Une intervention en téléchirurgie pratiquée par un médecin italien
Une patiente souffrant de calculs rénaux depuis plusieurs années subit une néphrolithotomie percutanée et lithotritie laser (NPLC) selon la technique dite "mini-perc" au sein de l'unité d'urologie d’un hôpital public.
L’opération est particulière : elle est pratiquée par un urologue exerçant en Italie, sans lien avec l’hôpital dans le cadre d’une retransmission dite d’une "Live Surgery" - chirurgie en direct -, intervenue dans le contexte d’une conférence médicale.
Cette intervention occasionne une perforation du côlon et la création d'une fistule entre cet organe et le rein, avec de multiples complications.
La patiente recherche notamment l'indemnisation d’un préjudice moral "d’impréparation". Elle estime en effet que son consentement libre et éclairé aux conditions de réalisation et de diffusion de l’intervention, par une personne étrangère au service, dont l’identité ne lui a pas été communiquée, n’a pas été recueilli.
Elle soutient n’avoir découvert la réalisation de l’intervention par un chirurgien qui n’appartient pas à l’hôpital et n’est pas inscrit au tableau de l’Ordre des médecins que le jour même de l’intervention.
La Haute Juridiction Administrative, dans un arrêt du 13/10/2023, rejette cette demande.
Un défaut d’information non caractérisé dans un contexte de consentement de la patiente et de préservation de son anonymat
Le Conseil d’Etat examine le contexte dans lequel le consentement de la patiente a été recueilli.
La veille de l’intervention, elle a signé un document selon lequel elle certifie expressément "avoir été informée (…) que l’intervention serait réalisée en collaboration avec des experts français et internationaux et que (s)on anonymat serait strictement respecté".
Ce document emporte également accord pour que l’intervention fasse l’objet d’une retransmission en vidéo, sur les réseaux sociaux.
La patiente a donc bien consenti aux conditions de réalisation de l’intervention.
Elle n’avait d'ailleurs pas demandé à être informée de l'identité de l'ensemble des personnes appelées à intervenir lors de l'opération, ni n'avait à consentir à la présence de chacune d'entre elles.
Dans ces conditions, elle ne peut pas se prévaloir d'un défaut d'information quant à la participation du praticien qui a réalisé une partie de l'intervention depuis l'Italie, à l'aide de moyens de téléchirurgie.
Elle ne peut, en tout état de cause, soutenir que son droit au respect de sa vie privée a été méconnu, alors que son anonymat a été préservé, aucune image ne permettant de l’identifier ni de porter atteinte à son intimité.
Ce qu'il faut retenir
Le devoir d’information est légalement consacré par l'article L1111-2 du Code de la santé publique : "Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (…). Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser".
Jusqu’en 2010, la jurisprudence refusait de reconnaître l’existence d’un préjudice moral en cas de défaut d’information. L’indemnisation à ce titre ne se faisait que par l’intermédiaire de la notion de perte de chance : correctement informé, le patient aurait pu renoncer à une intervention, ou choisir une autre technique, évitant ainsi les préjudices qu’il a subis. Son indemnisation ne pouvait alors correspondre qu’à une fraction de son dommage corporel, déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue.
Si la jurisprudence reconnaît depuis l’existence d’un préjudice moral d’impréparation, ce n’est que dans le cas où un patient n’a pas été prévenu en amont d’un risque ou d’une complication, et qu’il s’y trouve soudainement confronté sans avoir pu s’y préparer.
Cette décision est l’occasion de rappeler l’importance d’une information complète du patient, de préférence écrite.
—