Qu’est-ce-qu'une dérive sectaire ?
Une dérive sectaire suppose la réunion de trois éléments :
- La mise en œuvre de pressions ou de techniques ayant pour effet d'altérer le jugement de l’individu, proie facile car généralement dans une situation de vulnérabilité physique, psychique ou sociale.
- Un état de sujétion psychologique ou physique, passant le plus souvent pas un isolement de l’individu et l’exercice d’une emprise sur sa vie.
- Des résultats néfastes pour l'individu ou pour le corps social.
Malgré cette définition en apparence claire, caractériser une dérive sectaire est difficile : la pression exercée sur le sujet peut être très subtile et discrète, voire insoupçonnable.
Dérives sectaires sur la période 2022-2024 : une tendance générale à l’augmentation
Tous secteurs confondus, les saisines de la MIVILUDES pour dérives sectaires ont augmenté de 50 % par rapport à 2020. Une augmentation à laquelle la crise sanitaire a sans doute contribué, au moins en partie.
Sur la période 2022-2024, la MIVILUDES a particulièrement relevé les faits suivants :
- Un lien encore plus marqué entre dérives sectaires et "nouvelles formes de spiritualité" (conceptions et pratiques individuelles ou collectives peu ritualisées, censées offrir une "quête de sens").
- Le recours à des formes parfois offensives de prosélytisme.
- Une démultiplication des possibilités d’emprise du fait des moyens numériques, notamment avec la multiplication des créateurs de contenus.
- La dissimulation d’organisations sectaires derrière un statut associatif d’apparence inoffensive, avec un statut juridique parfaitement légal.
Cette apparente respectabilité et le caractère insoupçonnable de certaines techniques d’approche et de pression amènent à penser que le phénomène des dérives sectaires est sans doute sous-évalué.
Focus sur les dérives sectaires dans le domaine de la santé
Fait marquant sur la période entre 2022 et 2024 : la santé et le bien-être sont les deux domaines qui arrivent en tête des dérives observées. 19,4 % de ces dérives sont le fait de professionnels de santé.
Parmi les professionnels les plus représentés, les psychologues et les médecins généralistes représentent à eux seuls 56 % des signalements. Viennent ensuite les ostéopathes.
Sont notamment citées des pratiques telles que la naturopathie, le hijama, le reiki ou encore la nouvelle médecine germanique. Leur point commun est de ne pas être enseignées lors des formations (initiale et continue) des professionnels de santé.
La MIVILUDES insiste sur le fait que la proportion de malades du cancer est importante parmi les victimes de ces dérives sectaires.
Canaux, spécificités et cibles des organisations sectaires
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Quelles sont les voies d’entrée pour les dérives sectaires dans le domaine de la santé ?
Certaines organisations, comme l'Église de Scientologie qui prétend soigner le mal-être psychologique et améliorer les performances physiques et mentales de ses adeptes, annoncent ouvertement leurs intentions.
D’autres structures, moins connues et moins identifiables, s'attaquent plus insidieusement au domaine de la santé, avec souvent une voie d’entrée par des méthodes "bien-être" ou des régimes alimentaires.
Fonctionnant beaucoup grâce au bouche-à-oreille sur Internet, elles profitent de l’attrait pour les méthodes naturelles et alternatives pour approcher des personnes vulnérables et leur proposer des solutions qui peuvent être néfastes pour la santé.
Par exemple, un régime alimentaire carencé, supposé améliorer le métabolisme et le bien-être, peut en réalité être destiné à affaiblir physiquement et mentalement une personne pour la faire adhérer à un discours.
Certaines de ces structures parviennent même, grâce à leur respectabilité apparente, à dispenser des formations dans le domaine de la santé, y compris auprès de professionnels de santé. C'est bien la raison pour laquelle la MIVILUDES appelle les établissements de soins à la plus grande vigilance dans le choix des organismes auxquels ils font appel pour des formations professionnelles.
Elle note également entre 2022 et 2024 une importante dissémination au sein des hôpitaux et des maisons de retraite des pratiques de soins non conventionnelles (PSNC), avec une banalisation à leur recours, sans nécessairement de mises en garde ou d’encadrement médical (exemple : la naturopathie).
Quelles sont les particularités des dérives sectaires dans le domaine de la santé ?
Une pratique non conventionnelle ne constitue pas, en soi, une dérive sectaire.
Il peut s'agir de nouvelles méthodes non encore éprouvées, ou complémentaires à des méthodes de médecine conventionnelle, mais qui ne font courir aucun danger particulier aux patients.
