Pourquoi est-il si important de "bien communiquer" avec un patient en situation de handicap ?
Dans son enquête de janvier 2025 sur l’accueil et la prise en charge des patients en situation de handicap, le Conseil national de l’Ordre des médecins révèle que les difficultés de communication représentent la 4e cause la plus fréquente de difficultés dans la prise en charge (32%).
Il est donc essentiel d’instaurer avec un patient porteur de handicap une communication efficace et respectueuse de ses particularités, pour de multiples raisons.
- Tout d’abord, il en va du respect du patient en tant qu’individu : le fait d’être handicapé ne doit pas le priver du "colloque singulier", cette fameuse relation qui se tisse entre le soignant et son patient et qui est le support de toute prise en charge. Même si le patient handicapé est accompagné en consultation par un tiers (conjoint, aidant, etc.), il a droit à un véritable échange direct avec son soignant. Il doit aussi être informé comme n’importe quel patient, dès lors qu’il est en capacité de comprendre l’information donnée.
- La communication est la clé d’une prise en charge adaptée : sans elle, le soignant risque de ne pas diagnostiquer (ou de diagnostiquer tardivement) une pathologie. Recueillir tous les éléments nécessaires à l’élaboration d’un diagnostic ou à la définition d’un traitement fait pleinement partie de l’obligation de moyens à la charge du praticien.
- Une communication fluide et efficace, sans intermédiaire et avec des modalités adaptées, fait finalement gagner du temps en facilitant les conditions de la consultation : elle permet d’aplanir les troubles du comportement ou les limitations qui compliquent les examens cliniques.
- On sait que certains problèmes de santé sont négligés chez les personnes handicapées, notamment en cas de troubles cognitifs ou psychologiques, en raison des difficultés liées à l’examen clinique ou à l’interrogatoire. On sait aussi que les personnes en situation de handicap, plus vulnérables, sont souvent victimes de maltraitances ou d’agressions sexuelles. Le fait d’établir un échange avec le patient permet d’instaurer un climat de confiance propice à la détection de maltraitances ou d’éventuels problèmes médicaux annexes au motif de consultation.
Il est donc important de rechercher des moyens alternatifs pour assurer une communication satisfaisante malgré les éventuels freins liés au handicap.
Opter pour la communication alternative et améliorée (CAA)
La CAA est un mode de communication destiné à faciliter et à améliorer les échanges avec des personnes qui présentent des besoins complexes de communication, c’est-à-dire des besoins différents de ceux d’une personne lambda qui peut communiquer par la voix, les paroles, et peut comprendre précisément ce qui lui est dit, sans trouble du comportement.
Ces besoins complexes peuvent découler d’une pathologie ou d’un trouble présent dès la naissance, ou faire suite à un accident : autisme, trisomie 21, paralysie cérébrale, impossibilité à parler, etc. Ils peuvent être seulement temporaires ou définitifs.
Pour ces personnes, il est donc indispensable de proposer des modes de communication :
- alternatifs quand les patients n’ont aucun langage oral et qu’il est nécessaire de trouver d’autres moyens d’échanger avec eux ;
- améliorés (ou augmentés) pour compléter le message et le rendre ainsi plus compréhensible, pour les personnes dont le handicap n’empêche pas une communication classique.
Quelques conseils pratiques pour les consultations au cabinet
L’enquête menée par le CNOM met en évidence des freins pour bien communiquer, liés au manque de formation sur les différents types de handicap et au manque de moyens (matériels et en termes de temps médical).
Si la communication alternative ou améliorée nécessite parfois des outils ou des adaptations qui ne sont pas envisageables faute de temps et de moyens (par exemple un appareil à synthèse vocale ou l’apprentissage de la langue des signes), d’autres sont plus faciles à mettre en œuvre, sans contraintes excessives.
Voici quelques conseils pour adapter sa communication, quel que soit le type de handicap :
- Adaptez autant que possible l’environnement pour qu’il ne soit pas perçu comme agressif par le patient (par exemple, baisser les lumières pour un patient autiste), ce qui pourrait créer un climat anxiogène gênant pour la relation de soin. De même, évitez les retards qui peuvent être source d’angoisse et de troubles du comportement.
- Si vous la pratiquez, proposez aux patients handicapés de recourir à la téléconsultation pour leur épargner des difficultés de déplacement ou des environnements anxiogènes. Attention cependant à ne pas la proposer systématiquement et dans tous les cas : comme tout patient, la personne en situation de handicap doit pouvoir bénéficier d’une consultation en présentiel si nécessaire, notamment pour permettre un examen clinique réalisé dans les règles de l’art.
- Même si la visite à domicile est devenue rare en médecine de ville, il peut être intéressant de la proposer aux patients en situation de handicap. Selon l’enquête réalisée par le CNOM, 48 % des répondants y ont recours.
- Prenez le temps de donner toutes les explications nécessaires au patient, qui doit bénéficier comme tout patient d’une information claire et compréhensible. Le fait qu’il soit accompagné par un proche ou un aidant ne dispense pas le médecin de communiquer directement avec lui, quitte à adapter le discours.
- Au cours de l’examen clinique ou des soins, annoncez ce que vous allez faire afin de ne pas provoquer de réactions de défense ou d’opposition de la part du patient. Il est parfois possible de mimer le geste nécessaire à un examen clinique pour être sûr d’être compris, ou d’utiliser des pictogrammes pour désigner une partie du corps.
- Veillez à adapter votre manière de parler (ton, débit, mots employés) au patient face à vous, en fonction de son handicap. N’hésitez pas à reformuler les consignes et les explications dans des termes simples, voire à les dessiner quand cela s’y prête.
- Autorisez les dérivatifs (smartphone, livre, casque audio, jouet) qui permettent au patient de se rassurer ou de détourner son attention en cas de troubles du comportement.
- Soyez attentif aux détails : certains handicaps font que le patient peut être insensible à la douleur ou négliger certains symptômes qu’il n’invoquera pas forcément au cours de la consultation. Pour autant, il peut être possible de les repérer en l’observant ou en posant quelques questions ciblées. Pensez aussi à observer l’aidant accompagnateur pour repérer d’éventuels signes d’épuisement dont il ne parlerait pas spontanément.
Le site HandiConnect.fr propose de nombreuses fiches destinées aux professionnels de santé, certaines par spécialité (médecins, gynécologues, chirurgiens-dentistes, etc.). Elles concernent chacune un type particulier de handicap, avec des conseils très concrets et précieux pour accueillir au mieux la personne handicapée en consultation.
En bref
Selon l’enquête du CNOM, les répondants ont le sentiment, à 65%, que l’accès aux soins des patients en situation de handicap est difficile. Ils sont aussi 40% à ne pas être pleinement satisfaits de la prise en charge qu’ils proposent au regard de leurs conditions d’exercice.
Les causes en sont multiples, et certaines nécessitent des mesures qui ne peuvent s’inscrire que dans le temps long et dépendent des pouvoirs publics (par exemple, une revalorisation du temps médical pour les consultations complexes nécessitant plus de temps).
Pour autant, certains freins liés aux difficultés de communication peuvent être levés, totalement ou partiellement, grâce à des mesures simples et de bon sens.