Une violation du secret professionnel sur fond de litige prud’homal
Un cardiologue et une chirurgien-dentiste exerçant en SELARL font citer leur ex-secrétaire devant le Tribunal correctionnel, du chef de violation du secret professionnel.
En effet, celle-ci a produit des carnets de rendez-vous et de correspondance ainsi que le dossier médical d'un patient, dans le cadre d’un litige prud'homal l'opposant à la société.
Les praticiens considèrent qu'une telle divulgation de documents soumis au secret professionnel a porté atteinte, non seulement à l’intérêt du patient, mais aussi à leur réputation en tant que soignants.
Ils estiment qu’une réparation leur est due du fait du préjudice découlant de l’infraction commise par la secrétaire, dont ils souffrent personnellement.
Leur requête ayant été rejetée, ils se pourvoient devant la Cour de cassation.
La violation du secret
Les praticiens invoquaient l’atteinte portée à l’intérêt de leur patient, du fait de la violation du secret professionnel par leur secrétaire.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 13 octobre 2020, rejette cette argumentation, faute pour les demandeurs d’établir l’existence d’un préjudice personnel direct résultant de cette violation.
Pour ce faire, elle invoque trois textes :
- L’article 226-13 du Code pénal qui vise l'infraction de violation du secret professionnel : la Cour rappelle que cet article est destiné à protéger la sécurité des confidences qu'un particulier est dans la nécessité de faire à une personne dont l'état ou la profession, dans un intérêt général et d'ordre public, fait d'elle un confident nécessaire.
Il en résulte que la violation du secret professionnel ne porte directement préjudice qu'à l'intérêt général et à l'auteur de ces confidences, en l’occurrence le patient. - L’article R.4127-4 du Code de la santé publique (CSP) selon lequel le secret médical est institué dans l'intérêt du patient, et non pas dans celui du médecin.
Ainsi, l'employeur, victime indirecte d'une violation du secret professionnel par son salarié, n'est pas habilité à mettre en mouvement l'action publique. - L’article L.1110-4 CSP selon lequel toute personne prise en charge par un professionnel participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.
Il s'ensuit que le secret médical étant un droit propre au patient, son médecin n'est pas recevable à se constituer partie civile du chef de violation du secret professionnel, dans l'intérêt de celui-ci.
L’atteinte à la réputation
Le médecin et la chirurgien-dentiste soutenaient que le professionnel de santé, dépositaire du secret médical, doit, quel que soit son mode d'exercice, personnellement veiller à ce que les personnes qui l'assistent soient instruites de leurs obligations en matière de secret professionnel et s'y conforment.
Dans ce contexte, la violation de ce secret par une assistante salariée de la SELARL peut donner l’impression, vis-à-vis des patients, que cette obligation n’a pas été satisfaite, alors qu’elle l’a pourtant été.
Il est ainsi porté atteinte à la réputation de la société et des praticiens qui y exercent. Il en résulte donc pour eux un préjudice direct et personnel.
La Cour de cassation considère que ne peut être qu'indirect, pour un médecin ou la société dans le cadre de laquelle il exerce ses fonctions, le préjudice résultant de l'atteinte que porterait à sa réputation la violation du secret professionnel par une salariée de cette société.
Que retenir de cette affaire ?
La solution retenue est logique et conforme à l’esprit des textes qui régissent le secret professionnel.
Ce secret est institué dans l’intérêt des patients. Si le professionnel de santé en est le garant, il ne peut en revanche revendiquer d’en devenir lui-même "titulaire", par une sorte de "glissement" du droit du patient, et donc invoquer un préjudice, qui lui serait propre, du fait de sa violation.