Communication vers les soignants au plus fort de la crise sanitaire : un bilan sévère
Un bilan a été dressé par la mission CREA-DIFF après envoi d’un questionnaire à un panel représentant l’ensemble des professions de santé et 160 entretiens d’une heure sur une période de cinq mois. Il fait ressortir l’incapacité de la parole officielle à atteindre sa cible. Pire, cette parole, en concurrence avec celle de nombreux experts (ou pseudo experts) sur les réseaux sociaux ou dans les médias, a souvent été parasitée et reçue avec défiance.
Les sources officielles d’information n’ont pas toujours su reconnaître qu’elles ne "savaient pas" et n’avaient pas réponse à toutes les questions, au moment où elles se posaient.
La crise sanitaire a donc révélé les fragilités du système d’alerte des soignants, qui s’expliquent par :
- des réflexes et une acculturation à la gestion de crise insuffisants de la part de beaucoup de professionnels de santé ;
- un mode de diffusion des messages d’alerte, principalement via des flash, les fameux "DGS Urgent", inadapté sur la forme et pas toujours clair sur le fond ;
- une multiplicité des canaux et des intervenants, avec une frontière difficile à tracer entre les informations officielles et officieuses, sérieuses et fantaisistes, vérifiées ou encore à l’état d’hypothèses.
De ce constat est née la nécessité de réfléchir à des propositions d’améliorations pour éviter que le phénomène ne se reproduise lors d’une nouvelle crise sanitaire.
Focus sur les "DGS Urgent"
Ce dispositif, qui fonctionnait plutôt bien auparavant, a paradoxalement été source d’inefficacité au plus fort de la crise sanitaire liée au coronavirus.
Les messages se sont succédés et empilés, parfois au cours de la même journée. Les contenus textuels étaient trop longs ou confus. A force d’être utilisés de façon systématique et pas toujours bien ciblée, ces messages ont fini par être banalisés par les professionnels de santé, qui se sont de surcroît sentis "agressés" et déresponsabilisés.
La mission préconise de développer des formats plus adaptés, plus lisibles (infographies, modules téléchargeables, etc.) et adaptables selon les cibles.
Par exemple, prévoir un tronc commun destiné à tous les professionnels de santé et une partie spécifique à certaines professions seulement pourrait s’avérer beaucoup plus efficace.
Mais la mission ne se limite pas à ces "DGS Urgent" et aborde, de façon beaucoup plus large, les axes de progrès à envisager pour communiquer dans le cadre de la gestion d’une crise sanitaire.
1er axe de progrès : former les professionnels de santé et anticiper
Cette stratégie passe par plusieurs étapes :
- Créer une cellule dédiée à la rédaction et à la diffusion de contenus, placée sous la responsabilité d’un "Chief Digital Officer".
- Développer des contenus basés sur le "micro-learning" sur des thèmes divers : connaissance et utilisation des bases de données existantes, utilisation des réseaux sociaux, média training, etc.
- Anticiper en intégrant la gestion d’une crise sanitaire à la formation continue ou au processus de recertification.
- Développer la culture du "travailler ensemble" et de l’exercice (s’entraîner pour être prêt quand la crise survient).
- Sélectionner plus efficacement les informations fiables, émanant de sources officielles.
- Développer l’information entre pairs en favorisant le compagnonnage.
- Investir dans des algorithmes de push de contenus qui permettent d’observer, analyser et transformer l’analyse des signaux en recommandations fiables.
- Faire évoluer l’application Tous Anti Covid en la scindant en deux applications différentes : l’une destinée au grand public, l’autre aux professionnels de santé.
2e axe de progrès : mieux diffuser et mieux partager
Pour être efficaces, les modalités de diffusion des messages doivent évoluer. Plusieurs relais peuvent coexister et les supports de diffusion doivent être diversifiés pour "coller" au mieux à la réalité du terrain.
Quels relais pour l’information ?
- des réseaux généralistes, dont les réseaux sociaux qui permettent par exemple d’adresser un message ciblé à une communauté ;
- des réseaux spécialisés, en attendant la messagerie instantanée sécurisée dédiée prévue par l’Agence numérique en santé ;
- des relais institutionnels : les Ordres professionnels, les sociétés savantes, la CNAM, etc. ;
- des influenceurs santé sur les réseaux sociaux, après vérification de leur fiabilité et validation ;
- des élus locaux ;
- éventuellement des industriels.
Quels supports pour l’information ?
Plusieurs supports peuvent être utilisés :
- des QR codes via une plateforme sécurisée ;
- des campagnes de SMS, pour améliorer le taux d’ouverture des messages ;
- des courriers postaux, car il ne faut pas oublier que tous les professionnels de santé n’ont pas de comptes sur les réseaux sociaux et ne consultent pas régulièrement leur boîte mail ;
- une newsletter brève, régulière, claire et de qualité.

Détail des préconisations de la mission et résultats de l’enquête menée Ministère des solidarités et de la santé