Des chiots nouveau-nés dévorés par leur mère
Une jeune chienne American Bully est inséminée début 2021 en vue de sa reproduction. Son accouchement est prévu par césarienne fin juin car la mise-bas pour ce type de race est souvent problématique.
La césarienne est pratiquée par le vétérinaire un jour plus tôt que prévu en raison de la perte des eaux de la chienne. Huit chiots sont extraits vivants et viables.
Trois heures après l’intervention, la chienne les tue malheureusement tous, après que les effets de l’anesthésie se sont estompés. Ce "cannibalisme maternel" est constaté alors même que les chiots se portaient bien cinq minutes auparavant.
Le propriétaire de l’animal formule une demande d’indemnisation à l’amiable auprès du vétérinaire, avant de saisir le tribunal compte tenu de l’échec des pourparlers.
Un défaut de surveillance imputable au vétérinaire
Dans cette affaire, le défaut de surveillance du vétérinaire n’est pas contesté et est constitutif d’un manquement susceptible d’engager sa responsabilité.
En effet, en vertu du contrat de soins formé entre le propriétaire de l’animal et le vétérinaire, les obligations du praticien s’étendent au-delà de l’intervention pratiquée. Elles comportent, outre le suivi postopératoire, la surveillance du réveil ainsi que les risques de complications postopératoires.
Dans les suites de la césarienne, le vétérinaire est à la fois dépositaire de la chienne césarisée et de sa portée. Il en est le gardien, sur lequel repose une présomption de responsabilité.
En l’espèce, le fait d’avoir laissé la chienne seule, sans surveillance, en présence de ses nouveau-nés, constitue une négligence fautive de la part du vétérinaire. Ce dernier n’a pas pris les mesures de surveillance et de séparation des animaux suffisantes pour empêcher l’accident.
Or, il lui appartenait de restituer au propriétaire ses animaux sains et saufs, conformément à l’obligation de sécurité lui incombant.
Une absence de préjudice de la perte de la portée d’un animal dont la reproduction est interdite
Si le tribunal a estimé que le défaut de surveillance du vétérinaire ne faisait aucun doute, il n’en a pas été de même concernant la question de l’existence légale des chiots décédés…
Les juges se sont en effet penchés sur leur statut juridique, afin de savoir si le propriétaire des animaux pouvait prétendre à la réparation d’un préjudice indemnisable.
La reproduction des American Bully est interdite en principe, sauf production d’un certificat de diagnose
Le propriétaire de la chienne prétendait que le décès des huit chiots l’avait empêché de se reconvertir en éleveur professionnel d’American Bully et sollicitait une indemnisation pour la perte de la portée et l’achat de chiots de substitution.
Or, la question était de savoir si la reproduction de la chienne American Bully à l’origine du cannibalisme puerpéral était autorisée au moment des faits litigieux.
Selon la règlementation en vigueur, la race American Bully est considérée comme étant de type molossoïde et rentre dans la 1re catégorie des chiens susceptibles d’être dangereux (art. L.211-11 et suivants du Code rural et de la pêche maritime).
Cette race n’est pas reconnue par la Société Centrale Canine (SCC), seule fédération agréée pour la tenue du livre généalogique canin français. La reproduction des chiens American Bully est donc en principe interdite.
Le propriétaire ne disposait pas du certificat de diagnose avant la mise bas
Il existe néanmoins une exception : l’établissement d’un certificat de diagnose morphologique par un vétérinaire agréé, permettant ainsi d’exclure l’animal de la 1re catégorie. La reproduction de l’animal "décatégorisé" est, dans ce cas, autorisée.
Dans cette affaire, le propriétaire de la chienne n’a pas été en mesure de produire, au cours des pourparlers, un certificat de diagnose établi au moment des faits litigieux.
Le certificat communiqué au cours de la procédure judiciaire a été rédigé a postériori, près de huit mois après la mise bas de sa chienne… Ainsi, au moment de la saillie, le propriétaire n’était pas légalement autorisé à faire reproduire son American Bully ni à céder à titre gratuit ou onéreux ses chiots, dépourvus de toute existence juridique.
Par conséquent, le propriétaire de la chienne ne peut légitimement prétendre à une indemnisation dès lors qu’au moment de la mise bas de ses chiots, la chienne ne disposait pas d’un certificat de diagnose excluant son appartenance à l’une des catégories de chiens interdits.
Ainsi, la portée de la chienne, antérieure à la date d’obtention du certificat de diagnose, est dénuée d’existence légale.
Il ne peut enfin être reproché au vétérinaire un quelconque manquement à son devoir d’information et de conseil dans la mesure où il n’est pas démontré que le vétérinaire a réalisé des actes relatifs à la gestation de la chienne et au suivi de la gestation, exceptée la césarienne pratiquée.
Pour conclure : une absence de responsabilité en présence de préjudices illicites
Ainsi, le tribunal a estimé que la responsabilité du vétérinaire ne pouvait être retenue en l’absence de préjudices juridiquement indemnisables.
Si le tribunal avait fait droit à la demande d’indemnisation du propriétaire de l’animal, cela serait revenu à indemniser des préjudices illicites. La situation illégale de la saillie de la chienne exclut toute condamnation du vétérinaire.
Le propriétaire de la chienne American Bully a donc été débouté de l’intégralité de ses demandes, malgré le défaut de surveillance de la chienne et de sa portée en postopératoire.
Cette décision est conforme à la jurisprudence établie en la matière.
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