Des signes d’appel bien troubles
Une patiente de 72 ans consulte son médecin généraliste pour douleurs pharyngées, céphalées et troubles visuels. Elle est régulièrement suivie pour un un cancer du sein, un asthme pour lequel elle a un traitement de fond, une hypertension artérielle, une cataracte et des douleurs articulaires diffuses.
L’examen clinique est peu contributif. Le praticien s’oriente vers une rhinopharyngite infectieuse. Il prescrit un antibiotique à visée ORL et une corticothérapie usuelle à visée antalgique pour 6 jours (3 comprimés par jour de Solupred® 20 mg). Un bilan sanguin avec VS et CRP est prescrit.
Quinze jours plus tard, les symptômes persistent et la patiente est reçue par le médecin remplaçant. La biologie retrouve une VS augmentée et une CRP à 155. La corticothérapie est poursuivie à dose usuelle. 48 heures plus tard, la patiente revoit son médecin généraliste avec des plaintes plus précises : douleurs à l’ouverture de la mâchoire, décrite comme une striction. Devant ce tableau et les antécédents de la patiente, le médecin évoque des douleurs d’origine cervicale et dentaire, prescrit des radiographies du rachis cervical et un panoramique dentaire, qui seront peu contributifs. Les corticoïdes sont, en revanche, arrêtés.
Devant l’aggravation des symptômes et l’apparition d’une amputation du champ visuel, la patiente se présente aux urgences hospitalières où elle bénéficie d’un scanner cérébral normal.
Ce n’est que le lendemain que le diagnostic de maladie de Horton est posé par l’ophtalmologue hospitalier, confirmé par la biopsie de l’artère temporale. L’état de la patiente évolue vers une cécité totale bilatérale, malgré l’instauration d’un traitement par corticoïdes et d’un immunosuppresseur.
La patiente engage alors une procédure judiciaire à l’encontre de son médecin traitant, du médecin remplaçant et du centre hospitalier pour retard de prise en charge.
Au vu de la jurisprudence, il est probable que le médecin généraliste et les urgences hospitalières se partageront une part de responsabilité dans le retard de diagnostic.
En effet, dans le cas présent, tous les signes étaient rapidement réunis. Il aurait fallu évoquer le diagnostic dès le syndrome inflammatoire connu, devant la présence d’une céphalée inhabituelle chez une personne âgée, accompagnée de symptômes visuels d’apparition récente et d’une claudication de la mâchoire.
Agir vite sous peine de séquelles irréversibles
Cette histoire nous donne l’occasion de rappeler que l’artérite à cellules géantes, ou maladie de Horton, est une vascularite des gros troncs artériels. Elle atteint les sujets de plus de 50 ans mais survient surtout à partir de 70 ans. Elle touche les femmes dans les trois quarts des cas. Cette maladie inflammatoire vasculaire est localisée préférentiellement aux branches des artères carotides externes, aux artères ophtalmiques et leurs branches et aux artères vertébrales.
Cette particularité explique ses principales manifestations cliniques céphaliques. À court terme, l'artérite à cellules géantes est redoutée pour ses complications ophtalmologiques ischémiques qui peuvent entraîner une cécité définitive et une perte d'autonomie.
C'est pourquoi il est fondamental d'en faire le diagnostic dès les prodromes.
Maladie de Horton : comment en faire le diagnostic ?
Le diagnostic doit être suspecté cliniquement en présence de certaines manifestations fréquentes et très spécifiques de la maladie :
- céphalées inhabituelles,
- claudication de la mâchoire,
- anomalie clinique de l'artère temporale,
- symptômes visuels d'installation récente.
À l'opposé, un diagnostic de la maladie de Horton doit aussi être évoqué devant des manifestations peu spécifiques comme :
- une altération de l'état général,
- une fièvre prolongée,
- un syndrome inflammatoire biologique. Le syndrome inflammatoire est pratiquement constant et doit être recherché par un dosage de la CRP et un dosage du fibrinogène ou une mesure de la VS, qui permettront ensuite la surveillance de l'activité de la maladie sous traitement.
La confirmation diagnostique est apportée par une biopsie d'artère temporale ou par imagerie de l'artère temporale ou de l'aorte. La biopsie de l'artère temporale est l'examen de référence pour confirmer le diagnostic d'artérite à cellules géantes.
Maladie de Horton : quel traitement ?
L'évolution clinique et biologique est rapidement favorable sous corticothérapie générale, qui est le traitement spécifique de l'artérite à cellules géantes. Elle est instaurée à la dose de 0,7 mg/kg/jour de Prednisone orale.
En cas d'atteinte ophtalmologique, le traitement doit être débuté immédiatement par des perfusions de Méthylprednisolone ou par la Prednisone orale à 1 mg/kg/jour, en privilégiant la modalité qui permet d'initier le traitement le plus rapidement.
Par la suite, la corticothérapie est diminuée progressivement sous surveillance clinique et biologique, au mieux en alternant consultation avec le médecin généraliste et le médecin interniste ou rhumatologue ayant l’expertise de cette maladie. La décroissance se fera de façon très progressive pour envisager un arrêt au terme de 18 à 24 mois de traitement.
En cas d'intolérance absolue à la corticothérapie ou de difficultés de sevrage de la corticothérapie, la mise sous thérapie ciblée, en particulier par le Tocilizumab (AMM), ou sous immunosuppresseurs, notamment par le Méthotrexate (hors AMM), doit être discutée avec un médecin expert de l'artérite à cellules géantes.
Tout savoir sur la maladie de Horton : www.has-sante.fr (PNDS – Artérite à Cellules Géantes)