La gestion des appels téléphoniques
C’est une des missions principales de la secrétaire médicale. Elle suppose plusieurs étapes.
La réponse à l’appel
Cette étape initiale nécessite :
- De laisser la ligne téléphonique la plus libre possible : pas d’appels personnels, réduction de la durée des conversations (pour éviter la répétition des appels).
- De prévoir (ce qui est du ressort du professionnel de santé) une orientation vers un message ou un répondeur quand la ligne est occupée.
- De définir un message pertinent (en n’omettant pas d’orienter vers le 15 pour les situations d’urgence) ; quand c’est un répondeur, il faut l’écouter régulièrement pour s’assurer que le message diffusé est toujours audible et valable.
L’identification de l’appelant
La première mission, après avoir décroché, est d’identifier l’appelant : est-ce le patient ou un tiers ? Nom, prénom, téléphone, adresse et mail, et ce, avant même de le laisser décrire l’objet de son appel.
L’organisation doit ressembler à ce qui est fait dans les centres 15 par les ARM (assistants de régulation médicale)1. Ceci doit être tracé, soit dans le dossier patient une fois qu’il est identifié, soit dans un cahier d’appel (qui pourrait servir de preuve en cas de contestation).
La conversation avec le patient
La secrétaire médicale doit être vigilante sur ses propos.
Des propos discriminatoires2 peuvent par exemple faire l’objet de poursuites.
Dans ce genre de litige, il y aura un important problème de preuve puisque ces appels ne sont pas enregistrés, contrairement à ceux reçus par les centres 15. Cela risque d’être la parole de l’un contre celle de l’autre, avec une impossibilité de reconstituer ce qui s’est réellement dit.
A l’inverse, l’employeur de la secrétaire doit la soutenir quand elle-même est victime de ce genre d’agression verbale dans le cadre de son travail.
L’analyse de l’appel
L’objet de l’appel doit être déterminé : demande de rendez-vous non urgent, demande de rendez-vous urgent, demande de renouvellement de traitement, question sur un suivi, question générale.
- Pour une demande de rendez-vous, la secrétaire doit déterminer s’il y a un caractère urgent en interrogeant l’appelant, et ce, indépendamment de ce qu’il a déclaré initialement.
La formation de la secrétaire est ici déterminante par rapport à la spécialité du praticien : quels items rechercher ? Sur quels critères faut-il qualifier la demande de rendez-vous ? Quand interroger le praticien ?
Une mauvaise qualification peut être très dommageable pour le patient qui, rassuré par l’absence de réaction de la secrétaire, va attendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour être examiné. - Pour une demande de renouvellement de traitement (par exemple pour les contraceptifs), celle-ci ne peut pas être gérée uniquement par la secrétaire, même si un protocole a été établi. Elle doit donc être systématiquement transmise au praticien qui décidera, s’il y a lieu, du renouvellement sans revoir le patient et rédigera alors la nouvelle prescription que la secrétaire pourra adresser au patient.
- Les questions sur le suivi peuvent être très variées : "Avez-vous reçu le résultat de ma biopsie ?", "J’ai des boutons depuis que je prends le traitement, est-ce grave ?", "Mon INR est à 3, est-ce que je conserve la même dose d’anticoagulant ?"...
Si les questions administratives peuvent être gérées par la secrétaire, les autres devraient être transmises au médecin, en tenant compte du fait que toute interruption perturbe le bon déroulement d'une consultation. - Enfin, il y a les questions générales comme : "J’ai plus mal à la tête que d’habitude, est-ce qu’il faut que je vienne voir le docteur ?", "Les diarrhées de mon enfant sont fréquentes, confirmez-moi que ce n’est pas grave"...
La secrétaire n’a pas à y répondre car elle n’a pas la compétence pour cela et la question peut être incomplète et cacher une situation grave. Il faudra donc décider en amont, dans le cabinet ou la structure, comment gérer ces appels (qui peuvent provenir de la patientèle ou d’autres personnes). Il a parfois été défini un à deux créneaux dans la semaine pour les appels des patients pour ce type de demande, ce qui a donné de bons résultats.
