IOA : d’où vient cette mission ?
L’article D. 6124-18 du code de la santé publique dispose que "Lorsque l'activité de la structure des urgences ou de l'antenne de médecine d'urgence le justifie, l'équipe comprend en outre un infirmier assurant une fonction d'accueil et d'organisation de la prise en charge du patient".
Cette mission d’accueil et d’orientation peut être confiée à tout infirmier expérimenté ayant suivi une formation effectuée par un organisme agréé par les sociétés savantes de l’urgence. Une expérience d’au moins 6 mois (et idéalement 2 ans) dans un service d’urgences est recommandée.
L’IOA n’est donc pas, en soi, une spécialisation.
IOA : un rôle crucial d’orientation et de réorientation du patient
La SFMU (Société française de médecine d’urgence) a élaboré dès 2004 un référentiel, qu’elle a mis à jour en 2020, pour détailler les conditions d’exercice des IOA.
Sa mission principale consiste à accueillir individuellement chaque patient se présentant aux urgences et à évaluer son niveau de priorité pour une prise en charge médicale, en fonction de son état. En d’autres termes, il s’agit de repérer les urgences vitales et d’affecter à chaque patient les moyens et les délais de prise en charge les plus adaptés.
L’action de l’IOA peut consister à orienter le patient dans une filière de prise en charge aux urgences ou à le réorienter vers une autre structure de soins.
L’orientation du patient pour prise en charge aux urgences
Ce rôle d’évaluation et de priorisation est essentiel, en particulier dans un contexte de flux important qui peut amener un patient à attendre plusieurs heures avant d’être examiné par un médecin.
Pour remplir sa mission, l’IOA doit :
- Accueillir (non administrativement mais sur le plan du soin), évaluer et trier les patients arrivant aux urgences.
- Décider du lieu et de la filière de soin adaptés.
- Informer le patient et ses accompagnants sur l’organisation des soins, le fonctionnement des urgences, les délais d’attente prévisibles.
- Installer le patient dans une position en rapport avec ses besoins du fait de son état de santé : assis, couché sur brancard, avec une couverture, en position antalgique, etc.
- Le rassurer, ainsi que son entourage.
Au-delà de l’accueil individualisé de chaque patient, l’IOA est aussi chargé de la surveillance de la salle d’attente, afin de s’assurer que l’état des patients présents, déjà triés mais encore en attente de prise en charge, ne se dégrade pas.
Attention, si le délai de tri qui a été évalué à l’entrée est dépassé et que le patient n’a toujours pas été examiné par un médecin, l’IOA doit procéder à une réévaluation de l’état du patient.
Cette réévaluation ne nécessite pas forcément de reprendre les constantes.
La réorientation du patient pour prise en charge hors urgences
Le décret n°2023-1374 du 29 décembre 2023 relatif aux conditions d’implantation de l’activité de médecine d’urgence a consacré la possibilité de réorienter le patient qui s’est initialement présenté aux urgences vers la médecine de ville (cabinet libéral, maison médicale de garde, maison de santé pluriprofessionnelle, consultation spécialisée, etc.).
La DGOS a élaboré un guide sur la réorientation à l’entrée des urgences en juillet 2024, qui insiste sur le rôle de l’IOA à ce titre.
Pour en savoir plus consultez notre article "Réorienter le patient à l’entrée des urgences".
L’IOA peut désormais réorienter un patient, mais uniquement sur protocole médical :
- rédigé par le médecin responsable de la structure des urgences,
- validé par l’établissement,
- et mis à disposition dans le service.
Ce protocole doit indiquer très précisément les motifs possibles de réorientation et les critères médicaux à prendre en compte.
Attention, certains patients ne peuvent pas, par principe, être réorientés :
- Patients adressés aux urgences par un médecin.
- Patients avec des difficultés de compréhension.
- Patients avec problème de santé mentale aigu.
- Patients consultant en rapport avec des antécédents de maladie. chronique.
- Patient dans l’impossibilité de recourir à une alternative sanitaire.
L’IOA peut être amené, dans certains cas, à prendre rendez-vous pour le patient si le médecin traitant de celui-ci n’est pas disponible, afin de ne pas le laisser sans solution.
En cas de doute, l'IOA peut consulter le médecin des urgences.
La décision de réorientation doit évidemment être tracée dans le dossier médical.
Une compétence pour un bilan radiologique, issue d’un transfert de compétences
Par un arrêté du 29 novembre 2019, le ministre des Solidarités et de la Santé a autorisé sur tout le territoire national les IOA au service des urgences à poser l'indication et formuler la demande d'examen radiologique, en cas de traumatisme de membre.
L'arrêté pose un certain nombre de conditions :
- patient d’au moins 16 ans ayant donné son consentement pour ce mode de prise en charge, après avoir été informé du protocole ;
- traumatisme simple et isolé du membre supérieur ou du membre inférieur datant de moins de huit jours, et absence de réalisation de radiographie antérieure dans les huit jours pour le même motif ;
- des clichés standard doivent être possibles.
