Que prévoit le décret du 5 juillet 2024 ?
Le décret n° 2024-692 du 5 juillet 2024, publié le 6 juillet 2024 encadre désormais la contre-visite médicale organisée par l’employeur, mentionnée à l’article L.1226-1 du Code du travail.
Les dispositions de ce décret sont applicables à compter du 6 juillet 2024, date de sa publication.
Il énonce que : "Le salarié communique à l’employeur, dès le début de l’arrêt de travail délivré en application de l’article L. 321-1 du Code de la Sécurité sociale ainsi qu’à l’occasion de tout changement, son lieu de repos s’il est différent de son domicile et, s’il bénéficie d’un arrêt de travail portant la mention "sortie libre" prévue à l’article R. 323-11-1 du même code, les horaires auxquels la contre-visite mentionnée à l’article L. 1226-1 peut s’effectuer" (article R. 1226-10 du Code du travail).
La contre-visite est effectuée par un médecin mandaté par l’employeur.
Ce médecin se prononce sur le caractère justifié de l’arrêt de travail, y compris sa durée (article R. 1226-11 du Code du travail).
La contre-visite s’effectue à tout moment de l’arrêt de travail et, au choix du médecin :
- soit au domicile du salarié ou au lieu communiqué par lui en application de l’article R. 1226-10, en s’y présentant, sans qu’aucun délai de prévenance ne soit exigé, en dehors des heures de sortie autorisées en application de l’article R. 323-11-1 du Code de la Sécurité sociale ou, s’il y a lieu, aux heures communiquées en application de l’article R. 1226-10 du Code du travail ;
- soit au cabinet du médecin, sur convocation de celui-ci par tout moyen conférant date certaine à la convocation. Si le salarié est dans l’impossibilité de se déplacer, notamment en raison de son état de santé, il en informe le médecin en en précisant les raisons.
Au terme de sa mission, le médecin informe l’employeur :
- soit du caractère justifié ou injustifié de l’arrêt de travail ;
- soit de l’impossibilité de procéder au contrôle pour un motif imputable au salarié, tenant notamment à son refus de se présenter à la convocation ou à son absence lors de la visite à domicile (article R. 1226-12 du Code du travail).
Comment était organisée la contre-visite avant la parution de ce décret ?
Qui pouvait faire la contre-visite ?
Avant même la publication de ce décret, la Cour de cassation était venue préciser que l’employeur était libre de choisir le médecin contrôleur (Cassation sociale 20 octobre 2015, n° 13-26.980), ajoutant que le salarié ne pouvait exiger la présence d’un médecin de son choix ou de son médecin traitant.
Si le médecin chargé du contrôle est librement choisi par l'employeur, il ne peut toutefois s’agir du médecin du travail et il importe d’être vigilant : certaines conventions collectives peuvent en effet prévoir des règles particulières, que les parties sont alors tenues de suivre.
De la même manière, l'employeur ne peut pas effectuer lui-même la contre-visite ; ni la déléguer à un salarié de l’entreprise : elle doit obligatoirement être réalisée par un médecin.
Notons enfin qu’il appartient au médecin en charge du contrôle de décliner son identité et l’objet de sa visite : s’il ne le fait pas, il ne peut être établi que le salarié s’est volontairement soustrait au contrôle.
Quand pouvait être réalisée la contre-visite ?
La jurisprudence a précisé que la contre-visite pouvait être réalisée dès le commencement de l'arrêt de travail du salarié (Cassation sociale 13 juin 2012, n° 11-12.152), le médecin n'ayant pas à informer préalablement le salarié - ou son médecin traitant - de sa visite.
La Cour de cassation a également jugé que si l’employeur et le médecin chargé du contrôle ont la liberté de choisir le jour et l’heure de la visite de contrôle, elle ne peut toutefois avoir lieu pendant les heures de sortie autorisées par la Sécurité sociale (Cassation sociale 30 mai 2007, n° 06-42.396).
Bien évidemment cette jurisprudence a toujours vocation à s’appliquer, même après la parution du décret du 5 juillet 2024.
Si le salarié refuse de se soumettre au contrôle ou est absent de son domicile en dehors des heures de sortie autorisées – sauf motif valable, tel par exemple un rendez-vous médical – l’employeur est alors fondé à cesser le versement de la garantie de salaire.
Ceci étant, cette cessation ne peut en aucun cas être rétroactive et débutera nécessairement au jour du contrôle – Cassation sociale 9 juin 1993, n° 90-42.701).
Quelles conséquences si le salarié n’est pas présent au domicile déclaré en dehors des heures de sortie autorisées ?
L’employeur pourrait-il alors le sanctionner, voire le licencier ?
La réponse est négative : si le salarié n’est pas présent à son domicile ou au domicile dont il a communiqué l’adresse à son employeur, ce dernier ne peut en aucun cas le sanctionner ou le licencier.
Il en va de même si le salarié n’est pas présent en cas de contrôle réalisé par le médecin contrôleur de la caisse de Sécurité sociale.
La chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà jugé que si le salarié séjournait ailleurs qu'à son domicile, il devait alors en informer la Caisse Primaire d’Assurance Maladie mais également son employeur : s'il refuse de communiquer son adresse, rendant ainsi tout contrôle impossible, l'employeur peut ne pas maintenir la garantie de salaire qui s’ajoute aux indemnités journalières (Chambre Sociale de la Cour de Cassation, arrêt n° 88-44963).
Le salarié peut-il contester les conclusions du médecin contrôleur ?
Oui, le salarié pourra parfaitement demander par exemple la réalisation d’une contre-expertise à l’amiable.
En l’absence de dispositions particulières (accord d’entreprise – convention collective), aucune disposition n’oblige l’employeur à participer financièrement à une contre-expertise amiable.
Le salarié peut également opter pour la saisine du Conseil des Prud’hommes en vue d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire.
Si le Conseil des Prud’hommes valide les conclusions de l‘expert judiciaire, le salarié obtiendra alors le rappel de la garantie de salaire dont il aura été privé.