Amis, familles : peut-on soigner ses proches ?
En France, il n’existe aucune disposition légale interdisant à un médecin de prendre en charge des actes et des soins destinés à ses proches.
Texte référence, le Serment d’Hippocrate ne semble pas s’y opposer puisqu’il indique : « Je donnerai mes soins … à quiconque me le demandera », mais se poursuit en affirmant que le médecin s’engage aussi à « préserver l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de sa mission ».
S’il paraît naturel de porter assistance à un malade et légitime de soigner ceux qui nous entourent et auxquels nous sommes attachés, il faut aussi savoir poser des limites dans certaines circonstances.
Quelle spécialité pour quel type d’acte ?
La question des soins apportés aux membres de sa famille se pose davantage pour les médecins généralistes et certaines autres spécialités (pédiatres, ORL) que pour d’autres praticiens. Chirurgiens, obstétriciens-gynécologues, il paraît plus délicat de traiter ses proches. Pourtant, il arrive aussi d’être sollicité, plus souvent pour un avis ou une orientation vers un autre confrère.
Savoir poser des limites
Si 56 % des généralistes pensent qu’il ne faut pas soigner ses proches, ils sont tout de même 96 % à déclarer le faire*. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et laissent entendre le dilemme auquel font face nombre de soignants.
A l’image du médecin de famille d’autrefois, au quotidien et dans des situations sans gravité, ni complexité, le généraliste soignera ses enfants et son entourage. Une pratique qui n’a rien de problématique tant qu’elle concerne des actes ou des prescriptions simples et que le praticien est certain de pouvoir conserver l’objectivité et la distance nécessaires.
Une consultation « informelle », effectuée à la demande d’un proche à l’improviste ou entre deux rendez-vous, peut plus facilement conduire à une erreur de diagnostic par manque de temps ou parce que, hors de son cabinet, le médecin ne dispose pas du matériel nécessaire à une bonne auscultation.
Savoir quand s’en remettre à d’autres soignants
Lorsque l’émotion ou la pudeur prennent le dessus face à un proche ou quand des enfants devenus adolescents souhaitent préserver leur intimité : le médecin doit être capable d’apprécier ses limites et laisser à un autre le soin de s’occuper de ses proches.
Le Dr André Deseur, vice-président du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom), définit ainsi les frontières à ne pas franchir : « Dès lors qu’on reste dans le soin courant, le médecin assure. Ensuite, passer la main à un confrère dès que l’appréciation de la situation sort des limites de la banalité, c’est cerner efficacement son objectivité. » **
Soigner un confrère ?
Le médecin face à un confrère malade devenu son patient se trouve dans une situation complexe à laquelle il convient de bien se préparer pour y faire face dans les meilleures conditions.
L’acte gratuit : les recommandations à suivre
Procéder à une auscultation ou établir une ordonnance pour un proche sous la forme d’un acte gratuit ne peut se faire à la légère. Au-delà des limites morales que le médecin est seul à pouvoir apprécier, il doit se plier aux règles suivantes pour établir une prescription pour un proche :
- être inscrit au tableau de l’ordre des médecins de son département,
- disposer d’une assurance civile professionnelle
- faire figurer la mention « acte gratuit » sur l’ordonnance
- rayer le numéro Adéli y figurant.
Il n’est pas rare que l’Ordre des médecins soit saisi de cas de médecins poursuivis par des proches, mécontents des soins qui leur ont été délivrés. C’est pourquoi il est important de disposer d’un contrat d’assurance (RCP-PJ) adapté vous couvrant aussi bien dans le cadre de votre pratique rémunérée que pour la délivrance d’actes, de soins et de conseils effectués à titre gratuit.
La question se pose dans les mêmes termes pour tous les soignants et particulièrement les infirmiers. Pansement, piqûre, vaccin, l’infirmier peut être tenté de réaliser ce type d’actes dans le cadre familial ou amical. Il n’est pas rare qu’il soit sollicité en ce sens. La décision d’effectuer de tels gestes ne doit pas être prise à la légère. Ceux-ci ne peuvent s’effectuer sans disposer d’une RCP les garantissant.
* « Quand le médecin généraliste soigne sa famille, » Virginie Vallerend, thèse de médecine, Caen, 2009.
** « Soigner ses proches, une bonne idée ? », Legénéraliste.fr, 19 avril 2019.