Les patients admis pour des traumatismes non mécaniques, tels que malaise, syncope ou épilepsie ayant provoqué une chute ne sont pas visés par le protocole ; il en est de même pour les femmes enceintes ou se déclarant pouvant l’être.
Grâce à quels outils l’IOA exerce-t-il sa mission ?
Pour évaluer le niveau d’urgence, l’IOA doit procéder à des constatations cliniques, seules à même de lui donner les informations nécessaires pour trier les patients.
Cette démarche se fait en plusieurs temps :
- Un interrogatoire du patient (ou des personnes qui l’accompagnent, le cas échéant) sur les raisons de sa venue, ses symptômes, ses antécédents médicaux et ses traitements en cours. Idéalement, cet interrogatoire doit être réalisé dans les 10 minutes de l’arrivée aux urgences, ce qui implique que, au-delà d’un certain nombre de passages, l’IOA ne soit affecté qu’à cette tâche, à l’exclusion de toute autre.
- Une observation du patient en se focalisant sur les trois fonctions vitales cardio-respiratoire, respiratoire et neurologique.
- La prise de certains paramètres vitaux (pression artérielle, fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, saturation, glycémie capillaire, température, évaluation de la douleur…).
Une fois ces éléments réunis, l’IOA utilise une grille de tri, validée par les sociétés savantes, qui lui permet d’identifier les besoins en soins du patient.
Attention, l’infirmier ne pose pas de diagnostic. C’est le médecin qui le fera, une fois le patient examiné.
Puis il applique des protocoles de prise en charge, validés dans le service.
Quelle responsabilité pour l’IOA ?
Au regard de ses missions, l’IOA est susceptible d’engager sa responsabilité en cas de faute dans le processus de triage. Excepté au pénal et sur le plan disciplinaire, où la responsabilité est toujours personnelle, c’est l’établissement employeur qui sera civilement responsable à l’égard du patient.
Erreur de triage
Le principal risque pour l’IOA de voir sa responsabilité engagée repose sur l’erreur de triage, consistant généralement en une sous-évaluation du degré véritable d’urgence.
Le contentieux en la matière est peu abondant, mais on peut cependant citer l’exemple d’un arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles (4e Chambre, Arrêt nº 20VE01883 du 16 mai 2023, Requête nº 230754).
Un patient âgé est amené aux urgences par le SAMU après avoir été victime de deux malaises successifs à son domicile.
Malgré les informations données par le SAMU sur une tension et un taux d'hémoglobine bas dans un contexte connu de néoplastie colique, et malgré les antécédents de deux malaises, l’IOA examine le patient sans relever de signe d’alerte et le place en zone d’attente couchée. Il n’est vu par un médecin qu’au bout de près de trois heures. La prise en charge qui suit, non conforme aux règles de l’art, conduit au décès du patient à la suite d’une occlusion survenant sur un tableau d'hypovolémie.
Selon le juge administratif, "indépendamment du suivi infirmier minimal et des examens médicaux pratiqués, cette absence d'exploitation et de transmission en interne d'informations connues et décisives quant à l'état de santé du patient, qui a empêché la mise en œuvre d'une surveillance et de soins adaptés à l'état de santé dégradé de M. L C, constitue une faute dans le fonctionnement du service".
Le service des urgences a ainsi pris en charge le patient dans des délais incompatibles avec son état, ne permettant pas, notamment, d’envisager une transfusion sanguine dès l'admission.
Attention, au stade du triage, à ne pas être influencé par des critères non médicaux (en l’occurrence sociaux) qui peuvent s’avérer trompeurs.
Lire sur ce sujet "La fabrique des inégalités aux urgences. Entre contraintes organisationnelles et pratiques discriminantes chez les IAO".
Absence de surveillance ou de réévaluation d’un patient déjà "trié"
Tant qu’ils n’ont pas été vus par le médecin, les patients sont sous la responsabilité de l’IOA (ou des infirmiers s’ils ont été installés en box).
Un patient déjà évalué mais toujours en salle d’attente doit être surveillé pour détecter une éventuelle dégradation de son état. La responsabilité de l’IAO pourrait se trouver engagée pour ne pas l’avoir fait ou pour ne pas avoir réévalué l’état du patient, une fois le délai estimé de prise en charge dépassé.
Prescription inadaptée d’un bilan radiologique en cas de traumatisme de membre
L’IOA peut engager sa responsabilité dans la prescription du bilan radiologique qu’il est autorisé à faire en cas de traumatisme de membre, s’il ne respecte pas les conditions et indications posées par l’arrêté du 29 novembre 2019 précité : par exemple, si le patient a moins de 16 ans ou si le traumatisme est consécutif à un malaise.
Crédit photo : TREMELET / IMAGE POINT FR / BSIP