En revanche, on parle de dérive sectaire lorsque ces pratiques non conventionnelles présentent certaines caractéristiques :
- La volonté de faire adhérer le patient à des théories qui relèvent de la croyance.
- L’idée que ces théories sont les seules de nature à apporter une solution, avec souvent l’emploi d’un vocabulaire particulier (résultats miraculeux, patients sauvés, etc.).
- Une critique des méthodes de soin conventionnelles, avec des arguments d’autorité ou le recours à des "fake news".
Certaines de ces pratiques peuvent faire courir un risque à l’individu, à deux égards :
- Par leur nature même, par exemple lorsque la méthode proposée est dangereuse pour la santé (absorption de certains produits supposés guérir un trouble, ventousothérapie, certains jeûnes, etc.).
- Par le fait qu'elles détournent l’individu de la médecine conventionnelle, présentée comme inefficace ou, pire, dangereuse. C’est ainsi que certains patients, atteints de maladies graves, renoncent à leur traitement médical et se tournent vers des méthodes alternatives.
Qui sont les individus visés par les organisations sectaires dans le domaine de la santé ?
Les individus victimes de dérives sectaires présentent souvent l’une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :
- âgés,
- isolés socialement,
- ayant perdu leur emploi,
- en perte de repères,
- souffrant de troubles du sommeil,
- touchés par la maladie d'un enfant,
- souffrant de troubles alimentaires,
- venant de se voir diagnostiquer une maladie grave, etc.
Le point commun de ces "cibles" est qu'il s'agit de personnes en situation de vulnérabilité, qui cherchent, souvent dans l'urgence, des solutions à leurs problèmes immédiats. Elles sont donc preneuses de solutions "clé en main" qui promettent des résultats rapides et positifs.
Par exemple, dans le domaine de l'autisme, un véritable marché s'est constitué pour proposer aux parents d'enfants avec autisme des prises en charge, certaines inoffensives quoique inefficaces, d’autres clairement dangereuses. Si certaines d’entre elles relèvent davantage de l’exploitation mercantile que de la dérive sectaire, d’autres en portent tous les marqueurs et détournent les parents des prises en charge recommandées. Les malades du cancer sont également une cible fréquente des mouvements sectaires.
À ces profils vulnérables s’ajoutent les personnes adhérant à un climat de méfiance généralisée à l’égard de la médecine, des traitements conventionnels ou encore des vaccins.
Autre élément favorisant : la désertification médicale qui, dans certains territoires, incite le patient à se détourner de la médecine conventionnelle, peu accessible, pour privilégier le bouche-à-oreille ou les informations recueillies sur Internet et sur les réseaux sociaux.
Que fait la MIVILUDES quand elle est saisie dans le domaine de la santé ?
La MIVILUDES ne peut s’autosaisir et intervient donc sur signalement de particuliers ou d’institutions.
À réception de la saisine, la première étape consiste à effectuer une recherche documentaire globale :
- dans la littérature scientifique et les sites officiels en premier lieu ;
- auprès des institutions et organisations professionnelles dans le domaine concerné (les Ordres professionnels, l’ARS, etc.) ;
- sur Internet.
Les contenus en ligne produits par les structures soupçonnées de dérives sectaires sont minutieusement examinés afin d'y déceler des éléments caractéristiques mais aussi la présence d'éventuels éléments constitutifs d'une infraction pénale (abus de faiblesse, exercice illégal de la médecine, etc.).
Dans ce cas, la MIVILUDES adresse un signalement au Procureur de la République.
La MIVILUDES n’a pas de pouvoir coercitif à l’égard des mouvements responsables des dérives sectaires. Elle a avant tout un rôle d’alerte, d’information et de sensibilisation.
À noter
La MIVILUDES a élaboré, en mars 2018, un guide intitulé "Santé et dérives sectaires" qui fait le point sur l'ensemble de la question. Il y est fait un ciblage spécifique par profession (médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, pharmacien, infirmier, masseur kinésithérapeute, pédicure podologue, hôpital).
Des conseils pratiques sont dispensés dans différentes hypothèses concernant tant les patients pris en charge que des comportements constatés chez des collègues. Ces conseils sont précieux pour décider d'une conduite à tenir dans le respect de la réglementation.
Il est également rappelé dans ce guide les principaux domaines à risque dans lesquels les patients particulièrement vulnérables peuvent être aux prises avec des structures sectaires.