge chirurgicale, le patient peut être amené à signer un document par lequel il atteste avoir été correctement informé par le praticien et avoir bien compris les informations données.
Il ne s’agit en rien d’une décharge de responsabilité.
Ces deux documents sont différents et ne poursuivent pas les mêmes objectifs :
- Quand il demande à son patient de signer une attestation de consentement, le praticien cherche à se ménager une preuve écrite de ce qu’il a bien respecté son devoir d’information. C’est donc un moyen de défense si un défaut d’information lui est reproché.
- Quand il fait signer une décharge de responsabilité, c’est le principe même de toute responsabilité qu’il espère écarter, en empêchant l’exercice d’une action par le patient.
Il en va de même pour les attestations de sortie contre avis médical que signe un patient qui souhaite quitter un établissement hospitalier contre l’avis de l’équipe médicale. Signer ce document ne veut pas dire qu’il renonce à toute action ultérieure à l’encontre de l’établissement, mais qu’il reconnaît avoir été informé du danger à sortir contre l’avis du médecin.
L’attestation de consentement ou d’information a donc bel et bien une valeur juridique en tant que telle.
Elle n’empêchera pas une mise en cause mais permettra de se défendre et, possiblement, d’atténuer ou d’écarter sa responsabilité.
Les conseils de la MACSF
- Ne faites pas signer à vos patients une décharge de responsabilité : outre le fait qu’un tel document n’a pas de valeur juridique, il peut vous porter préjudice en donnant le sentiment que vous cherchez à échapper, par principe, à vos responsabilités.
- Dans l’exemple du praticien qui dispense, sous l’insistance de son patient, des soins pour lesquels le risque d’échec est très élevé : il est préférable de ne pas céder aux exigences du patient si, en conscience, vous estimez que ce n’est pas son intérêt et qu’il court un risque. Si toutefois vous décidez de réaliser les soins, vous pouvez faire signer au patient un document par lequel il atteste avoir été précisément informé et donne son consentement en ayant pleinement conscience des risques. Ce document pourra jouer en votre faveur en cas de mise en cause, mais il n’empêchera pas le patient de vous poursuivre en justice s’il le souhaite.
- N’oubliez pas que la loi n’impose pas un consentement écrit du patient. Si l’écrit permet de se ménager plus facilement une preuve, vous pouvez aussi informer oralement, tout en veillant à mentionner les échanges dans le dossier patient.