Un décès lors d’une reprise d’ablation de fibrillation auriculaire
Il s’agit d’un patient de 59 ans ayant un antécédent d’une première ablation de fibrillation auriculaire (FA). En raison d’une rechute de FA très symptomatique, il sera revu par notre confrère rythmologue, lequel proposera une reprise d’ablation laissant un délai de réflexion de 2 mois. Un document d’information sera également remis au patient.
La procédure a montré qu'il y avait une reconnexion complète de la veine pulmonaire supérieure gauche, qui a été déconnectée par des tirs, complétée par une ligne de toit pour éviter que ne se produise un flutter gauche, puis enfin des tirs sur la partie basse du septum et sur le sinus coronaire.
Le patient a présenté un arrêt cardiaque avec plusieurs épisodes de fibrillation ventriculaire qui ont été choqués.
Devant l'apparition d'un sus-décalage inférieur, il sera réalisé une coronarographie en urgence qui met en évidence la présence de bulles d'air dans la coronaire droite, par vraisemblable embolie gazeuse.
L'analyse rétrospective du matériel va faire retenir une responsabilité des deux gaines qui étaient dans l'oreillette gauche et irriguées en permanence. Les poches de sérum physiologique semi-rigide, placées dans une manchette à pression, contenaient à la base une vingtaine de millilitres d'air qui sont passés en fin de perfusion.
Malgré une réanimation intensive et prolongée, le patient décédera le jour même.
La famille va alors saisir la Commission de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux (CCI).
Une expertise qui conclut à une embolie gazeuse fautive
L’indication d’ablation de cette fibrillation par radiofréquence était justifiée et le patient avait bénéficié d’une information complète sur les risques de cette intervention qu’il connaissait déjà.
La procédure interventionnelle n'a pas été conforme. Le patient a été victime d’une embolie gazeuse liée à l’injection accidentelle de 2 x 30 cc d’air par les gaines de cathétérisme transeptal. Il s’agit en l’espèce d’une complication fautive qui ne doit pas arriver au décours d’une telle intervention et qui pouvait être évitée en s’assurant de la purge parfaite des gaines placées dans l’oreillette gauche, conformément aux recommandations.
La réparation des préjudices incombe :
- aux deux rythmologues à hauteur de 60 %,
- à la clinique, employeur du personnel paramédical, à hauteur de 40 %.
L’embolie gazeuse, dans les coronaires et probablement dans d'autres territoires lors d'une procédure d'ablation de fibrillation auriculaire, est un accident exceptionnel.
Il rappelle l'impérieuse nécessité de toutes les mesures de prévention lors du cathétérisme de tous secteurs vasculaires, que ce soit en cardiologie interventionnelle, radiologie interventionnelle et rythmologie.
Chaque praticien doit veiller personnellement à toutes les mesures évitant la présence de bulles ou de thrombus dans les cathéters.
Cela passe par son action personnelle durant la procédure, comme une réflexion concernant le protocole de préparation du matériel par le personnel paramédical, ainsi que la surveillance des dispositifs en dehors de son champ de vision.
Concernant les procédures d'ablation de fibrillation auriculaire, il existe plusieurs méthodes de purge des gaines : seringue électrique, poche de perfusion sous pression avec ou sans piège à bulles.
Dans cette affaire, plusieurs dysfonctionnements ont participé à la survenue de la complication
1- Dans le protocole, les poches de sérum physiologique étaient initialement des poches souples, contenant très peu d'air.
En raison du manque temporaire de disponibilité de ces poches dans l’établissement, celles-ci ont été remplacées par des poches semi-rigides contenant une quantité d'air plus importante.
Devant cette constatation, le personnel paramédical aurait dû, avant de mettre ces poches semi-rigides sous pression, évacuer la quantité d'air présente dans la poche, tel que le recommande la bonne pratique infirmière : procédure de purge à l'envers pour chasser la totalité de l'air de la poche et remplir la chambre de compte-gouttes avec une poche retournée.
2- D'autre part, durant cette procédure qui a été un peu plus longue que la moyenne, le personnel paramédical aurait dû veiller à la vitesse d’écoulement dans la tubulure, ainsi qu’au niveau de remplissage des poches sous pression durant la procédure et idéalement changer la poche avant la fin de celle-ci.
Les rythmologues, concentrés sur la procédure interventionnelle (navigation, délivrance de tirs, surveillance de l'électrocardiogramme), ne peuvent pas matériellement veiller à cela, d'autant plus que les poches sont souvent situées derrière les champs.
Quels enseignements tirer de cette affaire ?
Ce cas clinique exceptionnel est l'occasion d'entamer une réflexion pour l'ensemble des équipes de cardiologie et radiologie vasculaire interventionnelle, concernant les protocoles de préparation du matériel et la surveillance.
Tout doit être mis en œuvre pour revisiter chaque étape du protocole.
S'il existe une carence d'un matériel, cela doit être l'occasion d'une concertation entre personnel paramédical et médecin pour définir la substitution par un autre procédé.
Il doit être envisagé également toutes les étapes de surveillance per procédurale.
Cette réflexion ne doit pas se limiter au service de rythmologie interventionnelle.
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La cardiologie interventionnelle, notamment sur les techniques de Rotablator, fermeture de CIA, FOP et auricules, peut être amenée à utiliser un système de purge avec poche sous pression.
Il doit en être de même dans le service de réanimation sur les cathéters artériels ou veineux centraux.
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Crédit photo : AJ PHOTO / BSIP