Une angioplastie suivie de complications
Un patient présente une insuffisance coronarienne et une artériopathie oblitérante des membres inférieurs occasionnant une claudication. Un écho-doppler montre l'existence d'une sténose fémorale superficielle gauche serrée. Après une consultation avec le chirurgien, une indication opératoire est posée, un formulaire de consentement est signé et la consultation de pré-anesthésie a lieu peu de temps après.
L’angioplastie de l'artère fémorale superficielle gauche se déroule sans difficulté particulière, mais les suites sont marquées par la survenue d'un hématome.
Dès le lendemain de l'intervention, le chirurgien autorise la sortie et le patient regagne son domicile. Mais très vite, des douleurs intenses imposent un transfert à l’hôpital par le SAMU. Des examens révèlent l'existence d'un faux anévrisme circulant. Le patient est réopéré le même jour, mais les suites seront marquées par des difficultés importantes à la marche.
Par jugement du 26 mai 2014, le tribunal de grande instance met la clinique hors de cause, mais déclare le chirurgien responsable des conséquences dommageables de la sortie prématurée du patient de la clinique, après l'intervention pratiquée, et le condamne à régler 4 000 € en réparation des souffrances morales endurées.
Une autorisation de sortie prématurée et un manque de précautions
Sur appel du patient, la Cour d’appel se prononce par un arrêt du 17 juin 2016.
Elle valide l’indication de l’intervention et sa réalisation technique. La complication survenue est classique et fréquente.
En revanche, les lourds antécédents du patient (insuffisance coronaire, artériopathie des membres inférieurs, hypertension artérielle, ancien tabagisme) imposaient une surveillance accrue. En particulier, un angioscanner devait être pratiqué pour vérifier si l'anévrisme était ou non actif, ce qui n’a pas été fait.
Une fois le patient rentré à domicile, l’importance des douleurs et la fréquence des appels à son chirurgien auraient dû inciter ce dernier à prendre des mesures plus actives que de simples paroles d’apaisement.
Le chirurgien a donc fait preuve d’imprudence en autorisant la sortie de son patient dès le lendemain de l'intervention.
Cette imprudence est à l’origine de l'aggravation de l'anévrisme et des douleurs et angoisses subies, de la sortie de la clinique jusqu'à l'hospitalisation et la seconde intervention. Il en résulte une perte de chance que la Cour évalue à 50 %.
En outre, l'attentisme du médecin, qui n'a proposé ni consultation ni soin et n’a adressé à son patient que des paroles de réconfort pendant 5 jours, est à l'origine pour ce dernier de souffrances physiques importantes et d'une angoisse réelle face au développement spectaculaire de l'hématome associé à des douleurs.
Un manque d’information sur les précautions à prendre
La Cour rappelle que l'information donnée par le médecin à son patient doit être loyale, claire et appropriée et doit être dispensée au cours d'un entretien individuel, sous une forme essentiellement orale.
Le formulaire de consentement éclairé qui a été signé ne suffit pas à exonérer le praticien de son obligation d'information, car il ne contient qu'une formule générale sans personnalisation.
Malgré un temps de réflexion jugé suffisant entre la consultation et l'intervention, la Cour constate que le patient est rentré à son domicile le lendemain de l'intervention sans qu'une information appropriée et personnalisée lui ait été donnée, s'agissant plus particulièrement des suites possibles de l'intervention, et notamment la survenue fréquente d'un faux anévrisme.
Si le patient avait été correctement informé sur cette complication, il n'aurait pas attendu le 5e jour de diffusion de l'hématome et de souffrances pour consulter en s'adressant à SOS Médecins ; il se serait rendu dans un établissement de santé.
Le non-respect du devoir d’information entraîne un préjudice moral, consistant en une absence de préparation psychologique aux risques encourus, qui justifie l’allocation d’une somme de 2 000 €.
Que retenir de cette affaire ?
Cette affaire illustre parfaitement les risques d’une sortie prématurée et insuffisamment préparée.
Outre le fait qu’elle ne doit être décidée que lorsque l’état du patient est stabilisé, et après avoir tenu compte de ses antécédents et des éventuelles particularités quant aux conditions du retour à domicile, elle doit aussi être accompagnée des informations nécessaires afin que le patient sache quels sont les signes qui doivent l’alerter et l’amener à consulter.
Dans des recommandations de novembre 2001 intitulées "Préparation de la sortie du patient hospitalisé", certes anciennes mais toujours d’actualité, la HAS (à l’époque dénommée ANAES) soulignait déjà que "Passage d’une forme de dépendance à la responsabilisation du patient dans la prise en charge de sa santé, la sortie doit être entourée de beaucoup de rigueur et de professionnalisme. La sortie est une période de fragilité pour le malade, qui quitte l’état de patient hospitalisé, pris en charge et entouré par l’équipe médicale et paramédicale. La sortie doit donc être envisagée comme un acte de soins à part entière permettant la continuité de la prise en charge et la mise en place de systèmes d’alerte et de protection."