Baisse significative du nombre de signalements en 2020 et 2021
Le nombre de signalements effectués tant en 2020 qu’en 2021 ainsi que le nombre d’établissements déclarants sont en baisse par rapport aux données de l’année 2019. Ceci semble s’expliquer, en grande partie, par le contexte exceptionnel de crise sanitaire mondiale vécue pendant ces deux années.
- En 2020, 383 établissements ont déclaré 19 579 signalements d’atteintes aux personnes et aux biens.
- En 2021, 391 établissements ont déclaré 19 328 signalements d’atteintes aux personnes et aux biens.
Soit en moyenne 51,1 signalements en 2020 et 49,4 signalements en 2021 contre 52,7 signalements par établissement en 2019. A noter que 77 % des établissements de santé déclarants sont des établissements publics en 2020 et 74 % en 2021.
Le rapport donne quelques explications au moindre report par les établissements des événements de violence dans l’ONVS durant ces deux années :
- la baisse des soins non urgents et donc la baisse de fréquentation des établissements ;
- les deux périodes de confinement ;
- le report des consultations et la déprogrammation des opérations ;
- les délais d’attente raccourcis ;
- la présentation du passe sanitaire pour rentrer dans un établissement de santé (sauf aux urgences) ;
- les dispositifs "Résilience" et "Sentinelle" (Vigipirate) ;
- une probable amélioration générale du comportement civique des usagers…
Une très grande majorité d’atteintes aux personnes, une baisse des atteintes aux biens
En 2020, l’Observatoire a recensé 17 598 atteintes aux personnes, ce qui représente 81 % des signalements et en 2021, il en a recensé 17 756, soit 82 %.
La violence physique est prédominante et représente près de la moitié des atteintes signalées (50,9 % en 2021 et 46,7 % en 2021). A noter également l’importance de la violence verbale (29,9 % des atteintes aux personnes en 2020 et 32,1 % en 2021).
Ont également été recensées 4 025 atteintes aux biens (19 %) en 2020 et 3 844 en 2021 (18 %). Il s’agit, par exemple :
- de dégradation légère et vol sans effraction,
- de vol avec effraction et dégradation de matériel de valeur,
- d’incendie,
- de vol à main armée ou en réunion.
Les faits les plus graves sont surtout commis en secteur de psychiatrie.
Enfin, l’ONVS recense 2 056 signalements en 2020 et 2 272 signalements en 2021 répertoriant les deux types d’atteintes cumulativement (surtout violences accompagnées de dégradations).
La psychiatrie, les urgences et la gériatrie : les services les plus exposés à la violence
Tous les services sont exposés à des phénomènes de violence et d’incivilité.
Néanmoins, certains sont davantage touchés tant en 2020 qu’en 2021 : la psychiatrie, la gériatrie (EHPAD/USLD) et les urgences.
A noter qu’en 2020 et 2021, les urgences sont descendues en troisième position avec une importante baisse du nombre de signalements (2e place en 2019).
Les services de psychiatrie
- 22,3 % des déclarations en 2020, soit 4 368 déclarations dont 4 170 relatives à des atteintes aux personnes et 850 relatives à des atteintes aux biens (des faits peuvent regrouper cumulativement les deux atteintes).
- 22,2 % des déclarations en 2021, soit 4 287 déclarations dont 4 097 relatives à des atteintes aux personnes et 946 relatives à des atteintes aux biens.
Dans ces services, les équipes soignantes sont confrontées quotidiennement à la violence de patients, violence souvent liée à l’expression d’une pathologie psychiatrique.
Si la majorité des patients ne sont pas dangereux, certains présentent un risque majoré de violence, notamment du fait de certaines addictions (alcool, stupéfiant) ou d’une hospitalisation sans consentement.
De ce fait, dans ce service, les agressions physiques prédominent. Les agressions verbales, type injures et menaces, sont également très présentes.
Les services de gériatrie (EHPAD/USLD)
- 13,1 % des déclarations en 2020, soit 2 565 déclarations dont 2 481 relatives à des atteintes aux personnes et 291 relatives à des atteintes aux biens.
