Apparition tardive de la notion d'EIG et obligation de les déclarer
La sécurité était déjà au centre des préoccupations dans des secteurs d’activité à risques tels que l’aviation civile et le nucléaire, depuis plusieurs décennies1.
La culture de la sécurité du patient au sein de l’établissement de santé (visant à développer une politique de gestion des risques permettant d’améliorer la sécurité) n’est quant à elle apparue que tardivement.
Elle est née à la fin des années 90/début des années 2000, sous l’influence de différentes études mettant en évidence un nombre conséquent de dommages évitables2.
La notion d’EIG est donc relativement récente dans la réglementation française.
Loi du 4 mars 2002
Il faut attendre la loi Kouchner du 4 mars 2002 pour voir apparaître une 1re obligation pour tout professionnel ou établissement de santé de déclarer "la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène, d'une infection nosocomiale ou d'un événement indésirable associé à un produit de santé" (article L.1413-14 du Code de la santé publique - CSP).
Loi du 9 août 2004
Ce n’est qu’avec la loi du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique, qu’émerge le terme générique "Événement Indésirable", d’une part, et le critère de gravité, d’autre part, avec l’article L.1413-14 CSP modifié :
"Tout professionnel ou établissement de santé ayant constaté une infection nosocomiale ou tout autre événement indésirable grave lié à des soins réalisés lors d'investigations, de traitements ou d'actions de prévention doit en faire la déclaration à l'autorité administrative compétente. […]"
Cette obligation de déclarer les EIG, à charge de tous les professionnels de santé - quels que soient leur profession (médecin, chirurgien-dentiste, infirmier, sage-femme, aide-soignant, kinésithérapeute…), leur lieu d’exercice (cabinet de ville, établissement de santé, maison de santé) et leur statut (activité libérale, salariée ou hospitalière), traduit une volonté forte des pouvoirs publics de "doter le pays des structures et de la démarche nécessaires pour mettre en œuvre une politique ambitieuse de protection et de promotion de la santé de la population".
En effet, si la survenue d’un dommage évitable est peu admissible dans l’esprit collectif, la survenue d’un dommage évitable grave est inacceptable. L’accent a donc été mis en priorité sur cette catégorie d’accidents.
L’Agence Régionale de Santé (ARS) a ensuite été placée au cœur du procédé, favorisant un système régional jugé plus adapté qu’un système national lourd et éloigné des spécificités locales3.
Loi du 26 janvier 2016
Avec cette loi de modernisation de notre système de santé, le législateur a étendu cette obligation de déclarer les EIG :
- aux établissements médico-sociaux ;
- aux actes médicaux à visée esthétique ;
- aux infections associées aux soins (plutôt qu’aux infections nosocomiales stricto sensu comme le précisait l’ancien texte).
Elle a également mis à la charge des acteurs une nouvelle obligation portant sur l’analyse des EIG et infections déclarés, preuve d’une volonté assumée de généraliser le système et de faire de la culture de la sécurité une priorité nationale.
À travers ces diverses évolutions législatives, s’est donc dessiné un procédé de déclaration des EIG à large spectre.
Notons toutefois qu’il s’agit d’un système non punitif, le non-respect de ces obligations légales n’étant assorti d’aucune sanction.
Obligation d'analyser les EIG
"Les professionnels de santé concernés analysent les causes de ces infections et événements indésirables." (article L. 1413, alinéa 2)
Nous passons ainsi :
- d’un système passif, purement déclaratif, peu coûteux en moyens humains mais présentant de nombreux travers ( sous-déclaration des EI par peur de la sanction et du fait d’une incompréhension quant à l’utilité et la finalité du système, majorée par une rétro-information insuffisante) ;
- à un système actif plus coûteux en moyens humains mais plus efficient, où les professionnels et établissements de santé deviennent acteurs du système de signalement, en recherchant les causes immédiates et profondes de la survenue de l’accident.
Ils sont ainsi davantage impliqués et sensibilisés à la gestion des risques médicaux, ceci favorisant une amélioration de la sécurité.
À découvrir sur le site de La Prévention Médicale :
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Définition de l'EIG
Qu’entend-t-on par EIG ? Comment s’apprécie la gravité ? Comment ces données doivent-elles être recueillies ? Selon quelle méthode et sous quelle forme l’analyse doit-elle être menée ?
Le décret du 25 novembre 20164 a introduit L’article R.1413-67 du Code de la santé publique qui définit l’EIG comme :
"Un événement inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie de la personne et dont les conséquences sont le décès, la mise en jeu du pronostic vital, la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent y compris une anomalie ou une malformation congénitale."
Il semble donc s’agir d’une approche large de la notion de gravité, la constatation d’un déficit fonctionnel permanent suffisant à la caractériser.
Modalités de la déclaration en deux temps
1er temps de déclaration des EIG
Sans délai, le déclarant doit adresser au directeur de l’ARS des informations relatives :
- à la nature de l’événement,
- aux circonstances de sa survenue,
- aux premières mesures prises en interne.
L’ensemble des protagonistes est anonyme, à l’exception du déclarant.
2nd temps de déclaration des EIG
Puis, dans un délai de trois mois, le représentant légal de l’établissement de santé complète la déclaration avec :
- le descriptif de la gestion de l’événement,
- l’analyse approfondie des causes de l’événement,
- le plan d’actions correctrices mis en place.
Le tout est ensuite totalement anonymisé et transmis par l’ARS à la Haute Autorité de Santé (HAS), afin de dresser un bilan annuel des déclarations et élaborer des préconisations qui s’inscriront dans une politique générale d’amélioration de la sécurité des patients.
En soutien aux déclarants et aux établissements de santé dans ce processus d’analyse, des structures régionales d’appui (SRA) à la qualité des soins et à la sécurité des patients - indépendantes et dotées de la personnalité morale - apportent leurs compétences techniques et méthodologiques.
Elles auront préalablement répondu à un appel d’offre et conclu un contrat, pour cinq ans renouvelables, avec l’ARS. Elles établiront un programme prévisionnel annuel de travail et rédigeront un rapport annuel à destination de l’ARS et de la HAS.
Les objectifs de la SRA
- Aider les soignants des établissements de santé, médico sociaux et de la ville à conduire l’analyse approfondie des causes qu’il est obligatoire de réaliser lors de la survenue d’un événement indésirable grave associé aux soins.
- Accompagner les professionnels dans l’élaboration de plan d’actions permettant ainsi que cet EIG ne se renouvelle pas (ex : mise en place de mesure de prévention, protocoles, formation du personnel…).
- Sécuriser davantage la prise en charge du patient.
- Valoriser les leçons tirées de leur analyse (bilans, fiche RETEX).
L’ensemble des parties prenantes (SRA, établissements, professionnels) s’engage à respecter la charte de confiance et la procédure d’accompagnement.
Pour aller plus loin
Télécharger le condensé du rapport 2023 de la HAS sur les EIG