Poursuite d'un CDD au-delà de son terme et requalification en CDI
Cette hypothèse n'ouvre plus droit à l'indemnité de précarité depuis un revirement de la Cour de cassation (Ch. Sociale, 7 juillet 2015, pourvoi n° 13-17195).
Que dit la loi ?
Les situations les plus fréquemment rencontrées sont celles dans lesquelles le CDD arrive à son terme et les relations contractuelles entre l’employeur et le salarié cessent, ou bien à l’inverse l’employeur propose un CDI au salarié avant le terme du CDD, à charge pour ce dernier d’accepter ou non le CDI proposé.
Ce sont ces situations qui ont été envisagées par le législateur.
L’article L1243-11 du Code du travail pose le principe selon lequel "la poursuite de l’exécution d’un CDD au-delà de son terme sans qu’ait été conclu un nouveau contrat le transforme automatiquement en contrat à durée indéterminée".
Conséquences : en application des dispositions de l’article L1243-8 du Code du travail, le salarié doit bénéficier d’une indemnité de précarité lorsqu’aucun contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire ne lui a été proposé à l’issue du contrat à durée déterminée. Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié. Elle s’ajoute à la rémunération totale brute et est versée à l’issue du contrat en même temps que le dernier salaire.
Une convention ou un accord collectif de travail peut déterminer un taux plus élevé (un accord collectif étendu ou un accord d’entreprise peut toutefois prévoir de limiter le taux de l’indemnité à 6 % dès lors que des contreparties sont offertes aux salariés, notamment sous la forme d’un accès privilégié à la formation professionnelle).
À l’inverse, l’article L1243-10 énonce que l’indemnité de fin de contrat n'est pas due, notamment en cas de refus par le salarié d'accepter la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente.
Que dit la jurisprudence ?
Il est des cas cependant, où le CDD arrive à son terme mais le salarié reste en poste et poursuit son activité avec l’accord de son employeur, sans toutefois que ce dernier ne lui ait expressément proposé et remis de CDI.
La question a donc consisté à savoir, si, dans cette hypothèse, l’application littérale de l’article L1243-8 du Code du travail pouvait permettre au salarié de bénéficier de l’indemnité de précarité :
- Par deux arrêts en date du 3 octobre 2007, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que l’indemnité de précarité était due en cas de requalification du CDD en CDI : la situation jugée était celle de la poursuite du CDD au-delà de son terme, aucun contrat de travail n’ayant été proposé par l’employeur à l’issue du CDD initial.
- À nouveau amenée à se prononcer sur une situation identique en juillet 2015, la Cour de cassation a opéré un important revirement de jurisprudence. Elle a en effet jugé que la prime de précarité n'est pas due si un CDI suit sans interruption un CDD, au motif que cette prime compense la précarité de la relation, ce qui n'est pas justifié en cas de requalification.
"Mais attendu que l'indemnité de précarité prévue par l'article L1243-8 du code du travail, qui compense, pour le salarié, la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, n'est pas due lorsque la relation contractuelle se poursuit en contrat à durée indéterminée, notamment en cas de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée ; que le moyen n'est pas fondé."
Cour de cassation, ch. sociale, 7 juillet 2015, pourvoi n° 13-17195
Requalification du CDD en CDI après rupture du CDD
En revanche, la Cour de Cassation a jugé que l’indemnité de précarité déjà versée au salarié lui reste acquise, même s’il obtient ultérieurement la requalification de son (ses) CDD en CDI.
Ainsi, la chambre sociale a-t-elle affirmé dans un arrêt de principe du 9 mai 2001 (n° 9846.205) qu’en cas de requalification du contrat à durée déterminée après qu’il ait cessé, le salarié n’avait pas à restituer l’indemnité de fin de contrat déjà perçue.
La Cour a en effet considéré que l’action en requalification entamée par le salarié ne modifiait en rien la précarité de la situation qui avait été la sienne et que le priver de l’indemnité de précarité reviendrait en réalité à défalquer cette dernière des dommages et intérêts qu’il était susceptible d’obtenir.
Par hypothèse, lorsque le salarié a obtenu une indemnité de précarité et qu’il engage une procédure en requalification de son contrat, son contrat a cessé.
Cette jurisprudence n’est actuellement pas remise en cause.
Cette requalification, après rupture, emporte en outre une seconde conséquence : l’employeur devra s’acquitter de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et non-respect des règles relatives à la rupture du CDI (puisque par hypothèse il n’a pas mis en œuvre de procédure de licenciement).
S’agissant du CDD, rappelons que le recours à ce contrat est très encadré par la loi et que le formalisme qui l’entoure est strict.
C’est la raison pour laquelle il existe plusieurs possibilités d’obtenir la requalification d’un CDD en CDI :
- L’absence d’écrit, ou la remise tardive par l’employeur du contrat après que l’activité professionnelle ait débuté. La Cour de cassation a ainsi jugé dans un arrêt du 17 juillet 2007 ( arrêt n° 06-42298 ) que si le CDD n’est pas transmis signé au salarié dans les 2 jours suivant son embauche, cela équivaut à une absence d’écrit qui entraîne la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée.
- Le non-respect des règles relatives à la durée maximale des CDD ou le non-respect du délai de carence devant s’écouler entre deux contrats.
- Le manque d’une mention essentielle dans le contrat, tel l’objet précis au recours au CDD, ou encore le nom et la qualification du salarié remplacé (Cassation Sociale, 31 octobre 2012, n° 11-18869).
- La conclusion d’un CDD en dehors des cas autorisés par la Loi ou pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (Cass. Soc. 5 juillet 2006, n° 04-40.299).
- la pratique consistant à n’établir qu’un seul contrat à durée déterminée en cas d’engagement d’un même salarié pour plusieurs motifs de recours successifs ; chaque CDD ne pouvant comporter qu’un seul motif, il appartenait à l’employeur d’établir deux CDD comportant chacun un motif précis et non un seul pour deux motifs de recours successifs : le contrat a dès lors été requalifié en contrat à durée indéterminée (arrêt du 23 janvier 2008 n° 06-41.536).
Le Cour de cassation avait du reste, déjà jugé le 28 juin 2006, qu’un même contrat à durée déterminé ne pouvait avoir pour objet le remplacement de plusieurs salariés absents, même si le nom et les qualifications de chacun des salariés remplacés successivement y étaient indiqués.