L'envoi et la réception des examens et courriers
La médecine de parcours impose une circulation de l’information. Celle-ci est, le plus souvent, confiée aux secrétaires qui envoient les courriers ou mails aux confrères d’autres spécialités ou aux laboratoires d’analyse.
Il en va de même, dans certaines organisations, pour l’envoi des prélèvements en vue de leur analyse (quand ce n’est pas confié au personnel soignant).
La rapidité et la fiabilité d’envoi de ces éléments permettent d’assurer une sécurité optimum pour les patients.
Le traitement de ces tâches se fait sous la responsabilité des secrétaires.
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Si la quantité de travail est excessive et provoque des retards dans ces envois, la secrétaire doit en faire part à son employeur afin de trouver une solution pérenne.
La phase suivante est la réception de la réponse et son traitement. Le classement d’un résultat, d’une lettre de confrère sans la soumettre au praticien est susceptible de provoquer un dommage grave pour le patient.
D’un autre côté, le traitement par la secrétaire d’un certain nombre de courriers ou de mails peut libérer un temps médical bien utile. Il faut donc définir des critères précis de classement dans le dossier afin de les réserver aux cas sans risque pour le patient, avec possibilité pour la secrétaire d’assurer une transmission au médecin au moindre doute. Par exemple, pour la réception des INR, il ne peut être envisagé un classement que si le taux obtenu se situe entre X et Y.
La sécurité des patients au sein du cabinet
Les chutes dans les cabinets médicaux ne sont pas rares et peuvent provoquer de graves dommages :
- Patients avec des problèmes d’équilibre, demandant où sont les toilettes et auxquels il est uniquement donné la direction, sans proposition d’assistance.
- Zones dangereuses (marches non éclairées, sols glissants) sans alerte donnée au patient ou aide proposée.
L’assistance par la secrétaire médicale dépendra des besoins des patients : plus le patient est fragile, plus l’exigence des juges sera élevée.
Les enfants peuvent poser un problème particulier. Une salle d’attente (même de pédiatre) n’est pas un lieu sécurisé.
Accepter qu’un parent laisse un de ses enfants seul dans la salle d’attente pendant la consultation du frère ou de la sœur malade est imprudent car ni les autres patients ni la secrétaire n’ont à assurer la surveillance de cet enfant.
La secrétaire peut participer à la prévention des chutes dans le cabinet en signalant systématiquement les incidents rencontrés, ou même les points dangereux qu’elle a identifiés.
Le respect du secret et de la confidentialité
Dans toute son activité, la secrétaire doit veiller au respect du secret et de la confidentialité.
Cela impose quelques précautions, par exemple :
- Éviter de gérer les appels téléphoniques à côté de la salle d’attente ou devant un autre patient.
- Éviter de citer le nom des patients lors des discussions.
- Ne pas évoquer de pathologie lors de l’appel des patients dans la salle d’attente.
Le secret doit être respecté à l’extérieur du cabinet ou de la structure.
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Il a été observé des cas dans lesquels les secrétaires ont diffusé des informations confidentielles en dehors du cabinet lors de discussions en direct ou sur les réseaux sociaux. Même s’il n’y a en général aucune intention de nuire, ces violations du secret sont graves et peuvent porter préjudice.
Quelles responsabilités pour la secrétaire médicale ?
On distingue deux types de responsabilité.
Actions pour obtenir une indemnisation
La demande sera orientée vers l’ employeur de la secrétaire, qui doit la garantir contre toute condamnation pécuniaire (article 1242 du Code civil), à la condition qu’elle ait agi "dans le cadre de la mission impartie".
Pour le vérifier, il sera demandé la fiche de poste, qui doit donc être régulièrement actualisée.
Sauf le cas où le praticien est lui-même l’employeur, la détermination du "pécuniairement responsable" peut se révéler complexe.
Ainsi, la responsabilité de la SCM, SCP, clinique ou société de secrétariat à distance peut être retenue.
Actions pour obtenir une sanction
Cette fois, il s’agit d’une responsabilité individuelle, comme le prévoit l’article 121-1 du Code pénal (CP).
Le fait que la secrétaire soit salariée ne lui procure pas d’immunité pénale et elle peut être poursuivie personnellement, au même titre que les autres intervenants dans la prise en charge des patients.
