Plusieurs semi-marathons... pendant un arrêt de travail
Alors qu’il est en arrêt de travail prolongé pour un état dépressif lié à un contexte de travail difficile, un salarié participe à 14 courses sportives sur une période d’un peu moins d’un an. Chacune de ces courses implique une dépense physique et une préparation importantes puisqu’il s’agit de semi-marathons.
La caisse primaire d’assurance maladie qui sert les indemnités journalières au salarié en suspend le versement et lui réclame un remboursement de l’indu. Elle invoque l’impossibilité pour un assuré social en arrêt de travail d’exercer une activité quelconque, rémunérée ou non, sauf autorisation du médecin traitant.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi par le salarié, qui conteste la décision de suspension prise par la commission de recours amiable de la caisse.
En première instance : une activité justifiée
Le tribunal rejette les demandes de la caisse et considère que le salarié est fondé à percevoir ses indemnités journalières pendant toute la durée de son arrêt de travail.
Il considère que l’activité sportive pratiquée n’a pas été expressément interdite : en effet, les renouvellements d’arrêts de travail prescrits par le médecin traitant autorisaient les sorties libres.
Le tribunal s’appuie également sur l’attestation produite par le médecin traitant, une fois les indemnités suspendues. Selon cette attestation, la pratique sportive avait été encouragée car bénéfique à l’amélioration de l’état de santé du patient : le salarié, qui pratiquait le semi-marathon de longue date, avait trouvé dans cette activité une motivation permettant de limiter le recours aux anxiolytiques dans la prise en charge de son état dépressif.
Enfin, le tribunal relève que l’activité sportive pratiquée n’a jamais fait l’objet d’une rémunération.
La caisse se pourvoit en cassation.
La mention de "sorties libres" ne suffit pas
La Cour de cassation rappelle que, conformément à l’article L323-6 du Code de la sécurité sociale et l’article 37 du règlement intérieur des caisses primaires d’assurance maladie annexé à l’arrêté du 19 juin 1947, le versement de l’indemnité journalière est subordonné à l’arrêt de toute activité – rémunérée ou non – par l’assuré. Il s’agit d’un impératif tant médical (pour éviter une détérioration de l’état de santé d’un patient du fait d’une activité a priori inadéquate) que social, au regard du coût financier qui n’est justifié qu’en cas d’impossibilité de travailler.
Conformément à ce texte, seule une "autorisation du médecin traitant" peut justifier la poursuite d’une activité pendant l’arrêt de travail.
Mais, en l’espèce, les arrêts successifs ne faisaient que mentionner la possibilité de sorties libres, ce qui n’équivaut pas à une autorisation expresse d’exercice d’une activité.
L’attestation du médecin traitant qui recommande cette pratique sportive a été établie a posteriori, à l’occasion de la contestation de la suspension des indemnités.
Elle ne peut donc être considérée comme une autorisation au sens des textes.
La Cour casse donc le jugement, faute d’avoir constaté que les prescriptions d’arrêts de travail autorisaient expressément l’assuré à pratiquer l’activité litigieuse.
Une autorisation d'activité mais à quelles conditions ?
Comme le rappelle cette décision, il ne peut être dérogé à l’interdiction de pratiquer une quelconque activité – rémunérée ou non – pendant un arrêt de travail qu’à la condition que le prescripteur de l’arrêt l’ait expressément autorisé.
Cette autorisation doit être mentionnée au moment de l’établissement de l’arrêt ou lors de son renouvellement, dans le cadre "éléments d’ordre médical", et doit indiquer très précisément la nature de l’activité autorisée (il ne peut s’agir d’une autorisation générale).
À défaut d’une telle mention dans la prescription ou le renouvellement d’arrêt de travail, toute activité sera considérée comme interdite, et ce, même si elle est compatible avec l’état de santé du patient et son projet thérapeutique.
Cette solution a été confirmée par un arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2024, dans des circonstances analogues : pour poursuivre pendant son arrêt de travail une activité physique et sportive, le salarié doit y avoir été autorisé expressément et préalablement par le médecin prescripteur.