Que dit la loi ?
L'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété dispose, qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires, l'assemblée générale peut voter une résolution modifiant la répartition des charges lorsque cette modification est rendue nécessaire par un changement de l'usage d'une ou plusieurs parties privatives.
La modification est-elle possible dans toutes les situations ?
Le règlement de copropriété permet l'exercice d'une activité libérale dans l'immeuble.
La modification de la répartition des charges est-elle malgré tout possible ? La réponse est affirmative.
La modification de la répartition des charges est possible dès qu'il y a eu un changement de l'usage d'une ou plusieurs parties privatives. La modification est donc possible dès qu'un local d'habitation est utilisé à des fins professionnelles que l'utilisation concerne l'intégralité ou une partie seulement des locaux.
Qu'est-ce qu'un "changement d'usage" d'une partie privative ?
Depuis une décision de la Cour de cassation en date du 20 juin 2001, le changement d'usage se juge par rapport à l'affectation prévue dans le règlement de copropriété.
Ainsi, si le règlement de copropriété stipule que votre lot est à usage d'habitation et que vous y installez votre cabinet, pour les magistrats il y aura changement d'usage.
Même si depuis la création de la copropriété vous exercez dans l'immeuble, et même si le règlement de copropriété permet l'exercice d'une activité libérale, pour la Cour de cassation : "dès l'instant où l'usage qui est fait des lieux est différent de celui prévu par le règlement de copropriété, il y a changement d'usage qui peut permettre une modification de la répartition des charges".
La modification de la répartition des charges concerne-t-elle toutes les charges ?
Non, seules les charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun, appelées également charges spéciales, sont concernées.
Quelles sont les charges concernées ?
Les charges qui peuvent être modifiées sont :
- l'entretien et le nettoyage de l'ascenseur ;
- le nettoyage de l'escalier (s'agissant de l'entretien de l'escalier, comme une réparation ou une réfection, la question est discutée car il est considéré d'une manière générale que l'escalier fait partie du gros œuvre et sur ce point la jurisprudence n'est pas fixée) ;
- l'éclairage de l'escalier ou du hall de l'immeuble (surtout s'il existe un compteur séparé pour ces endroits) ;
- l'eau chaude et froide s'il n'existe pas de compteurs individuels.
En quoi consiste cette modification de la répartition des charges ?
Généralement, il est appliqué un coefficient de majoration aux charges concernées pour des raisons de simplicité.
Existe-t-il une majoration maximale ?
La loi n'a aucunement précisé dans quelle limite les charges pouvaient être majorées.
Les tribunaux statuent au cas par cas en fonction de nombreux paramètres (qu'il n'est pas possible d'énumérer dans cet article et dont la liste ne serait pas exhaustive car les critères de majoration n'ont pas été fixés par la loi).
En cas de procédure, il serait donc possible de contester le coefficient de majoration (et donc le quantum) adopté par l'assemblée générale. Mais il en résulterait que la majoration deviendrait soumise au caractère aléatoire d'une procédure (l'intime conviction des magistrats du caractère raisonnable ou déraisonnable du coefficient de majoration).
Dans la mesure où il est difficile (voire impossible) de pouvoir s'opposer à cette majoration (car autorisée par la loi), lorsqu'une résolution prévoyant une majoration de charges est inscrite à l'ordre du jour, il est important d'essayer de négocier avec le syndic, les membres du conseil syndical, les autres copropriétaires pour avoir le coefficient multiplicateur le plus faible possible.
La nouvelle répartition est donc fixée par l'assemblée générale sous contrôle éventuel du tribunal. Elle ne peut en aucun cas être fixée à l'avance et déterminée forfaitairement par le règlement de copropriété. Toute clause en ce sens serait illicite.
S'il y a plusieurs professionnels dans l'immeuble, ils ont intérêt à se regrouper pour voter contre cette résolution afin qu'elle n'obtienne pas la majorité nécessaire (article 25 : majorité de tous les copropriétaires).
À partir de quand la majoration s'applique-t-elle ?
La majoration s'applique à partir du moment où l'assemblée générale qui l'a votée est devenue définitive.
- S'il y avait des absents à l'assemblée ou des opposants à la résolution, la majoration s'applique dès que le délai de deux mois pour saisir le tribunal pour contester l'assemblée est expiré.
- S'il y a une contestation, la majoration s'applique à compter de la décision de justice définitive qui valide cette majoration.
- Si le tribunal annule la décision, bien évidemment la majoration ne s'applique pas.
Combien de temps s'applique cette majoration ?
Tout dépend de la résolution votée et surtout de la manière dont elle a été libellée.
Une résolution peut disposer que la majoration s'appliquera tant qu'il y aura un changement d'usage du lot.
Dans cette éventualité, dès que les lots retrouvent l'usage d'origine, il ne devrait plus y avoir de majoration applicable. Toutefois la Cour de cassation n'a pas statué sur ce point à ce jour.
Il est donc important, avant que la résolution ne soit votée, de négocier avec le syndicat des copropriétaires pour avoir une résolution le stipulant précisément et surtout pour avoir une résolution rédigée correctement pour qu'il n'y ait pas de difficulté quant à son interprétation.
Si la résolution est floue, la majoration s'applique tant qu'une autre assemblée générale n'a pas statué pour dire que la majoration ne devait plus s'appliquer ou en cas de désaccord avec l'assemblée générale (si cette dernière par exemple ne veut pas supprimer la majoration alors que le lot a retrouvé un usage d'habitation) tant qu'une décision judiciaire définitive disant qu'il ne doit plus y avoir de majoration n'a pas été rendue.