Un décret très attendu
La réglementation en matière d’épilation à la lumière pulsée ou au laser reposait jusqu’à présent sur l’article 2 de l’arrêté du 6 janvier 1962 fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être réalisés que par des médecins.
Cet article indiquait dans son 5° que constitue un acte médical "tout mode d’épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire". Ainsi, a contrario, tout mode d’épilation autre que la pince ou la cire était donc exclu pour les non-médecins.
Jusqu’en 2019 : refus d’abrogation de l’article 2, 5° de l’arrêté de 1962
En application de cet arrêté, la position dominante de la Cour de cassation en matière pénale a longtemps consisté à retenir un exercice illégal de la médecine pour les non-médecins qui pratiquaient l’épilation au laser ou à la lumière pulsée (esthéticiens, infirmiers, kinésithérapeutes, etc.).
Quant au Conseil d’État, il a longtemps considéré que la réglementation en vigueur, bien qu’ancienne, était suffisante et ne justifiait pas de modification.
En 2019 : revirement du Conseil d’État
Le Conseil d’État a inversé sa position par un arrêt du 8 novembre 2019 en concluant à la nécessité d’abroger le texte, car les restrictions qu’il apporte à la libre prestation de services, au nom de la protection de la santé publique (ici, éviter les brûlures ou les réactions inflammatoires) ne sont pas proportionnées à l’objectif poursuivi.
En effet, le Conseil d’État a pris en compte le fait que les appareils à lumière pulsée sont commercialisés auprès du grand public sans restriction de vente. Rien ne s’oppose donc à leur manipulation par des non-médecins, dès lors qu’il est possible de prendre des mesures adaptées pour protéger la santé publique : examen préalable des personnes par un médecin, formation des utilisateurs, etc.
Le Conseil d’État a donc fait obligation aux autorités compétentes d’abroger cette partie de l’article 2 de l’arrêté de 1962, dans un délai raisonnable.
La Cour de cassation est, logiquement, revenue elle aussi sur sa jurisprudence antérieure dès 2020. Elle a considéré que les personnes non médecins pratiquant l’épilation à la lumière pulsée ne pouvaient être légalement condamnées pour exercice illégal de la médecine.
Il aura cependant fallu attendre un arrêté du 24 mai 2024 pour que l’abrogation du 5° de l’article 2 de l’arrêté de 1962 soit effective, après que l’État a été condamné au versement d’une astreinte d’un montant total de 95 100 € par décision du Conseil d’État du 5 avril 2024.
Le décret n° 2024-470 du 24 mai 2024 fixe le nouveau cadre de pratique de l’épilation à la lumière pulsée et au laser non thérapeutique.
Qui peut désormais pratiquer l'épilation à la lumière pulsée ou au laser non thérapeutique
L’usage des appareils à la lumière pulsée ou du laser non thérapeutique pour pratiquer des actes d’épilation n’est autorisé que pour 3 catégories de personnes qui sont :
- Les médecins
- Les infirmiers diplômés d’État
- Les personnes qualifiées professionnellement, ou sous le contrôle effectif et permanent de telles personnes, pour les soins esthétiques à la personne autres que médicaux et paramédicaux.
C’en est donc fini du monopole médical pour ces actes d’épilation.
Quelle est la formation requise pour les professionnels autorisés ?
Les infirmiers et les personnes qualifiées pour les soins esthétiques doivent impérativement avoir suivi une formation, destinée à garantir les meilleures conditions possibles de sécurité pour les consommateurs. Ses modalités (fréquence, contenu, etc.) sont fixées par un arrêté du 19 février 2025.
Les attestations de formation en cours de validité doivent être affichées de façon lisible pour la clientèle.
Lors de l’acquisition et de l’installation du matériel, les professionnels autorisés doivent bénéficier d’une démonstration par le distributeur ou le fabricant et d’une manipulation, dont ils doivent pouvoir justifier auprès des agents chargés du contrôle.