- 12,5 % des déclarations en 2021, soit 2 421 déclarations dont 2 364 relatives à des atteintes aux personnes et 255 relatives à des atteintes aux biens.
Les équipes soignantes font ici face à des violences verbales et physiques très fréquentes, violences majoritairement liées à une maladie neurodégénérative. Ces violences s’expriment également fréquemment entre patients ou avec la famille.
Les services d'urgence
- 12,7 % des déclarations en 2020, en baisse par rapport à 2019 (15 %), soit 2 480 déclarations dont 2 370 relatives à des atteintes aux personnes et 410 liées à des atteintes aux biens.
- 12,2 % des déclarations en 2021, soit 2 351 déclarations dont 2 276 relatives à des atteintes aux personnes et 361 liées à des atteintes aux biens.
Aux urgences, les agressions verbales sont quotidiennes et les comportements d’incivisme et antisociaux sont également omniprésents. Les soignants font également face à des actes de violence physique.
Les personnels de santé sont les principales victimes de faits de violence
L’Observatoire a recensé :
- 28 019 victimes d’atteintes aux personnes et 5 120 victimes d’atteintes aux biens en 2020.
- 29 214 victimes d’atteintes aux personnes et 5 336 victimes d’atteintes aux biens en 2021.
A noter que 3 907 (en 2020) et 4 336 (en 2021) victimes le sont à raison des deux types d’atteintes.
Les personnels des établissements de santé sont particulièrement visés (83 % en 2020 et 84 % en 2021). En 2020 comme en 2021, les infirmiers (47 % et 46 %) et autres personnels soignants (45 % et 46 %) demeurent majoritairement touchés.
S’agissant du personnel administratif, les signalements ont augmenté par rapport à 2019 et s’élèvent à 5,4 % en 2020 et 6,8 % en 2021. Il s’agit surtout des personnels affectés à l’accueil. Par ailleurs, on note un nombre de signalements constants concernant les agents de sécurité (4 % en 2020 et en 2021).
Dans une proportion plus faible mais non négligeable, 10 % des violences touchent les patients en 2020 et 8 % en 2021.
Le rapport de l’Observatoire permet également de préciser que ce sont majoritairement les femmes qui sont les victimes de violences (76 % en 2020 et en 2021) à l’exception de la catégorie des médecins et agents de sécurité où les hommes sont davantage touchés.
Qui sont les auteurs de violences ?
Conformément aux tendances des années précédentes mais dans une moindre proportion, dans plus de 90 % des cas recensés par l’Observatoire, les auteurs de violences sont des patients ou des visiteurs et accompagnateurs (en 2020 comme en 2021).
Dans 27 % des cas en 2020 et 23 % en 2021, les violences commises par les patients sont en lien avec l’expression d’une pathologie.
Par ailleurs, s’agissant des cas de violence émanant d’un personnel de l’établissement de santé, l’ONVS relève un taux de violence stable et faible (3,4 % en 2020 et 3,6 % en 2021).
Il s’agit surtout de violences verbales entre médecins ou d’un médecin à l’encontre d’autres personnels (critiques et reproches sur l’inaptitude professionnelle de confrères ou des collaborateurs, dénigrement, propos grossiers…).
Le principal élément déclencheur de violences demeure la prise en charge du patient
Au préalable, il convient de relever que les motifs des violences n’ont été renseignés que dans 52,6 % des cas en 2020 et 51,8 % des cas en 2021.
La prise en charge du patient
Le constat est le même que les années précédentes : le reproche relatif à la prise en charge du patient est le principal élément déclencheur de faits de violence (48,5 % en 2020 et 51,4 % en 2021). Il s’agit, par exemple :
- de reproches en lien avec la crise sanitaire ;
- de patients dans un état "second" qui génèrent de la violence verbale et physique et des menaces en raison d’une perception tronquée de la réalité de la prise en charge ;
- de patients qui remettent en question le fonctionnement du service (impatience) ;
- de patients qui ne respectent pas la prescription médicale et les soins ;
- d’incivilité…
Le refus de soins de nursing
Le second motif concerne une rubrique ajoutée en 2019 qui traite du refus de soins de "nursing" (se distinguant du refus de soins médicaux). Pour cette thématique, l’épuisement professionnel est particulièrement souligné par les soignants (dans plus de 20 % des déclarations).
