Qu'est-ce que le Smile Design ?
Les méthodes de projet esthétique du sourire (Smile Design, en anglais) permettent une prévisualisation du sourire, dont la plus connue est le Digital Smile Design (DSD).
L’objectif est d’inclure le contexte facial du sourire au repos et en mouvement dans l’analyse diagnostique esthétique, puis dans la réalisation thérapeutique.
Pour ce faire, la relation entre les dents, les gencives, les lèvres et le visage soumis aux jeux musculaires doit être précisément étudiée.
Première précaution : fixer l’état antérieur du patient
L’utilisation de la technique du Smile Design nécessite la prise de clichés photographiques (extra et intra-orales).
Par ailleurs, la réalisation et la conservation de clichés radiographiques préopératoires et de modèles d’étude (physiques ou numériques) restent des éléments indispensables au diagnostic.
Il est également important de consigner dans le dossier médical la demande esthétique exacte du patient et sa motivation au stade pré-prothétique, afin de définir le traitement correspondant à son niveau d’exigence : écoute et dialogue sont les clés de la réussite.
Deuxième précaution : respecter l’obligation de moyens
Le chirurgien-dentiste est tenu, non pas à une obligation de résultat, mais uniquement à une obligation de moyens : il doit mettre tout en œuvre pour tenter de parvenir à une situation satisfaisante sans que la non-obtention du résultat espéré suffise à engager sa responsabilité. Cependant, s'agissant ici de pure esthétique, cette obligation de moyens est renforcée.
Cette obligation de moyens est applicable aux soins prothétiques, ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation (cf. Cass. 1re civ 31 octobre 2012, n° 11-21.633 ; Cass. 1re civ 20 mars 2013, n°12-12300).
Réalisation et validation du wax-up
A partir du Digital Smile Design, un wax-up est réalisé.
Après validation du wax up, le mock-up (ou masque) est élaboré.
A ce stade, la situation initiale n’a toujours pas été modifiée : la mise en place du mock-up permet de procéder à une analyse critique avec le patient et de s’assurer de son accord sur le projet.
Cette étape aide à définir et comprendre les attentes esthétiques des patients et à les confronter aux possibilités techniques.
C’est à ce niveau qu’intervient le rôle de sachant du chirurgien-dentiste : possibilité de ne pas accéder à la demande du patient si cette dernière est en inadéquation avec les recommandations de bonnes pratiques et/ou les possibilités techniques de son cas clinique.
Mise en œuvre du traitement proposé
Après validation de cette première étape par le patient, qui doit être consignée dans le dossier médical, le chirurgien-dentiste peut débuter le traitement proposé.
Il y aura une phase prothétique provisoire, et au fil des étapes il faudra veiller à ce que le patient soit impliqué et coopère, en validant la teinte, la forme, la position.
Le Digital Smile Design initial peut être amené à être refait en cours de traitement mais il ne remplace pas le mock-up en bouche : c’est un outil supplémentaire mais insuffisant s’il n’est pas intégré dans une démarche globale ou réactualisé au fil du traitement.
Communication entre les intervenants à la prise en charge
Les traitements à visée esthétique sont le plus souvent pluridisciplinaires.
L’absence de communication entre les différents intervenants est un reproche fréquent fait aux praticiens mis en cause en cas de litige.
L’outil numérique Smile Design présente l’avantage de partager avec les différents intervenants d’un traitement pluridisciplinaire (par exemple, praticien réalisant la prothèse, praticien réalisant la pose des implants et la parodontie, orthodontiste) un prototype du projet esthétique in vivo (ou Test Drive). Il permet aux différents acteurs du traitement de planifier en amont le traitement pluridisciplinaire.
Les étapes du wax-up et du mock-up sont donc incontournables avant la mise en œuvre de la phase active du traitement et participent au respect de l’obligation de moyens du praticien dans la réalisation d’une réhabilitation prothétique.
Le Smile Design n’est qu’une aide dans l’approche diagnostique. La réalisation de modèles d’étude, wax-up, mock-up, restent les prérequis à un plan de traitement de réhabilitation prothétique.
Troisième précaution : respecter le devoir d’information
En cas de litige, les reproches du patient portent le plus souvent sur les points suivants :
- on ne lui a pas tout expliqué,
- on ne lui a pas proposé de solutions alternatives,
- on ne lui a jamais évoqué les risques les plus graves et les plus fréquents ou les complications potentielles spécifiques en fonction de la situation et des actes réalisés.