Les infractions pénales susceptibles d’être retenues contre une secrétaire dans son activité professionnelle sont :
- L’homicide involontaire (article 221-6 CP).
- Les blessures involontaires (article 222-19 CP).
- La violation du secret professionnel (article 226-13 CP) : c’est celui qui a révélé l’information couverte par le secret (toutes celles recueillies lors de l’exercice professionnel) à une personne n’intervenant pas dans la prise en charge du patient qui commet l’infraction pénale. Cette dernière est constituée dès la première révélation, qu’elle soit faite dans le milieu professionnel ou privé.
- La non-assistance à personne en péril (article 223-6 CP).
Cette dernière infraction est constituée par le simple fait de ne pas envoyer un secours sur une demande présentant un caractère grave et urgent. Cela implique donc une bonne formation permettant, dans la spécialité du (ou des) praticien(s) concerné(s), de déceler ce qui est grave et urgent afin de passer l’appel au praticien ou déclencher soi-même le secours approprié. Il est prudent de prévoir qu’au moindre doute :
- l’appel doit être passé au praticien,
- en cas d’urgence avérée, il ne faut pas se contenter de conseiller l’appel au centre 15 ou aux urgences privées mais le faire soi-même.
La jurisprudence se montre très exigeante en considérant que le professionnel doit poser les bonnes questions à l’appelant. L'absence de mention de critère d'urgence par l'appelant ne saurait en soi exonérer la secrétaire de sa responsabilité.
Les juges retiennent souvent une culpabilité sur la base de cette infraction afin de sanctionner un comportement discutable humainement, alors pourtant que le cas était désespéré et que l’arrivée plus précoce des secours n’aurait pas permis d’éviter le dommage (décès ou lésions irréversibles).
Quelle garantie pour ce risque ?
La couverture de la responsabilité pécuniaire appartient à l’employeur, à condition qu’il soit assuré et que ce risque particulier soit couvert.
L’employeur praticien libéral
Selon l'article L.1142-2 du CSP, il doit souscrire un contrat couvrant sa responsabilité professionnelle (RCP). La garantie couvre les actes de soins réalisés par les préposés du praticien.
Elle est, dans la plupart des contrats, accompagnée d’une garantie responsabilité civile exploitation (RCE) qui couvre les autres situations de mise en cause de la responsabilité pécuniaire du praticien, notamment les "événements accidentels dus au fait des préposés de l’assuré" : par exemple endommager accidentellement les vêtements du patient en renversant quelque chose.
L’employeur en exercice de groupe
Quand l’employeur est une société regroupant des praticiens (SCP, SCM, société de fait…), il n’est pas certain qu’elle ait souscrit un contrat couvrant sa responsabilité pécuniaire en cas de faute commise par un salarié.
Il est nécessaire de vérifier ce point afin d’éviter de se trouver dans une situation de défaut d’assurance, avec toutes les conséquences pécuniaires que cela comporte.
L’employeur société de secrétariat à distance
Il est probable que la société a souscrit un contrat couvrant sa responsabilité pécuniaire en tant qu’employeur, mais ce n’est pas non plus certain.
Il est donc prudent de prévoir, dans la convention liant le praticien à cette société, une clause indiquant que cette garantie a bien été souscrite afin d’éviter qu’en cas de défaut d’assurance, il ne soit recherché la responsabilité du praticien qui est, lui, assuré.
L’employeur établissement de santé
Il a l’obligation de souscrire une garantie couvrant la responsabilité pécuniaire engagée du fait de tous ses salariés, y compris donc les secrétaires (article L.1142-2 du CSP).
Et en cas de plainte pénale ?
La secrétaire devra se défendre personnellement.
La prise en charge de sa défense n’est pas simple car le contrat d’assurance de son employeur peut parfaitement ne pas inclure la défense pénale des salariés (même pour des reproches concernant l’exercice de leur mission) et sa protection juridique privée n’a pas vocation à intervenir sur une affaire professionnelle. Par contre, elle pourra formuler une demande d’aide juridictionnelle, totale ou partielle selon ses revenus.
Références
[1] Référentiel métier des assistants de régulation médicale – Juin 2016 – SFMU
[2] Injures : article R. 621-2 du CP ; discriminations : article 225-2 du CP