Il leur est remis une notice d'utilisation dont une copie doit être remise à l'ensemble des professionnels appelés à utiliser l'appareil.
Quelles obligations d’information vis-à-vis des consommateurs ?
Pour sécuriser au maximum l’acte d’épilation à la lumière pulsée ou au laser non thérapeutique, le décret prévoit plusieurs obligations.
La fiche d’information à faire signer au client
Cette fiche, remise au consommateur au plus tard avant le premier acte d’épilation, doit mentionner :
- Les catégories de consommateurs exclues de l’utilisation du dispositif ou qui nécessitent des conditions particulières d’utilisation.
- La description des performances attendues du dispositif.
- La description des risques, de manière claire et aisément compréhensible, pour que le consommateur puisse donner un consentement éclairé.
- Le fait que les professionnels ont reçu une formation appropriée sur les conditions d'utilisation en toute sécurité du dispositif.
- La recommandation de se soumettre à une consultation médicale comprenant un examen diagnostique des zones de peau à traiter avant toute première prestation d'épilation à la lumière pulsée intense ou au laser.
- Les contre-indications d'une épilation à la lumière pulsée intense ou au laser et la recommandation aux consommateurs de solliciter l'avis de leur médecin en cas de doute sur la survenue d'une contre-indication au cours d'une prestation d'épilation.
- L'obligation de porter une protection oculaire appropriée pendant la séance.
- Le moment et la manière de signaler les effets secondaires indésirables éventuels.
L’avertissement à afficher publiquement
L’avertissement doit être affiché dès la mise en service de l’appareil.
Il doit mentionner plus ou moins les mêmes éléments que la fiche remise à chaque consommateur :
- Risques pour la santé.
- Contre-indications.
- Recommandation aux consommateurs de solliciter l'avis de leur médecin, avant toute première prestation d'épilation et au cours d'une prestation d'épilation, en cas de doute sur la survenue d'une contre-indication.
- Recommandations d'utilisation et l'obligation d'une protection oculaire pour les consommateurs, filtrant efficacement la ou les longueurs d'ondes utilisées.
- Recommandation au consommateur de déclarer tout événement indésirable survenu au cours ou postérieurement à un acte d'épilation.
Comment les contre-indications sont-elles vérifiées avant la 1re séance ?
Avant la programmation des séances, le professionnel a l’obligation de réaliser un examen de la peau et du phototype du client, afin de détecter d’éventuelles contre-indications.
Par la suite, avant la réalisation de chaque séance, une vérification de l'absence de signe évocateur d'une contre-indication est impérative. Le professionnel doit adapter le paramétrage de l'appareil d'épilation en fonction du phototype du consommateur.
Attention : pour les actes réalisés au laser à visée non thérapeutique, la preuve des vérifications effectuées doit être tracée dans un document dédié, nominatif et personnel à chaque consommateur. Ce document doit être tenu à la disposition des agents chargés du contrôle pendant 3 ans à compter de la dernière séance d'épilation.
Comment se déroulent les séances ?
Au cours des séances, le consommateur doit porter des lunettes spéciales assurant une protection appropriée des yeux en filtrant efficacement les longueurs d'ondes utilisées.
Comment les effets indésirables sont-ils tracés ?
Le professionnel doit, à l’issue de chaque séance, contrôler l'absence d'effet indésirable.
La connaissance de tout incident grave survenu au cours ou postérieurement à un acte d'épilation doit faire l’objet d’une déclaration :
- sur un site internet dédié,
- auprès du fabricant.
À retenir
Le monopole médical pour l’épilation à la lumière pulsée intense et au laser non thérapeutique a donc pris fin, à l’issue d’une longue évolution jurisprudentielle.
Mais attention : seules les catégories expressément visées par le texte (médecins, infirmiers et personnes exerçant dans le domaine de l’esthétique) peuvent pratiquer ce type d’acte, qui reste donc interdit pour toutes les autres.