Quelle réglementation ?
Si la pratique du piercing labial existe depuis longtemps et est devenue une véritable mode chez les jeunes, elle a conduit à la multiplication d’un grand nombre d’officines tenues par des "non médecins", dont les usages sont parfois contraires aux principes de salubrité publique.
Le tatouage dentaire ou tatooth (contraction de tatouage et de tooth) est une tendance plus récente venue des États-Unis et d’Asie, qui se répand de plus en plus en France. Par cette technique, les personnes souhaitent se singulariser en arborant sur une dent un dessin, dans la recherche d’un certain esthétisme.
En tout état de cause, ces pratiques sont strictement réglementées et le praticien doit faire preuve d’une grande prudence lors de la prise en charge de ces patients.
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Le décret n° 2008-149 du 19 février 2008 a inséré dans le Code de la santé publique les dispositions qui règlementent la mise en œuvre des techniques de tatouage par effraction cutanée, y compris de maquillage permanent et de piercing corporel. Il fixe les conditions d'hygiène et de sécurité pour les officines de piercing et de tatouage, mais également les dispositions en matière d'information des consommateurs.
Le tatouage dentaire
Le chirurgien-dentiste peut-être sollicité par un patient pour concourir à la réalisation d’un tatouage mais il doit se montrer prudent car, comme pour les bijoux dentaires, une telle pratique n’a aucune finalité thérapeutique.
En quoi consiste cette pratique ?
Le tatouage dentaire ne correspond pas à la définition stricte du tatouage : marque, inscription, dessin indélébiles pratiqués sur la peau à l’aide de piqûres, de colorants" car les tatouages dentaires sont, soit dessinés sur les couronnes prothétiques, soit collés ou dessinés sur l’émail.
On en distingue donc deux grandes catégories :
- Les tatouages temporaires qui ont une durée de vie de quelques semaines à quelques mois, collés sur la dent à l’aide d’un adhésif dentaire. Il peut s’agir de décalcomanies ou de dessins réalisés par un laboratoire après prise de l’empreinte dentaire. Ils peuvent être également peints et sont alors réalisés par un spécialiste qui, à l’aide d’une peinture spéciale, réalise le dessin choisi par le patient.
- Les tatouages définitifs qui nécessitent la fabrication d’une couronne prothétique par un laboratoire de prothèses. Le dessin est directement fait sur la surface de la céramique à l’aide de maquillants intensifs (Stains).
Dans quelle mesure les chirurgiens-dentistes peuvent-ils être sollicités ?
- En cas de tatouage peint, le chirurgien-dentiste n’intervient pas car toute l’opération se réalise auprès d’un spécialiste "professionnel du tatouage".
- Le recours à un chirurgien-dentiste est davantage possible en cas de tatouage collé. Lorsque le client cherche un tatouage personnalisé, adapté à la taille et à la morphologie de sa dent, il peut s’adresser à un chirurgien-dentiste pour la réalisation d’une empreinte dentaire qui sera adressée au laboratoire qui fabriquera le tatouage. Le chirurgien-dentiste peut être sollicité par la suite pour effectuer la pose du tatouage, à l’aide d’un adhésif dentaire.
- Quant au tatouage définitif, l’intervention d’un chirurgien-dentiste est indispensable puisque c’est la pose ou le remplacement d’une couronne prothétique qui permettra d’y apposer le tatouage. Bien que le tatouage soit réalisé par un laboratoire de prothèses, c’est le chirurgien-dentiste qui effectuera la prise d’empreinte et la pose.
Y-a-t-il des risques spécifiques ?
Pour les tatouages collés ou peints, bien que temporaires, certains risques sont à signaler tels que :
- l’accumulation de plaque dentaire au niveau de la dent concernée,
- une possible lésion interne de la lèvre par frottement avec le tatouage,
- un émail abîmé au niveau du lieu de collage,
- la présence de résidus de colle sur la dent une fois le tatouage enlevé.
Quant au tatouage définitif, ce sont les risques habituels liés à la pose d’une couronne prothétique.
Quel comportement adopter face à une demande de tatouage dentaire ?