Le temps d'attente excessif
Le troisième motif est lié au temps d’attente jugé excessif (8,7 % en 2020 et 8,5 % en 2021) dont la moitié des déclarations concernent les services des urgences.
L'alcoolisation du patient
Quant au quatrième motif, il implique une alcoolisation du patient conduisant à une perception tronquée de la réalité, générant des comportements plus ou moins irrationnels mais agressifs, voire très violents (7,4 % en 2020 et 6,3 % en 2021).
Divers
Dans une proportion moindre, on retrouve :
- des règlements de comptes familiaux (5,3 % et 4,5 %) ;
- la consommation de drogue (2,4 % et 2,1 %) ;
- le refus de prescription (2,9 % et 2,4 %) ;
- un diagnostic non accepté (1,5 % et 1,8 %) ;
- du personnel assistant à une tentative de suicide ou constatant un suicide (0,8 %) ;
- une atteinte au principe de laïcité (0,5 % et 0,3 %) ;
- du personnel soignant assistant à des actes d’automutilation (0,6 %).
À noter
- Dans une proportion très faible, les soignants ont également signalé des prises de vidéos, de photos et d’enregistrements sonores par les patients/résidents et des familles, mettant une lumière une tendance croissante dans un établissement de santé.
- Des signalements sont en lien avec la crise sanitaire, avec des accusations à l’égard des personnels soignants mais aussi de l’institution.
Par ailleurs, il convient de relever que le rapport met en avant un motif de réclamation désigné sous le terme "Autres" qui représente 47,4 % des cas en 2020 et 49 % des cas en 2021.
Cette catégorie regroupe des situations très diverses mais non précisées explicitement, ne permettant ainsi aucune classification.
Comment ont été gérés ces événements violents ?
L’Observatoire précise que :
- "Les événements de violence signalés ont donné majoritairement lieu à une intervention du personnel en renfort de leurs collègues" (59 % en 2020 et en 2021).
- Le personnel de sécurité est également intervenu en appui dans 23 % des cas recensés en 2020 et en 2021.
- En revanche, les forces de l’ordre ne sont intervenues que dans une faible proportion des signalements (6 % en 2020 et en 2021).

En ce sens, l’Observatoire rappelle que "les formations professionnelles pratiques dispensées sur la gestion des tensions, de l’agressivité et d’une meilleure communication sont particulièrement importantes et se révèlent très utiles afin de mieux prévenir et gérer les moments de violence".
Il est ainsi rappelé dans le rapport différentes méthodes existantes au niveau local et au niveau national.
Quelles suites judiciaires aux événements violents ?
En 2020, les signalements de violence ont donné lieu à 1 574 plaintes et à 149 mains courantes, dont 461 plaintes et 37 mains courantes déposées par les établissements eux-mêmes.
A noter que 52 % des plaintes concernent des atteintes aux personnes (essentiellement pour des faits de violences volontaires, menaces, injures…).
Les suites données sont moins importantes en 2021 avec 1 446 plaintes et 127 mains courantes, dont 386 plaintes et 35 mains courantes déposées par les établissements eux-mêmes.
Néanmoins, ces données doivent être relativisées : les suites n’ont été précisées que dans 49 % des réclamations en 2020 et 43 % en 2021.
L’ONVS précise avoir constaté, lors de ses déplacements, une réticence au dépôt de plainte des personnels de santé, notamment en raison d’une "attitude, assez généralisée, d’exprimer de fortes réticences à s’engager dans un processus judiciaire".
Pour l’Observatoire, cette réticence s’explique par différentes raisons :
- l’empathie naturelle des soignants ;
- la peur de représailles, surtout en psychiatrie ;
- une incompréhension que l’établissement ne puisse pas déposer plainte à leur place ;
- un sentiment "d’inutilité" d’une telle démarche.