Survenance de lésions à l’occasion d’actes de cryolipolyse et de micro-needling
Au sein de centres de soins esthétiques créés par un médecin et gérés par une personne non médecin, plusieurs personnes ayant consulté pour des actes de cryolipolyse ou de micro-needling présentent le soir même des lésions cutanées sur les zones traitées.
Une plainte est déposée. Après enquête et investigations, le médecin est renvoyé devant le Tribunal correctionnel du chef de complicité de l’exercice illégal de la médecine, reproché à la gérante des Centres.
Le tribunal déclare le médecin coupable pour avoir dispensé des formations relatives aux actes de micro-needling et pour avoir fourni le matériel nécessaire pour les pratiquer. En revanche, il le relaxe pour les actes de cryolipolyse, estimant que cet acte à visée esthétique était sans risque de détérioration des tissus et ne pouvait être assimilé à un acte médical en l’espèce.
Le médecin, la partie civile et le Ministère public interjettent appel de la décision. La Cour d’appel réforme partiellement la décision de première instance.
La cryolipolyse à visée esthétique avec un appareil non bridé, acte exclusivement médical
La Cour d’appel, dans un arrêt du 10 mars 2022, infirme la décision du Tribunal correctionnel sur la relaxe concernant la cryolipolyse. Elle déclare le médecin coupable de complicité d’exercice illégal de la médecine.
Le médecin reconnait que l’appareil qu’il avait vendu à la gérante des centres de soins esthétiques était un appareil non bridé, réservé aux médecins.
La Cour conclut que le médecin, en vendant une machine de cryolipolyse non bridée, et en assurant une formation aux professionnels d’instituts d’esthétique, a permis à ces derniers de réaliser une cryothérapie réservée aux médecins selon l’article 4 de l’arrêté du 6 janvier 1962.
Le micro-needling avec un stylo micro-perforant, nouvelle technique exclusivement réservée aux médecins et aux auxiliaires médicaux
Le micro-needling est une technique qui consiste à réaliser, dans les différentes couches du derme, des micro-perforations à des profondeurs et vitesses variées, dont il peut résulter des saignements.
Les plaquettes publicitaires des centres esthétiques précisaient que la perforation répétée pouvait atteindre jusqu’à 3 mm, ce qui engendrait nécessairement une action abrasive de la peau.
Les brûlures constatées par l’expert judiciaire sur le visage et les déclarations des victimes et de la gérante des Centres sur les phénomènes d’après séance témoignent de l’effet abrasif du stylo électrique micro-perforant utilisé pour le micro-needling.
Rappelons que l’acte médical, au sens du 6° de l’article 2 de l’arrêté du 6 janvier 1962, est un acte effectué avec un matériel qui est destiné à une abrasion.
La Cour en déduit que cette nouvelle technique entre dans les prévisions de l’arrêté du 6 janvier 1962, même si elle n’est pas expressément nommée.
Elle conclut que le médecin, par ses actions de formation et la vente de stylos perforants dont l’usage relevait d’actes réservés aux médecins, puis par l’apport de son expertise de médecin pour le suivi des clientes, a commis le délit de complicité d’exercice illégal de la médecine dans un but commercial.
Une lourde condamnation pour le médecin qui se voit condamné à 30 000 euros d’amende, et cinq ans d’interdiction professionnelle.
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Une jurisprudence qui vient préciser l’arrêté du 6 janvier 1962
Pour sa défense, le médecin a soutenu devant la Cour de cassation que seuls les actes à visée curative (et non simplement les actes à visée esthétique) pouvaient être qualifiés d’actes médicaux. Il estimait donc que la Cour d’appel avait violé l’article L. 4161-1 du code de la santé publique et l’article 2 de l’arrêté du 6 janvier 1962.
Pour rappel
L’article 2 de l’arrêté du 6 janvier 1962 fixe la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ou pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par des directeurs de laboratoire d’analyse médicales non médecins.
La Cour de cassation retient que la Cour d’appel a justifié sa décision en considérant le médecin comme complice :
- d’actes de physiothérapie et d’actes d’abrasion instrumentale à l’aide d’un matériel susceptible de provoquer l’effusion de sang,
- effectués par des personnes non médecins,
- aboutissant à la destruction des téguments,
- et entrant, comme tels, dans les prévisions dudit arrêté, peu important que ces actes n’aient poursuivi qu’un objectif esthétique
Ainsi, la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 31 janvier 2023, rejette le pourvoi formé par le médecin.
Ce qu'il faut retenir de cette décision
La cryolipolyse réalisée par une machine non bridée ainsi que le micro-needling avec stylo micro-perforant constituent des actes médicaux.