Les chiffres clés des décisions pénales
- 20 professionnels de santé mis en cause dont 14 relaxés
- 7 décisions de relaxe
- 4 décisions de condamnation (dès lors que l’un des prévenus est condamné, la décision est considérée comme une condamnation même si les autres prévenus sont relaxés)
- 30 000 € d'indemnisations sur intérêts civils
La procédure pénale est très rare pour les professionnels de santé, elle ne représente en 2023 que 3 % des procédures hors CCI. C’est pourtant celle qu’ils redoutent le plus.
Elle se distingue des autres procédures par le caractère personnel des peines et condamnations prononcées ainsi que par leur nature (peines d’emprisonnement et amendes) qui ne peuvent être assumées par l’assureur.
Au pénal, seuls les intérêts civils et les frais de procédure peuvent être pris en charge par l’assureur.
Évolution du contentieux pénal
Le taux de procédures pénales reste stable d’une année sur l’autre. Cette stabilité illustre la grande rareté des poursuites pénales à l’encontre des professionnels de santé.
L’indemnisation des intérêts civils représente cette année 30 000 €. Dans la majorité des affaires, les juges ne se sont pas prononcés sur les intérêts civils, soit en raison d’un renvoi à une date ultérieure, soit en raison de la compétence d’une autre juridiction (civile ou administrative).
L’interprétation des tendances en matière pénale est toujours difficile car le volume d’affaires est faible (moins de 15 chaque année). Il suffit de quelques cas pour faire basculer le taux dans un sens ou dans l’autre, sans que des tendances claires puissent en être déduites.
Mises en cause et condamnations par spécialités
La culpabilité de 6 professionnels de santé (contre 14 en 2022) a été retenue dans les 4 décisions pénales prononçant une condamnation (contre 10 en 2022).
Cette année, 10 catégories de professionnels de santé ont été mises en cause pénalement :
- Médecine générale : 4 mis en cause
- Établissements de soins : 3
- Anesthésie réanimation : 2
- Sages-femmes : 2
- Médecine d’urgence : 2
- Chirurgie dentaire : 2
- Cardiologie : 2
- Pédiatrie : 1
- Chirurgie urologique : 1
- Praticien attaché associé : 1
Les infractions reprochées aux professionnels de santé
Dans 9 décisions sur 11, les professionnels de santé étaient poursuivis du chef d’homicide involontaire, le patient étant décédé des suites de la prise en charge. Une mise en cause repose cette année sur une violation alléguée du secret médical.
Nous vous présentons ici les affaires dans lesquelles une condamnation pénale est intervenue. Deux d’entre elles sont des confirmations de décisions de première instance intervenues en 2022 et déjà commentées.
Homicide involontaire
Défaut de diagnostic et de prise en charge d’un arrêt cardiorespiratoire au cours d’une opération des sinus
Une femme de 68 ans est opérée des sinus dans une clinique privée. Après l’induction anesthésique, une brève cyanose est constatée et signalée par l’infirmière. L’intervention se poursuit pourtant. Une fois l’intervention terminée, la patiente est transférée, non monitorée, en SSPI où il se produit un arrêt cardiorespiratoire, dû à un choc anaphylactique à l’Augmentin.
Il est reproché à l’anesthésiste de ne pas avoir réagi à la cyanose constatée en cours d’intervention, d’avoir fait transférer la patiente en SSPI sans monitorage et de ne pas avoir diagnostiqué l’arrêt cardio-respiratoire en SSPI, faisant perdre un temps précieux dans les manœuvres de réanimation.
Condamnation de l’anesthésiste à une peine d’emprisonnement d’un an avec sursis et une interdiction définitive d’exercer.
Indemnisation sur intérêts civils : 30 000 €
Négligence dans la prise en charge d’un nourrisson aux urgences
Un nourrisson de 6 semaines meurt des suites d’une bronchiolite, le lendemain d’un passage aux urgences où seul un traitement à base de collyre et de sérum physiologique a été prescrit.
Il est reproché au praticien attaché associé une mauvaise interprétation des clichés radiographiques qui témoignaient d’une pneumopathie lobaire supérieure droite, ce qui aurait dû conduire à une hospitalisation du bébé.
l lui est également reproché, en tant que praticien attaché associé, de ne pas avoir sollicité l’avis d’un médecin sénior.
Cette affaire a fait l’objet d’une décision du tribunal correctionnel en 2022, qui est confirmée par la cour d’appel en 2023, suite à l’appel interjeté par le praticien attaché associé.
Condamnation du praticien attaché associé à un emprisonnement de 2 ans avec sursis et à une amende de 8 000 €.
Décès sur la table d’opération d’un patient au cours d’une chirurgie urologique dans un contexte très conflictuel
Dès le début d'une intervention de résection de la prostate chez un patient de 60 ans, il se produit une altercation entre le chirurgien et le personnel de bloc, en rapport avec le matériel disponible pour l’opération.
Hors de lui, le chirurgien mène l’opération en réalisant des gestes brusques, conduisant à une hémorragie massive dont le patient décède.
Il est reproché au chirurgien d’avoir réalisé des gestes opératoires d’une grande brutalité, responsables de l’hémorragie, d’avoir utilisé une quantité excessive de glycocolle, au mépris des alertes qui lui ont été faites par le personnel du bloc, et d’avoir persisté dans une intervention rendue dangereuse par l’ambiance délétère au sein de l’équipe.
Il est reproché à l’anesthésiste de ne pas avoir détecté assez tôt le risque de TURP syndrome et de ne pas avoir été plus précis dans ses alertes au chirurgien sur la dégradation de l’état du patient au fur et à mesure de l’avancement de l’opération. À noter que seul l’anesthésiste est sociétaire de la MACSF.
Le centre hospitalier est, lui, relaxé.
Condamnation du chirurgien à une peine d’emprisonnement de 3 ans avec sursis, une interdiction définitive d’exercer la médecine et une amende de 20 000 €.
Condamnation de l’anesthésiste à une peine d’emprisonnement de 2 ans avec sursis et une amende de 20 000 €
Violences ayant entraîné des mutilations
Dossier sériel concernant deux chirurgiens-dentistes responsables de mutilations dentaires et d’escroqueries
Dans cette affaire très médiatisée et déjà présentée dans le rapport 2022, la Cour d’appel confirme les condamnations prononcées.
Condamnation des deux chirurgiens-dentistes, père et fils, à respectivement 5 ans et 8 ans d’emprisonnement ferme et à une interdiction définitive d’exercer.
Les peines prononcées à l'encontre des professionnels de santé
Dans la totalité des affaires ayant donné lieu à une condamnation, des peines de prison (avec sursis) de 1 à 3 ans ont été prononcées. L’emprisonnement ferme (rarissime dans le domaine de la responsabilité médicale) des deux chirurgiens-dentistes coupables de mutilations dentaires et d’escroqueries a été confirmé cette année en appel.
Les interdictions définitives d’exercer sont des sanctions rarement retenues. Elles témoignent de l’extrême gravité des faits commis dans les affaires concernées.
Le montant des amendes a également atteint des niveaux importants cette année. A noter : un professionnel peut cumuler plusieurs sanctions pénales pour une même affaire. C'est ce qui explique que le total des condamnations soit supérieur au nombre de professionnels condamnés.
Emprisonnement avec sursis | 4 |
Emprisonnement ferme | 2 |
Amende | 3 |
Interdiction définitive d'exercer | 4 |