Accident d’hypochlorite : qu’est-ce que c’est ?
Un accident d’irrigation, appelé aussi accident d’hypochlorite, survient quand le produit d’irrigation canalaire - l’hypochlorite de sodium - est injecté au-delà de l’apex lors d’une séquence de traitement endodontique. Il entre alors en contact avec les tissus parodontaux.
De tels incidents, bien que rares, peuvent avoir des répercussions à court et moyen terme, très préjudiciables pour le patient.
Ils touchent majoritairement les dents maxillaires, certainement du fait d’une moindre densité osseuse et d’une corticale plus fine.
La proximité du sinus, structure particulièrement vulnérable, est un facteur favorisant l’extrusion d’hypochlorite de sodium1.
Accident d’hypochlorite : pourquoi et comment ?
Certains facteurs favorisent l’extrusion du produit d’irrigation :
- une ouverture apicale majorée,
- une perforation radiculaire,
- la proximité du sinus, du nerf dentaire inférieur,
- la forme de l’aiguille.
Il conviendra donc d’avoir toujours dans le dossier médical des éléments de type radiographique afin de connaître l’anatomie canalaire et la zone péri-apicale de la dent à traiter.
Quand survient l’accident d’hypochlorite, la douleur est immédiate et de très forte intensité.
Un œdème, qui peut être important, se développe dans les minutes voire les heures qui suivent l’accident.
Une hémorragie canalaire survient dans un tiers des cas rapportés1.
Accident d’hypochlorite : comment réagir ?
Voici quelques conseils :
- Stopper immédiatement le traitement et insérer dans le canal un embout fin, connecté à l’aspiration chirurgicale, afin de favoriser le drainage et ainsi éliminer une partie de la solution d’irrigation.
- Ne pas chercher à stopper l’hémorragie intracanalaire si elle survient, car elle contribue à éliminer le produit d’irrigation.
En revanche, irriguer le canal avec de l’eau stérile ou du sérum physiologique n’apporte que peu d’intérêt1.
Accident d’hypochlorite : et après ?
Concomitamment à la douleur, il survient en général un œdème qui se développe dans les minutes, voire les heures qui suivent l’accident d’hypochlorite.
Des œdèmes faciaux, des hématomes, voire de profondes lésions des tissus interstitiels peuvent en être la conséquence1.
On relève parmi les cas rapportés les plus graves :
- des nécroses tissulaires accompagnées de décharges bactériennes purulentes,
- des crépitations au sein des tissus touchés,
- des lésions nerveuses sensitives et motrices de type paresthésie, avec des séquelles permanentes1.
Accident d’hypochlorite : quel protocole en cas de survenance ?
La lecture des sources bibliographiques à notre disposition permet de dégager un protocole à mettre en œuvre en cas d’accident d’hypochlorite2 :
- Suspendre le traitement, ne pas paniquer, et rassurer le patient.
- Drainer le canal atteint est capital afin d’éliminer la solution d’irrigation.
- De fait, ne pas chercher à stopper l’hémorragie canalaire si elle survient.
- Prescription d’une pénicilline 2gr/j/10 jours, de corticoïdes pendant 4 jours et application d’une poche de glace le jour de l’accident sur la zone œdématiée.
- Application de compresses chaudes les jours qui suivent pour stimuler la cicatrisation et limiter le risque de nécrose des tissus.
- Laisser la dent ouverte tant que les symptômes persistent.
- Obturer la dent 3 à 4 jours après si la symptomatologie le permet.
Notez bien que l’utilisation d’hypochlorite de sodium, malgré sa toxicité, est une donnée validée de notre arsenal thérapeutique2.
Les concentrations recommandées sont comprises entre 1 et 5 %, une concentration de l’ordre de 2,5 à 3 % apparaissant comme un bon compromis entre efficacité recherchée et cytotoxicité1.
Accident d’hypochlorite : comment l’éviter ?
- Analyser finement l’anatomie canalaire et les zones péri-apicales avant tout traitement endodontique (nécessité d’une radiographie rétro-alvéolaire préopératoire objectivant la zone para-apicale et les structures anatomiques environnantes).
- Privilégier l’utilisation d’aiguilles avec un évent latéral.
- Vérifier avant d’injecter la solution d’hypochlorite que l’aiguille n’est pas bloquée dans le canal, en faisant un léger mouvement de retrait.
- Ne jamais injecter en force mais avec souplesse.
En conclusion
Même si cet accident reste peu fréquent, il convient avant tout de prévenir ce type de complication qui peut avoir des conséquences potentiellement sévères.
En effet, dans le cadre d’une récente affaire, les conclusions du rapport d’expertise judiciaire ont retenu une imputabilité totale envers le praticien pour défaut d’information, de moyens et de suivi.
À retenir
L’analyse fine de la situation clinique (anatomie canalaire, type de foramen apical, proximité d’éléments anatomiques comme le sinus maxillaire pour les dents antrales) et la bonne conduite de la séquence thérapeutique endodontique sont donc des prérequis indispensables afin de parer à tout accident de ce type.