Une démission présumée en cas d’abandon de poste
Auparavant, un salarié abandonnant son poste de travail pouvait être sanctionné par son employeur (sanction pouvant aller jusqu’à un éventuel licenciement pour faute). Il pouvait bénéficier, malgré cela, des allocations chômage. En effet, un abandon de poste n’était jusque-là pas considéré comme une démission.
Désormais, sera présumé démissionnaire le salarié en situation d’abandon de poste.
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Pour rappel, est considéré comme ayant abandonné son poste de travail le salarié qui quitte son poste sans autorisation ou ne se rend plus au travail sans avoir justifié de son absence.
Les conditions de l’abandon de poste
Cette nouvelle présomption de démission est néanmoins soumise à certaines conditions, posées par le nouvel article L.1237-1-1 du Code du travail :
En cas d'abandon de poste volontaire par un salarié, l'employeur doit le mettre en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception, de justifier son absence et de reprendre son poste dans un certain délai.
Concrètement, cette mise en demeure doit lui permettre de :
- demander la raison de l'absence du salarié afin d'en recueillir la justification (il pourrait s'agir d'un motif légitime) ;
- préciser le délai dans lequel le salarié est tenu de reprendre son poste, qui ne peut être inférieur à 15 jours à compter de la présentation de la mise en demeure ;
- rappeler que, passé ce délai, faute d'avoir repris son poste ou justifié d'un motif légitime, le salarié sera présumé démissionnaire et ne pourra, à ce titre, prétendre à une indemnisation chômage.
Le fait que le salarié refuse de prendre connaissance du courrier et n'aille pas le chercher ne remet pas en cause la procédure, dès lors que le courrier a bien été présenté au domicile connu du salarié.
Les conséquences de l’abandon de poste
Si le salarié ne répond pas, ne reprend pas son poste, ou s'il répond qu'il ne reprendra pas son poste sans davantage justifier son absence, il est présumé démissionnaire et donc privé des allocations de chômage. À moins qu'il saisisse le conseil de prud'hommes pour contester la rupture de son contrat et qu'il obtienne gain de cause devant le bureau de jugement (qui a, en théorie, un mois pour statuer).
La démission du salarié est constatée à la date ultime de reprise du travail fixée par l'employeur. C'est cette date qui sert de point de départ du préavis de démission.
En effet, les règles de droit commun s'appliquent et le salarié est supposé devoir effectuer un préavis de démission mais compte tenu du contexte, il est peu probable qu'il l'effectue : dans ce cas, l'employeur ne lui doit aucune indemnité compensatrice et pourrait même lui réclamer une indemnisation au titre de l'inexécution de ce préavis.
Si l'employeur prend l'initiative de dispenser le salarié de préavis, il doit lui verser une indemnité compensatrice. Dans le cas où employeur et salarié se mettraient d'accord pour que le préavis ne soit pas effectué, l'indemnité compensatrice n’est pas due.
En revanche, le salarié a droit à une indemnité de congés payés pour les congés acquis mais non pris.
L'employeur doit remettre au salarié les documents de fin de contrat habituels (certificat de travail, solde de tout compte, attestation d'assurance chômage). Ces documents doivent faire apparaître la mention "Démission".
La question du licenciement pour abandon de poste
Si l'employeur ne souhaite pas en passer par la procédure précitée de présomption de démission, la question se pose de savoir s’il peut toujours licencier son salarié pour faute grave.
Dans un "questions-réponses" publié le 18 Avril 2023, le ministère du Travail a précisé que si l'employeur désire mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste, il doit mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission. Il n'aurait donc plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute.
Plusieurs recours en annulation ont été intentés devant le Conseil d'Etat contre ce "questions-réponses" qui a depuis été retiré du site du ministère. Une réponse ministérielle du 24 Octobre 2023 du ministre du Travail a indiqué qu'il était prématuré de se prononcer, dans l'attente des décisions du Conseil d'État.
Face à cette incertitude et dans l'attente d'un positionnement certain
Nous considérons qu'il devrait être possible de recourir au licenciement pour faute. Mais il nous apparaît plus prudent d'envisager la procédure de présomption de démission.
L’obligation d’informer Pôle emploi en cas de refus d’un CDI
Une autre nouveauté impactant l’assurance chômage a été introduite par cette loi concernant les CDD et les contrats de travail temporaires.
Désormais, l’employeur devra notifier par écrit aux salariés toute proposition de CDI afin d’occuper le même poste ou un poste similaire :
- À l’issue de leur CDD à condition que l’emploi proposé en CDI remplisse les caractéristiques suivantes : rémunération au moins équivalente, durée de travail équivalente, même classification et même lieu de travail.
- À l’issue de leur contrat de travail temporaire à la condition que l’emploi en CDI ne modifie pas le lieu de travail.
Si le salarié refuse la proposition de CDI, son employeur sera alors tenu d’informer Pôle emploi.
En conséquence, un demandeur d’emploi refusant une proposition de CDI à l’issue d’un CDD ou d’un contrat d’intérim à deux reprises au cours des 12 mois précédents perdra le bénéfice de l’allocation chômage.