Qu’est-ce que le syndrome de Cushing ?
Le syndrome de Cushing est un hypercorticisme endogène pouvant s'accompagner de nombreux signes cliniques :
- prise de poids,
- répartition facio-tronculaire des graisses,
- "bosse de bison", contrastant avec une amyotrophie des ceintures,
- vergetures pourpres,
- peau fine,
- ecchymoses,
- hyperpilosité,
- hypertension artérielle,
- troubles de l'humeur, du sommeil,
- fractures tassements vertébraux,
- mycoses.
Au plan biologique peuvent s'observer, de façon non spécifique :
- une anomalie de la glycémie à jeun ou un diabète,
- une hypokaliémie,
- une dyslipidémie,
- des perturbations du bilan hépatique.
Le diagnostic positif du syndrome de Cushing repose sur l'absence de freinage du cortisol plasmatique ou salivaire dosé à 8 heures, après la prise de 1 mg de dexaméthasone à minuit la veille.
Le terme de "Cushing iatrogène" désigne un hypercorticisme en lien avec la prise de corticoïdes exogènes, quelle que soit leur voie d'administration (per os, infiltration, injection IM, inhalés).
Trois infiltrations de corticoïdes en un an
Une patiente, âgée de 19 ans au moment des faits, souffre de la région lombaire depuis l’année scolaire 2018/2019, période durant laquelle elle aurait exercé en Angleterre en tant que jeune fille au pair.
Le 30 novembre 2018, elle consulte son médecin traitant, qui prescrit 15 séances de kinésithérapie ainsi qu’un bilan radiographique du rachis lombaire. Ce bilan radiographique conclut à l’existence, à l’étage lombaire, d’une hyperlordose lombaire ainsi que d’une anomalie transitionnelle lombo-sacrée.
Devant la persistance des phénomènes douloureux, malgré cette prise en charge médicale et kinésithérapique, la patiente consulte un rhumatologue le 5 février 2019. Ce dernier rapporte les phénomènes douloureux à l’atteinte de la charnière lombo-sacrée et propose la poursuite d’un traitement médical par anti-inflammatoire et/ou infiltration locale.
La patiente revoit le rhumatologue le 18 février 2019. Il réalise, sous contrôle échographique, une infiltration bilatérale droite et gauche de l’anomalie transitionnelle lombo-sacrée à l’aide de deux ampoules de Diprostène®.
La persistance de ces phénomènes douloureux lombaires bas conduit le rhumatologue à intervenir une nouvelle fois en 2019 avec infiltration bilatérale des massifs articulaires postérieurs L5 S1 droit et gauche à l’aide de deux ampoules de Diprostène®.
En septembre 2019, il pratique à nouveau une infiltration bilatérale à l’étage sus-jacent L4 L5 avec également deux ampoules de Diprostène®.
Au décours de ces infiltrations, la patiente développe un syndrome de Cushing dont le caractère iatrogène est confirmé après de nombreux bilans biologiques et paracliniques.
Des doses modérées mais un effet inattendu
Dans le cadre de la procédure civile intentée à l’encontre du praticien, un collège d’experts comportant un rhumatologue et un endocrinologue est nommé. Il conclut comme suit :
"... Madame M. a développé, dans les suites d’un traitement infiltratif pour lombalgie mécanique, un syndrome de Cushing iatrogène.
L’indication des infiltrations locales était parfaitement justifiée du fait de l’échec du traitement médical conduit préalablement, associant traitement médical symptomatique et kinésithérapie.
Le syndrome de Cushing iatrogène secondaire à des infiltrations de corticoïdes peut être affirmé chez Mme M. devant :
- la chronologie d'apparition du syndrome de Cushing par rapport aux infiltrations ;
- la dissociation entre le syndrome de Cushing clinique franc et la normalité du CLU/24h et du test au Dectancyl® 1 mg ;
- l'association d'un syndrome de Cushing clinique avec une insuffisance corticotrope biologique (test au Synacthène pathologique et ACTH non élevée) ;
- la normalité de l'IRM hypophysaire et du TDM surrénalien.
Aucune autre pathologie ou traitement n'a pu interférer avec la survenue de ce syndrome de Cushing iatrogène...
Les complications étaient inévitables pour n'importe quel opérateur normalement diligent. Le syndrome de Cushing iatrogène est en effet une complication classique mais rare, des infiltrations de corticoïdes...
L'incidence réelle des insuffisances corticotropes post injection intra-articulaire n'est pas connue...
L'incidence du syndrome de Cushing iatrogène après injection intra-articulaire de corticoïdes paraît encore plus rare...
Le syndrome de Cushing iatrogène constitue une complication connue du traitement infiltratif et doit être considéré comme un aléa thérapeutique...".
Les recommandations de la MACSF
L’éventualité d'une telle évolution (hypercorticisme, Cushing iatrogène) après infiltrations locales de glucocorticoïdes est assez rare.
Elle reste malgré tout possible et est signalée dans le dictionnaire Vidal, rassemblant les résumés des caractéristiques du produit des médicaments.
Elle doit donc être connue par le praticien à qui il pourrait être reproché de ne pas avoir tracé certains éléments cliniques (poids, TA, état général, état cutané) avant de répéter les infiltrations.