Comprendre la mise en cause en pratique vétérinaire
Tout d'abord, il faut comprendre la nature de la mise en cause et vérifier qu'il s'agit bien de la responsabilité civile professionnelle (RCP) du vétérinaire.
Cela peut être explicite : le client parle clairement de responsabilité civile ou bien il invoque un préjudice matériel dont il demande réparation. Les mots "responsabilité", "responsable" sont employés ou bien ceux de "préjudice", de "dommage"… C’est bien ce type de responsabilité que visent généralement les éleveurs professionnels, ceux d’animaux de rente notamment.
Mais très souvent, la demande est confuse et porte à la fois sur la mise en cause de la responsabilité civile et de la responsabilité déontologique (dite également disciplinaire). De plus en plus souvent aussi, cette seconde catégorie de responsabilité est mise en avant, alors qu’à l’analyse on comprendra que c’est essentiellement la RCP qui est concernée. L’inverse est vrai de la même manière.
Les choses peuvent se compliquer encore et une action pénale à l'encontre du praticien peut être envisagée, c’est beaucoup plus rare de la part des particuliers. La responsabilité pénale risque le plus souvent d’être mise en cause par les autorités dans des cas de figure où la RCP est généralement moins souvent visée. Action pénale et action disciplinaire sont assez souvent conjointes dans ce cas.
Recentrons-nous sur une demande concernant la RCP, laquelle peut être du reste sciemment couplée à une plainte disciplinaire de la part du client. Couplée ou précédée. Le but espéré est de faire prospérer plus facilement auprès d’une juridiction civile la mise en cause de la RCP, afin d’obtenir un dédommagement. C’est fréquemment le cas dans le monde du cheval, cela arrive de plus en plus avec les animaux de compagnie.
Réagir positivement
Une mise en cause, quelle qu’elle soit, ébranle généralement le professionnel, soucieux d’apporter le meilleur service et de soigner au mieux le ou les animaux qui lui sont confiés. C’est un vrai traumatisme moral.
La réclamation se fait généralement dans un contexte où l’émotion est prégnante de part et d’autre : chez le demandeur, mécontent et souvent réellement psychologiquement affecté, en cas de mort de son animal par exemple, et chez le professionnel.
Ce climat ne facilite pas toujours le traitement du différend ou du litige.
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Il faut pourtant mener de front, avec professionnalisme :
- la réponse à la demande factuelle concernant le mauvais résultat reproché, l’erreur mise en avant ou bien la faute invoquée qui sous-tendent une demande de réparation financière ;
- la réponse à apporter au mécontentement du client, à l’émotion ou au trouble qui est le sien. Un client est une personne précieuse qui a fait confiance et qui se sent déçue, voire trahie. Cela doit être considéré avec attention et gravité et il faut réagir de façon appropriée.
Répondre sur la question de la responsabilité civile
Sur le premier point, dès lors que la mise en cause de la RCP est clairement identifiée, il se doit, conformément au Code de déontologie, de donner au client demandeur les informations relatives à sa prise en charge et lui communiquer les coordonnées de son assureur.
Il est également possible d'informer directement son assureur en lui demandant de prendre les dispositions nécessaires dans le cadre de sa subrogation aux droits en pareille circonstance.
Celui-ci doit surtout bien se garder - c’est impératif - de résister à toute force et d’éconduire le client en tentant de lui expliquer qu'il ne saurait en aucun cas être responsable de l’événement indésirable grave qui s’est produit et pour lequel il se permet de le mettre en cause.
À l’inverse, le praticien ne doit pas davantage s’accuser trop facilement d’une faute par complaisance à l'égard du client pour tenter de lui obtenir un dédommagement.
Dans les deux cas, on ne peut être son propre juge. D’ailleurs la plupart des contrats d’assurances sanctionnent ce second comportement d’un possible refus de prise en charge par l’assureur. Les deux attitudes excessives opposées sont ainsi à proscrire.
Dès lors que la déclaration est faite, l’affaire est sur ce strict plan de la RCP gérée par l'assureur qui généralement mettra en place, au moins dans un premier temps, une procédure amiable d’examen du sinistre, faisant le plus souvent appel à une expertise vétérinaire.
Entendre et traiter le mécontentement du propriétaire de l'animal
Comment gérer le mécontentement du client ? Sur ce point, trop souvent négligé ou mal géré, la meilleure action consiste à obtenir du client qu’il accepte d'en parler dans un environnement adapté : dans la salle de consultation, dans le secret du colloque singulier, et non dans le hall d’accueil de la clinique (propice par sa configuration aux esclandres et autres escalades verbales).
Il faut d’abord l’écouter, sans trop l’interrompre, et répondre honnêtement et de façon factuelle à ses reproches. Le but est de rétablir le dialogue et la confiance. Il existe aujourd’hui de plus en plus de formations à l’écoute, à la conciliation et à la médiation, à la recherche d’outils pour la gestion plus facile des situations de crise en clientèle, lesquelles sont inévitables dans une vie de praticien.
Il arrive aussi de plus en plus souvent aujourd’hui, malheureusement, que les mises en cause soient théâtralisées de façon irrationnelle, dans un cadre conflictuel et passionnel, qui emprunte la voie des réseaux sociaux, sur lesquels tous les débordements sont possibles… L’effet d’amplification est considérable et le praticien est atteint, profondément blessé par une atteinte publique à son image et à sa réputation. Le Conseil national de l’Ordre a récemment traité cette question en proposant des réponses à ces mises en cause.
Alternatives : règlement amiable
ll est également possible, si l'on considère en conscience que le manquement est patent, absolument évident et notamment si l’enjeu est matériellement faible, de décider (sans possibilité de faire ensuite machine arrière et de saisir après coup son assureur, attention !) de réparer de son propre chef et de ses deniers le dommage induit par la faute commise. Cette solution est à réserver à des cas rares, sinon exceptionnels, et dans un cadre non conflictuel, dans une relation où la confiance est maintenue.
La voie du règlement amiable d’un différend, y compris si celui-ci relève en totalité ou en partie de la responsabilité civile, peut aussi emprunter aujourd’hui celle de la médiation de la consommation, utilisable dans le domaine vétérinaire.
Cette voie a été légalement mise en place en 2016 par l’Ordre national des vétérinaires. En échange d’une majoration minime de la cotisation ordinale annuelle, elle permet aux vétérinaires de France de répondre sans débours à une demande de médiation de la consommation émanant d’un client, voie utilisable notamment si la relation avec le client est altérée. Encore faut-il que le celui-ci l’accepte, même si ce mode de règlement d’un différend est totalement gratuit pour lui.
En conclusion : prévenir autant que faire se peut
Pour éviter d’avoir à gérer ces situations critiques, il est indispensable de privilégier la prévention des événements indésirables graves (EIG) dans les soins vétérinaires. Celle-ci passe par l’acquisition d’une culture de la démarche qualité-sécurité.
Elle peut efficacement aller de pair avec les formations en sciences sociales sur la façon de communiquer avec son client, aujourd’hui disponibles, toujours utiles, notamment quand on ne dispose pas de façon innée du charisme et des dispositions adaptées.