Ces pratiques, qui n’ont aucune vocation thérapeutique, ne doivent pas être proposées par le chirurgien-dentiste lui-même à sa patientèle. Mais quel comportement adopter face à une demande d’un patient ?
En tout état de cause, cette pratique exige du professionnel de santé une grande prudence.
Si le patient sollicite l’aide d’un praticien pour le collage d’un tatouage dentaire, le chirurgien-dentiste pourra refuser cette demande en raison de l’absence de finalité thérapeutique. Il en profitera pour signaler les risques liés à la réalisation d’un tel tatouage, même s’il n’est que temporaire et non invasif.
L’article L. 4141-1 du Code de la santé publique dispose que : "La pratique de l'art dentaire comporte la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies congénitales ou acquises, réelles ou supposées, de la bouche, des dents, des maxillaires et des tissus attenants, dans le respect des modalités fixées par le code de déontologie de la profession […]".
La situation est plus complexe en cas de souhait de tatouage définitif par un patient si à l'origine, il y a une indication thérapeutique justifiant de réaliser une couronne prothétique ou de la remplacer une restauration existante. Le tatouage dentaire vient alors se surajouter aux soins. C’est le prothésiste dentaire qui réalisera le tatouage.
En tout état de cause, le chirurgien-dentiste doit avoir conscience qu’accéder à une telle demande n’est pas dénué de risques :
- Il n’est pas à l’abri, une fois la couronne posée, que le patient souhaite par la suite la suppression de son tatouage. Dans ce cas, il sera dans l’obligation de déposer la couronne prothétique alors même qu’aucune nécessité médicale ne l’exige. Certes, la couronne n’aura pas nécessairement à être refaite, le tatouage pouvant être supprimé par abrasion de la surface et réalisation d’un nouveau glaçage. Mais les suites possibles du descellement et la nouvelle pose seront néanmoins de l’entière responsabilité du praticien, alors même qu’il ne s’agit pas d’actes anodins.
- Dans l’hypothèse d’un dommage au niveau de la couronne prothétique (par exemple, bris cosmétique vestibulaire) et indépendamment du moindre manquement technique du praticien qui a respecté son obligation de moyens, le patient devra mettre en cause le laboratoire de prothèse, fabricant du dispositif sur mesure. Celui-ci est soumis à une obligation de résultat, alors même que le praticien aura accédé à une exigence non thérapeutique du patient, en validant la conception d’une couronne avec tatouage définitif.
À retenir
- Si la réalisation d’une couronne prothétique n’est pas indiquée médicalement, le chirurgien-dentiste, doit refuser catégoriquement de concevoir une restauration d’un tatouage définitif, cette pratique étant en-dehors de son exercice légal.
- Les tatouages dentaires qui n’ont aucune finalité thérapeutique, ne peuvent pas être considérés comme des actes esthétiques recevables au titre d’une amélioration de l’aspect et ne sont donc pas couverts par le contrat responsabilité civile professionnelle en cas de dommages causés au patient.
Le piercing labial
La pratique du piercing labial n'est pas dénuée de risques, ce qu'ignorent la plupart des patients qui n'ont pas conscience des complications dont ils peuvent être victimes, telles que les hépatites, le tétanos, la contamination au VIH, le staphylocoque doré.
Il peut aussi se produire des pathologies dentaires spécifiques telles que les fêlures, les fractures dentaires, les récessions gingivales, les œdèmes et les hémorragies, etc.
Quelle conduite tenir dans ce cas ?
- Les chirurgiens-dentistes qui reçoivent dans le cadre d’une consultation des patients porteurs d’un piercing labial doivent être particulièrement vigilants. Ils doivent faire prendre conscience des complications potentielles liées au piercing mais également les inciter à soigner plus particulièrement leur hygiène buccale.
- Les praticiens doivent renforcer leur rôle de prévention et d'information vis-à-vis de leurs patients et être particulièrement vigilants s’il s’agit de mineurs car les piercings ne peuvent être effectués sur une personne mineure sans le consentement écrit de la personne titulaire de l’autorité parentale ou de son tuteur...