Un diagnostic erroné de grippe au retour de Guyane
Un patient, de retour depuis 10 jours d’un séjour d’un mois en Guyane, sans prophylaxie, présente une fièvre à 40° C, des nausées et des maux de tête. Son médecin traitant diagnostique une grippe. Après une nouvelle consultation quelques jours plus tard en raison de l’apparition de diarrhées, il confirme le diagnostic et ajoute un traitement contre la gastroentérite.
Son état s’étant aggravé, le patient consulte à l’hôpital, où un examen de la goutte épaisse fait conclure à un paludisme.
Le patient tombe dans le coma et décède.
Un arrêt de cour d’appel du 7 septembre 1998 condamne le médecin traitant.
Les symptômes étaient certes trompeurs, mais face à un patient revenant d’un séjour d’un mois en Guyane sans prophylaxie, le médecin aurait dû penser au paludisme.
Dans l’hypothèse où le patient n’aurait pas évoqué son séjour spontanément, il appartenait au praticien de procéder à un interrogatoire sérieux qui aurait permis de révéler l’existence d’un voyage en zone impaludée.
S’il avait songé au paludisme, le médecin aurait alors pu prescrire un traitement présomptif et faire vérifier plus tôt, par l’analyse de la goutte épaisse, la présence dans le sang du parasite.
Le patient a donc perdu une chance d’éviter le décès.
Un diagnostic erroné d’angine au retour d’Afrique du Sud
Un patient rentrant d’un séjour en Afrique du Sud, avec brève incursion au Zimbabwe, présente divers symptômes (maux de tête, fièvre, frissons) qui l'amènent à consulter un médecin.
Alors pourtant que le patient lui pose clairement la question des risques de paludisme du fait de son séjour, le praticien écarte cette possibilité, au motif que l'Afrique du Sud n'est pas considérée comme une zone endémique. Il pose le diagnostic d'angine et prescrit un traitement antibiotique.
L’état du patient s’aggrave et il est hospitalisé en réanimation pour un accès pernicieux palustre révélé par une prise de sang.
Il y décède quelques jours plus tard, après traitement de la maladie, en raison d’une infection nosocomiale contractée dans le service.
En expertise, il sera mis en évidence le fait que s’il est exact que l’Afrique du Sud n’est pas une zone impaludée, le paludisme est en revanche endémique au Zimbabwe où le patient a fait une brève incursion pendant son voyage.
L’expert ignore si le praticien avait connaissance de cette incursion, de sorte qu’il considère que sa conduite a été conforme aux règles de l’art, le "paludisme des aéroports" étant exceptionnel.
La Cour d’appel, par un arrêt du 21 mars 2007, retient pour partie la responsabilité du praticien.
Le patient est certes décédé d’une infection nosocomiale, dont l’établissement est responsable, mais la sévérité de l’accès palustre a contribué à amoindrir sa résistance et à favoriser les complications infectieuses.
Les juges reprochent au médecin de ne pas avoir pensé au paludisme alors que le patient rentrait d’Afrique du Sud et qu’il avait lui-même évoqué l’éventualité d’un palu au cours de la consultation.
Le médecin aurait dû faire preuve de plus de prudence et de vigilance, au besoin en le questionnant avec précision sur son parcours.
Une perte de chance de 80 % est retenue, au titre de la fragilisation importante de l’état général qui a favorisé l’infection nosocomiale.
Un diagnostic erroné de bronchite au retour du Sénégal
Une patiente rentrant du Sénégal (et ayant pris le traitement antipaludéen prophylactique, sur le conseil de son médecin) consulte celui-ci en raison de l’apparition d’une fièvre. Le praticien conclut dans un premier temps à une pathologie infectieuse bronchique.
Le diagnostic de paludisme est finalement posé avec un retard de cinq jours, après admission de la patiente à l’hôpital en raison d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë.
Le séjour en réanimation sera émaillé de complications diverses (cécité, phlébite, fibromyalgie).
Dans un arrêt du 19 septembre 2013, la cour d’appel retient la responsabilité du médecin traitant : devant ce tableau clinique bruyant (fièvre, difficultés respiratoires) chez une patiente revenant d'Afrique, le médecin traitant devait évoquer d'emblée un accès palustre et faire pratiquer sans tarder les examens permettant de confirmer ou d'infirmer ce diagnostic.
Ces manquements ont entraîné un retard au diagnostic qui, eu égard la gravité de la pathologie en cause, a été à l'origine d'une importante perte de chance d'un traitement précoce de l'accès palustre, qui aurait sans doute permis d'éviter les complications survenues.
Quels enseignements tirer de ces affaires ?
Dans toutes ces affaires, les reproches formulés par les juges à l’encontre du médecin, confronté à un syndrome fébrile d’un patient de retour d’un voyage lointain, permettent de définir quelles sont les précautions à prendre :
- Toute fièvre au retour d’une zone impaludée doit faire penser au paludisme, jusqu'à preuve du contraire. La symptomatologie étant variable et souvent trompeuse, il faut y penser quel que soit le tableau clinique, dès lors que le patient rentre d’un voyage lointain.
- Pour éviter de passer à côté du diagnostic, il faut veiller à interroger le patient sur les lieux où il s’est rendu ainsi que sur l’existence et l’observance du traitement prophylactique.
- Dès qu’il existe un doute, il est souhaitable de faire réaliser un frottis sanguin.
- Il faut prendre garde à ne pas se laisser influencer par un éventuel contexte épidémique de grippe ou de gastroentérite.
- Il convient d’être particulièrement attentif à l’éventuelle dégradation de l’état du patient, constatée dans tous les cas que nous avons décrits, et qui peut être le signe d’une évolution de la maladie vers un stade où il est souvent déjà trop tard pour agir.