En quoi consiste la mission d'expertise ?
La mission d'expertise - dont les paramètres incontournables ont été unifiés par la CNAMéd - inclut prioritairement la recherche de l'atteinte ou non de l'un des seuils de gravité, et ce en amont de la recherche des causes et de la nature du dommage et de la réunion des éléments permettant de proposer un régime d'indemnisation ou un rejet de la demande.
Cette mission comporte enfin la fixation, poste par poste, de la nature et de l'étendue des dommages (au moyen de la nomenclature Dintilhac).
On notera que la recherche des causes et de la nature du dommage implique que les experts fassent une analyse médico-légale centrale qui permettra ensuite à la CCI de dire s'il existe une faute engageant la responsabilité de son auteur, ou un aléa médical, engendrant une prise en charge par la solidarité nationale.
Dans tous les cas, les experts doivent rechercher d'abord l'imputabilité du dommage, quelle qu'en soit la nature, à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins : il s'agit de la recherche de rattachement du dommage au fait générateur qui l'a prétendument causé.
Cette recherche factuelle coïncide avec celle que les juristes appellent le lien de causalité, à défaut duquel il n'y aura ni faute ni aléa et donc ni responsabilité ni solidarité.
Ce jeu de mots (imputabilité alias lien de causalité) répond à l'interdiction traditionnellement faite aux experts de dire le droit.
Il en est de même sur la question du régime applicable (responsabilité/solidarité), la question à laquelle les experts sont invités à répondre ne pouvant être ostensiblement celle de l'existence d'une faute ou d'un aléa, qui sont des appréciations, non pas médicales mais juridiques.
C'est donc par un détour, un véritable artifice, que la question de droit est cependant posée aux experts, sous couvert d'une recherche de fait, puisqu'il leur est demandé en substance de :
- Dire s'il existe un ou plusieurs manquements aux règles de l'art médical, sous-tendus par une éventuelle non-conformité de l'acte incriminé aux pratiques médicales reconnues, aux conférences de consensus, aux "recommandations" etc. : il s'agit, en réalité, de la recherche d'une éventuelle "faute".
- Dans la négative (car la solidarité est subsidiaire par rapport à la responsabilité), dire si le dommage a entraîné pour la victime des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de cet état : il s'agit, en réalité, par la réunion des critères (absence de manquement fautif et caractères exceptionnel et anormal du dommage) de la recherche d'un éventuel "aléa".
Si ces explications sont de l'essence du dispositif Kouchner, elles ne figurent pas explicitement dans la mission qui est donnée au collège d'experts et que le secrétariat de la CCI communique aux parties, aux assureurs ainsi qu’à l'ONIAM.
Avant le dépôt par les experts de leur rapport et sa communication subséquente aux mêmes parties, la conduite de la mesure elle-même obéit aux prescriptions suivantes :
- Caractère contradictoire des opérations d'expertise, impliquant que les parties soient présentes ou dûment appelées, que leurs observations soient prises en considération et qu'elles puissent se faire assister d'une ou des personnes de leur choix (médecin-conseil/avocat).
- Respect du secret professionnel, imposé aux experts - sauf dans l'hypothèse où ils sont contraints de réclamer à un professionnel ou à un établissement de santé la communication de tout document.
Les missions d'expertises sont prises en charge financièrement par l'ONIAM, sous réserve du remboursement ultérieur par l'assureur de la personne retenue comme responsable.
A l'issue de la phase expertale, la commission se réunit en une séance plénière, au cours de laquelle les conclusions des experts feront l'objet d'un rapport oral de synthèse par un juriste. Les parties seront entendues et la commission délibèrera en vue de l'adoption d'une solution.
L'expertise préalable
Dès l'ouverture du dossier, à sa réception par le secrétariat, le président de la CCI peut décider une expertise, dite préalable - destinée à être diligentée en quelques jours, au seul vu du dossier médical et de façon non contradictoire par le seul expert sollicité pour déterminer si l'un des seuils de gravité, conditionnant la recevabilité du dossier, est ou non atteint (l'article R.1142-14 du CSP qualifie la réponse du ou des experts "d'observation").
Cette consultation expertale est en réalité très rarement utilisée : en effet, d'une part, l'irrecevabilité peut être manifeste sans l'avis d'un technicien et, d'autre part, un dossier apparemment recevable à ce stade liminaire pourra, au terme de l'instruction, apparaître au-dessous des seuils parce que, par exemple, l'état antérieur de la victime aura modifié à la baisse l'estimation initiale des seuls préjudices ostensibles.
C'est donc une procédure fragile et dont l'intérêt pratique n'est que rarement requis.
L'expertise au fond
Sans que cela ne préjuge en rien de la recevabilité définitive, la quasi-totalité des dossiers fait donc très vite l'objet d'une mesure d'expertise au fond.
Elle sera diligentée sans délai dès que le dossier aura été estimé complet par le secrétariat de la CCI, et confiée à un collège d'experts (à titre exceptionnel, un seul expert), chaque expert devant être choisi sur la liste établie par la CNAMéd.
L'expertise en aggravation ou en post-consolidation
A l'issue de la procédure, en cas d'avis positif émis par la CCI, et après que le payeur désigné ait réglé à la victime son indemnisation, une nouvelle expertise en aggravation ou en post-consolidation pourra être mise œuvre pour compléter l'estimation des préjudices qui n'existaient pas encore dans toute leur plénitude lors de l'émission de l'avis.
Cette expertise est limitée à l'examen des préjudices nouveaux ou consolidés ; elle n'est que la prolongation ou le complément de l'expertise au fond, dont elle revêt tous les caractères.