Le DSD, un outil précieux de prévisualisation
L’outil permet de proposer les différentes options de traitements possibles et d’éclairer le patient sur celles-ci. En effet, grâce au DSD, la simulation illustre de façon concrète les différentes solutions du projet thérapeutique pour le patient, qui peut alors mieux comprendre chaque option et son retentissement esthétique.
Cela augmente sa compréhension du traitement proposé et son implication, il peut donner son avis et vérifier si le projet prothétique coïncide avec ses attentes : "Le DSD facilite l’acceptation du patient en l’aidant à visualiser et à comprendre les traitements futurs"1. Ainsi, la communication patient/praticien se voit améliorée. Le patient peut se projeter pleinement dans son ou ses projets prothétiques en prévisualisant le résultat envisagé.
Le Digital Smile Design est un outil de communication indéniable avec le patient sur les alternatives thérapeutiques et sur le projet prothétique ou orthodontique réalisable à partir de sa situation clinique initiale.
Il permet l’éclairage, la compréhension et l’implication du patient dans son plan de traitement. C’est un outil d’échanges entre praticiens dans le cadre d’une prise en charge pluridisciplinaire et un outil d’échanges avec le laboratoire de prothèse.
Les autres critères du respect du devoir d’information
Néanmoins, l’utilisation du DSD ne suffit pas.
En cas expertise, la qualité de l’information délivrée pourra être démontrée, non par un seul élément mais par l’existence d’un faisceau de présomptions comprenant :
- La multiplicité des rendez-vous avant le début "actif" du traitement consistant en :
- des rendez-vous d’explications et d’écoute du patient : le colloque singulier a tout son sens en dentisterie esthétique ;
- la validation des prothèses provisoires ou mock-up.
- La mention écrite sur la fiche clinique du plan de traitement et de sa chronologie.
- Un consentement éclairé signé spécifique2.
- L’établissement d’un devis dans le respect des codifications CCAM : les actes à visée purement esthétique n’étant pas pris en charge.
- Le respect du délai de réflexion de 15 jours entre le premier rendez-vous et le début du traitement.
A retenir
- Les techniques de prévisualisation du sourire ou conception numérique du sourire se sont démocratisées et représentent aujourd’hui une étape préalable avérée dans la chaîne de réalisation du projet esthétique.
- Elles apparaissent aujourd’hui comme des outils diagnostiques d’aide au plan de traitement dans les cas aux forts enjeux esthétiques.
- Néanmoins, la seule vérité esthétique et fonctionnelle demeure la réalisation d’un examen clinique minutieux, de modèles d’études, d’un wax up et d’un mock up. L’outil virtuel reste une aide au travail en amont, un support personnalisé pour communiquer avec son patient et interagir avec ce dernier, un outil de communication avec le prothésiste de laboratoire et les membres de l’ équipe pluridisciplinaire.
- Il faut être vigilant quant au projet qui est présenté au patient, si le résultat final n’est pas à la hauteur : le patient pourrait prétendre à tort qu’il n’a pas eu le résultat escompté.
Bibliographie
G. Finelle, N.Lehmann, C.Coachman - "Technique de prévisualisation du sourire dans la réhabilitation implantaire du secteur antérieur" - Société Odontologique de Paris.
C. Coachman, et M. Calamita - "Digital Smile Design : a tool for treatment planning and communication in esthetic dentistry". Dentistry today 26, no 5 (2007) : 100, 102, 104–5.
C. Coachman, M. Calamita et N. Sesma - "Dynamic Documentation of the Smile and the 2D/3D Digital Smile Design process" - The international journal of periodontics & restorative dentistry 37, no 2 (2017) : 183 93.
CTW. Meereis, GBF. de Souza, LGB Albino, FA. Ogliari, E. Piva et GS. Lima - "Digital Smile Design for computer-assisted esthetic rehabilitation : two-year follow-up". Operative dentistry 41, no 1 (2016) : E13–E22.
C. Gaillard, C. Riera, le fil dentaire 21/11/2016 - P. Missika, P. Pommarede, P. Simonet. Recommandations de bonnes pratiques en odonto-stomatologie, librairie ID - "Le Smile Design : un outil pour la planification des traitements esthétiques et fonctionnels".