Un acte d'implantologie dentaire non conforme réalisé par un confrère
Une patiente présentant une agénésie congénitale de deux prémolaires consulte son praticien le Dr B qui décide de la mise en place d’un traitement implantaire.
Une reconstruction osseuse étant toutefois nécessaire, la patiente est orientée vers un autre praticien, le Dr S, qui réalise un comblement osseux sous-sinusien droit avant la pose, par son confrère, de deux implants en sites 15 et 25.
Un an après, lors d’une visite de contrôle, le Dr B dépose l’implant en site 15 qui présente un problème d’ancrage. Il constate par ailleurs que le second est trop long et mal positionné et propose à sa patiente la pose gracieuse d’un nouvel implant, ce qu’elle refuse.
La patiente décide de mettre fin au traitement et conteste la prise en charge des deux praticiens qu’elle assigne en référé expertise devant la juridiction civile.
Avis de l'expert : une responsabilité partagée
L’expert judiciaire considère que la responsabilité des deux praticiens est engagée :
S’agissant de l’implant 25, le Dr B n’a pas fait un choix adapté à la crête osseuse de la patiente sur ce site. Quant au Dr S, il a commis une imprudence car, étant le plus expérimenté, il "aurait dû identifier la difficulté de la situation en 25 et mettre en garde le Dr B".
S’agissant de l’implant 15, sa position extérieure par rapport au centre de la crête osseuse, ou l’absence d’enfouissement, peut, sans être la cause directe de l’absence d’ostéo-intégration, avoir contribué à sa perte.
Au regard de ces éléments, l’expert estime qu’il y a un partage de responsabilité entre les deux praticiens : le Dr B engage sa responsabilité à hauteur de 80 % et le Dr S à hauteur de 20 %.
La décision de justice : des fautes techniques sur le plan de l'implantologie
Le tribunal de grande instance de Paris rejette la demande de la patiente qui soulevait un défaut d’information.
Après avoir rappelé que la preuve de l’information délivrée peut être rapportée par tous moyens en l’absence d’écrit, les magistrats notent un certain nombre d’éléments attestant que la patiente, secrétaire médicale, a obtenu toute l’information nécessaire et a pu poser toutes les questions qu’elle souhaitait : des consultations multiples et espacées dans le temps permettant la réflexion, le partenariat des deux praticiens dans la prise en charge, la disponibilité du Dr B, les étapes chiffrées du traitement…
S’agissant de la prise en charge, le tribunal s’appuie sur le rapport d’expertise pour reconnaître que des fautes techniques ont été commises lors de la mise en place du traitement implantaire.
L’implant choisi en 25 était trop long et l’utilisation d’un ostéotome aurait dû être préférée. Cependant, l’implant est aujourd’hui parfaitement ostéo-intégré, bien que dans un contexte intra sinusien sans os. La patiente ne peut donc se plaindre d’un préjudice certain relatif à la pérennité de l’implant dès lors que l’expert n’envisage qu’un problème éventuel sur le "très long terme".
L’expert impute la perte de l’implant 15 à un manque de prudence lié à l’absence d’enfouissement. Si, sur ce point, la responsabilité du praticien est engagée, seuls les préjudices en lien direct avec cette faute doivent être indemnisés c’est-à-dire la perte de cet implant.
Le tribunal reprend les conclusions de l’expert qui retient la responsabilité des deux praticiens :
- à hauteur de 80 % pour le Dr B car il était à l’origine du traitement et de la prise en charge générale de la patiente ;
- à hauteur de 20 % pour le Dr S "plus expérimenté" qui aurait du "conseiller son confrère sur les bonnes pratiques".
Que retenir de cette affaire ?
En principe, chaque professionnel de santé exerce en toute indépendance et est responsable de ses propres actes.
Même en cas de prise en charge commune, le comportement et l’acte de chaque praticien sont appréciés individuellement mais ce principe peut être ajusté par la jurisprudence selon les circonstances, et notamment selon l’expérience des praticiens mis en cause, comme nous le montre cette décision de justice.
En l’occurrence, dans le cadre de la prise en charge conjointe de la patiente, il a été identifié un praticien "plus expérimenté" que l’autre qui, selon les juges, devait conseiller son confrère sur les règles de bonnes pratiques.
Celui-ci, aurait dû, repérer les erreurs commises par son confrère et l’alerter de la situation.
Or, en restant passif, et en acceptant d’effectuer les soins, en l’état, celui-ci a contribué aux préjudices subis par la patiente et engage donc sa responsabilité à ce titre.
Il s’agit toutefois d’une décision isolée.