Soins dentaires et endocardite
Un patient, porteur d’une valve aortique, se plaint de douleurs dentaires et consulte son chirurgien-dentiste qui, après avoir effectué une panoramique, pratique des interventions de parodontie non invasives, un détartrage et une extraction entre février et octobre 2009.
Le patient présente, quelques mois après, des épisodes fébriles, accompagnés de douleurs dorsales, justifiant une hospitalisation qui révèle un entérocoque fæcalis dans le sang. D’autres examens complémentaires font état d’une spondylodiscite infectieuse au niveau des 9e et 10e dorsales. Le patient développe, un an après, une endocardite sévère qui justifie une seconde opération du cœur en 2011.
Il reproche au praticien de ne pas avoir prescrit une antibiothérapie préventive qui aurait pu, selon lui, empêcher le développement de l’infection par le germe "enterococcus fæcalis" et l’assigne en référé expertise.
Interrogatoire médical insuffisant selon l'expert
L’expert estime que, sur le plan technique, les soins ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science.
En ce qui concerne le traitement antiagrégant plaquettaire (Kardégic®) le praticien reconnaît en avoir eu connaissance et avoir pris les précautions nécessaires mais l’expert considère qu’il est de règle de ne pas arrêter un tel traitement pour des petites interventions à faible risque hémorragique.
Concernant l’absence d’antibioprophylaxie préventive encadrant les gestes dentaires, le praticien déclare que son patient ne l’a pas informé de sa pathologie valvulaire.
L’expert lui reproche toutefois de ne pas avoir davantage "poussé" l’interrogatoire médical, ce qui lui aurait permis, de lui prescrire une antibiothérapie lors de chaque soin dentaire.
Il conclut que l’entérocoque a, très certainement, pour origine une translocation intestinale et n’est donc pas nosocomiale et que le lien de causalité direct et certain entre les soins dentaires et l’endocardite n’est pas établi.
Absence de lien direct entre la négligence fautive du praticien et l’endocardite selon le Tribunal
Le Tribunal de grande instance considère que le chirurgien-dentiste a commis "des négligences fautives" en ne prescrivant pas d’antibiothérapie préventive lors des soins prodigués et en maintenant le traitement anticoagulant.
Il constate toutefois que le maintien de ce médicament n’a pas entraîné d’hémorragie.
Il n’est pas démontré, par ailleurs, que l’absence d’antibiothérapie préventive était en lien de causalité avec les préjudices dans la mesure où l’entérocoque retrouvé avait une faible probabilité d’origine buccale, de telle sorte qu’il est impossible de dire si l’endocardite avait pour origine la spondylodiscite ou s’il elle était d’origine dentaire ou intestinale.
Le demandeur, débouté, interjette appel du jugement mais la Cour d’appel confirme cette décision considérant que la preuve du lien de causalité entre les manquements et la spondylodiscite et puis l’endocardite n’était pas rapportée.
Insatisfait de cette décision, le patient forme un pourvoi devant la Cour de cassation qui rejette sa demande.
La Cour suprême considère que la Cour d’appel n’avait pas à rechercher si l’absence d’antibiothérapie, alors qu’elle avait été qualifiée de "fautive", avait fait perdre une chance au patient d’éviter son dommage puisque le caractère nosocomial de l’infection n’était pas établi.
Les recommandations de la MACSF
La tenue du dossier médical complet et actualisé est fondamentale. Il va permettre une approche globale et une prise en charge adaptée de chaque patient.
C’est la raison pour laquelle les praticiens doivent compléter un questionnaire médical qui permettra de préciser et d’identifier les interférences possibles entre l’état de santé de leur patient et les pathologies ainsi que les soins ou traitements à entreprendre.
Il appartient, par ailleurs aux patients d’informer leurs praticiens de tout antécédent médical ou d’allergie.
Ceux qui sont porteurs d’une cardiopathie à risque doivent systématiquement présenter leur carte de prévention de l’endocardite infectieuse à leur chirurgien-dentiste, préalablement à toute prise en charge, pour éviter toute complication infectieuse.