Rédaction d'une attestation par un infirmier : principe légal
L’article R. 4312-23 du Code de la santé publique (CSP) autorise la rédaction de certificats, attestations et documents par l’infirmier, dès lors que leur production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires.
La protection des mineurs en danger peut autoriser la rédaction de tels documents à destination des autorités compétentes (signalement ou information préoccupante).
Une infirmière mise en cause suite à une attestation produite en justice
Une infirmière libérale réalise des soins sur une patiente résidente d’un foyer pour femmes séparées de leur conjoint. A cette occasion, elle est amenée à rédiger (à la demande de cette femme) une attestation concernant son fils de 2 ans, à propos de lésions qu’il présente sur les mains.
Cette attestation consiste en la réponse apportée par l’enfant aux questions qu’elle lui a posées : en l’occurrence, l’enfant déclare que ses blessures ont été infligées par son père, avec un marteau ou un couteau. Elle mentionne également avoir connaissance de la possibilité d’une production en justice.
L’infirmière réalise par ailleurs des photos des marques visibles sur les mains du petit garçon et des enregistrements.
Le père de l’enfant conteste la rédaction de cette attestation, qui lui a nuit dans le cadre d’un litige en cours concernant la garde de l’enfant. Il conteste également la réalisation des photos, invoquant une violation du règlement européen portant sur la protection des données personnelles (RGPD).
Toutefois, ces éléments ayant été rapidement supprimés par l’infirmière, cette accusation est écartée.
Une plainte rejetée malgré une imprudence caractérisée
S’agissant de la rédaction de l’attestation litigieuse, la chambre disciplinaire de première instance considère qu’elle a été rédigée de manière objective et conforme aux constats réalisés par des médecins par ailleurs, en qualité de simple attestataire et non pas en qualité de professionnelle de santé. Elle n’appelait pas d’autre action de l’infirmière, notamment un signalement, puisqu’elle a été rédigée 4 mois après les faits.
La plainte est donc rejetée dans son intégralité.
En revanche, la chambre disciplinaire de première instance rappelle avec insistance que l’infirmière a manqué de prudence en rédigeant une telle attestation. En effet, elle ne pouvait pas ignorer le contexte conflictuel des relations entre les parents de l’enfant, elle a "sous-estimé le risque d’instrumentalisation de cette pièce dans le cadre de ce contentieux".
S’agissant d’une simple imprudence, la chambre disciplinaire ne retient donc pas de faute déontologique.
La décision de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre
Les juges rappellent la prudence et la rigueur qui s’imposent à tout professionnel de santé lors de la rédaction d’une attestation dans un contexte de séparation parentale particulièrement conflictuel, avec une suspicion de maltraitance sur mineur.
Le praticien n’est pas en mesure d’apprécier la véracité des thèses de chaque partie et ne doit pas être considéré comme partie prenante pour l’un ou l’autre des parents.
L’infirmière est condamnée pour manquement aux bonnes pratiques déontologiques.
Les juges estiment que son comportement a révélé une insuffisance professionnelle sur le protocole de procédure à suivre en matière de maltraitance.
Une insuffisance de compétence professionnelle constatée par les juges
L’infirmière devra suivre, dans un délai de trois mois, une formation appropriée relative à la prise en charge de la protection de l’enfance d’une durée minimale d’une journée de formation, à ses frais, en présentiel ou en distanciel et d’en justifier le suivi par une attestation de suivi assidu.
Recommandations à suivre :
le "Guide des bonnes pratiques du recueil de la parole de l’enfant".
À retenir
- Il est donc indispensable que les professionnels de santé rédigeant des attestations ou des certificats fassent preuve de la plus grande prudence et se renseignent à propos du contexte entourant une telle demande de rédaction d’un écrit.
- Par ailleurs, il convient de rappeler que les professionnels de santé doivent rester objectifs, relater uniquement ce qu’ils peuvent médicalement constater et rapporter au conditionnel ou entre guillemets les propos entendus.
- Enfin, il leur est interdit de s’immiscer dans les affaires de famille. Il est donc recommandé de rester objectif et de garder à l’esprit, dans le cadre de parents séparés, que la plus grande prudence est de mise, seul l’intérêt de l’enfant devant être pris en compte.