Une situation d’échec chirurgical
Il s’agit d’une femme de 55 ans, agricultrice en activité, qui présente une maladie de Dupuytren du quatrième rayon de stade II et du cinquième rayon de stade I au niveau de la main droite.
Elle consulte un chirurgien orthopédiste "généraliste" qui lui propose de l’opérer. Une information lui est délivrée mais seul un consentement "générique" est signé.
L’intervention se déroule en ambulatoire sans incident particulier.
Les suites sont marquées par une évolution favorable au niveau du quatrième rayon qui a retrouvé des mobilités subnormales mais elle sera défavorable au niveau du cinquième rayon : il se produit à la fois une récidive et une aggravation de l’état antérieur car il s’agit alors d’un stade III.
L’intervention de reprise proposée par le chirurgien se solde par un échec.
Mécontente, la patiente décide alors de consulter un chirurgien spécialisé dans un Centre de la main.
Il lui est proposé une seconde reprise chirurgicale, avec beaucoup de réserves quant au résultat prévisible et une possible amputation du cinquième rayon en cas d’échec.
La patiente décide de mettre en cause le chirurgien qui l'a opérée en première intention.
La position de l’expert : le chirurgien aurait dû passer la main
L’expert valide sans réserve l’indication opératoire.
Sur interrogatoire de la patiente et à la vue des documents médicaux, il estime simplement "regrettable" que le risque de récidive ne soit pas tracé, s’agissant d’une évolution pour le moins non exceptionnelle dans ce type de prise en charge chirurgicale (jusqu’à 66 % à 10 ans).
Il considère que la récidive de la maladie de Dupuytren au niveau du cinquième rayon devait être considérée comme un échec de la chirurgie et non comme un accident médical.
Par contre, il insiste sur l’optimisme et la sérénité du chirurgien, proposant de réaliser de lui-même une reprise chirurgicale devant un échec avec aggravation.
Il conclut que ce dernier aurait dû adresser sa patiente à un confrère spécialisé dans la chirurgie de la main, et considère que cette obstination thérapeutique est à l’origine d’une perte de chance de 50 % dans l’obtention d’un succès de la reprise chirurgicale.
Que retenir de cette affaire ?
A l’heure actuelle, les jeunes recrues en chirurgie orthopédique ont pour la majorité une surspécialisation au sein de notre spécialité.
Pour autant, même si tout chirurgien orthopédiste est parfaitement qualifié pour pratiquer des interventions chirurgicales "classiques", il semble prudent dans certaines situations particulières (échec, récidive ou complication), de "passer la main" et d’adresser son patient à un confrère plus spécialisé.
Il en va de l’intérêt du patient, afin que la chirurgie de reprise soit la plus favorable possible, mais aussi de l’intérêt du chirurgien pour éviter des déconvenues médico-légales comme ici.
Et cela même si, paradoxalement, dans ces situations, bien que non fautives, le patient peut avoir un ressenti amer d’abandon lorsque nous l’adressons à un confrère plus spécialisé.
Ainsi, dans tous les cas, il est impératif de maintenir un contact avec lui.