Recueil du consentement du patient et possibilité de refuser les soins proposés
Nous avons déjà présenté les enjeux du recueil du consentement du patient et la possibilité dont il dispose de refuser les soins qui ne lui sont que proposés.
Pour s’en convaincre, il suffit de relire deux extraits de l’article L.1111-4 du Code de la santé publique :
- "Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif".
- "Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment".
Le fait pour un médecin de demander au patient de consentir aux soins, comme la loi l’y oblige, c’est prendre le risque que ce dernier les refuse tout en demandant à continuer à être pris en charge…
La réglementation ne fait aucune distinction entre les patients hospitalisés et la médecine de ville alors que la situation est bien différente : en médecine de ville, le patient rentre chez lui et n’est plus sous la responsabilité du praticien alors que pour les patients hospitalisés, il faut poursuivre la prise en charge.
En fait, le praticien qui propose à son patient un examen, un traitement ou une intervention est persuadé, d’un point de vue scientifique, que c’est l’intérêt du patient de l’accepter et va, dans le cadre de son devoir de conseil, le lui expliquer.
Néanmoins, il n’est pas rare que le patient refuse la proposition du praticien, ce qui peut sérieusement entamer la relation de confiance. Les causes de ces refus sont multiples et parmi celles-ci on retrouve notamment :
- La peur (du diagnostic, de la douleur, des complications…).
- Une mécompréhension des enjeux.
- Une défiance à l’égard des médecins, et, plus largement, du système de santé.
- Le coût qui restera à charge.
- La lassitude face à des traitements lourds et jusqu’ici inefficaces.
- L’envie d’en finir…
La maladie psychiatrique constitue un cas à part car elle peut expliquer en elle-même le refus de soin ; des soins sans consentement peuvent être décidés en cas de risque avéré.
Malgré cela, le praticien qui maintient sa proposition de soins va essayer de convaincre son patient de les accepter. Il ne s’agit pas de passer outre la liberté des patients de consentir ou non aux soins proposés mais de leur expliquer les enjeux et les conséquences de leur choix.
Dans certains cas (par exemple en obstétrique), les enjeux sont tels qu’il va falloir, in fine, réaliser l’acte salvateur. Chacun va déployer des trésors de persuasion qu’il va essayer d’adapter au profil psychologique de son patient.
Nous avons interrogé les médecins conseils de la MACSF sur leur expérience dans ce domaine, expérience née à la fois de leur pratique professionnelle et de la gestion des dossiers de responsabilité civile professionnelle, aux côtés des juristes. Voici leur témoignage.
Témoignages et conseils
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Dr Dominique Neveu, gastro-entérologue libéral
Fréquence et motifs des refus de soins rencontrés
Dans mon expérience, le refus de soins est exceptionnel. Il concerne plus les actes diagnostiques et thérapeutiques en raison du risque de complication, que les traitements en raison des effets secondaires. S’agissant des actes endoscopiques, la crainte principale porte plutôt sur les risques anesthésiques et infectieux que sur la redoutée perforation intestinale. Pour les médicaments, cela concerne avant tout les risques des traitements immunosuppresseurs indiqués dans les MICI (Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin).
Une expérience de refus de soins
Je me souviens, par exemple, d’une patiente jeune souffrant de rectorragies récidivantes et qui avait refusé à plusieurs reprises des coloscopies proposées par divers gastro-entérologues en raison de la peur de l’anesthésie. Je lui ai proposé un examen sans anesthésie, qu’elle a accepté et qui a mis en évidence une tumeur du colon sigmoïde malheureusement déjà avancé avec une évolution défavorable.
Trucs et astuces pour tenter de convaincre le patient
Face au refus de soins, mon attitude est de privilégier le dialogue en essayant de trouver une solution alternative, peut-être moins précise au niveau du diagnostic mais permettant quand même une bonne approche sur ce point.
Je ne me vois pas "imposer" une exploration ou un soin à un patient récalcitrant. Je propose dans cette situation le recours à un deuxième avis. Cette discussion fait l’objet d’un compte rendu au médecin traitant qui peut être d’une aide précieuse car il connaît bien le patient et son environnement.
J’essaie de m’adapter à la psychologie du patient pour voir comment mieux faire passer mon message. Ainsi, l’humour permet parfois de vaincre les résistances...
Dr Cédric Gaultier, cardiologue interventionnel libéral
Fréquence et motifs des refus de soins
Dans mon expérience, le refus de soins n’est pas fréquent et dépend pour beaucoup de la façon de présenter les choses. J’ai tendance à refaire un point sur la maladie et les risques spontanés de celle-ci en l’absence des soins proposés. Par exemple, face à une indication de pacemaker, certains patients seraient tentés de vouloir en finir brutalement mais je leur indique que l’absence de pacemaker les expose surtout à un risque de perte de connaissance avec fracture et un handicap lourd qui rendrait leur fin de vie encore plus difficile.
Souvent, c’est la peur de l’inconnu et des complications qui motive le refus des patients. Je leur explique l’environnement de l’acte, les éléments de sécurité mis en œuvre (MAR, biologie avant l’examen, service de réanimation sur place, l’absence de souffrance (analgésie), l’expérience du service…). Cela a déjà fait changer d’avis des patients. J’explique que cela apporte une sérénité par rapport à leur avenir qui serait sinon émaillé d’aggravations, de rechutes, de handicaps.
Une expérience de refus de soins
Un patient jeune, marié, père de famille, est admis pour un syndrome coronarien aigu et, malgré mes explications, refuse la coronarographie dans le cadre d’une crise de panique et menace de quitter l’établissement. Je l’ai sorti de la salle d’examen pour l’emmener dans un environnement moins traumatisant mais il maintenait son refus. Il s’est stabilisé et j’ai obtenu qu’il fasse venir son épouse. Avec l’accord du patient, j’ai informé son épouse de l’intérêt de l’acte et des risques de la maladie. L’épouse (qui se sentait bien jeune pour être veuve et mère célibataire…) a su trouver les mots pour qu’il accepte de rester sous surveillance en soins intensifs et, quelques heures après, qu’il donne son accord pour l’examen.
Trucs et astuces pour tenter de convaincre le patient
Lister la profession de la personne et son attachement à celle-ci, ses loisirs, son environnement familial et se servir de ces éléments pour le convaincre qu’en l’absence de traitement, sa maladie mettra fin à tout cela.
Face à des contraintes domestiques invoquées (animal domestique, petits-enfants à garder), expliquer qu’il faut trouver une solution de garde alternative sinon, on ne reverra plus l’être cher.
Pour les refus liés au travail, on peut invoquer le risque sur le lieu de travail, devant l’employeur et les collègues. J’évoque aussi leur propre responsabilité s’ils provoquent un accident en lien avec leur maladie cardiaque.
Quand je repère que je n’ai pas la bonne psychologie pour convaincre le patient, je sollicite si possible l’intervention d’un confrère dans l’établissement, d’une infirmière, d’une AS, d’une personne parlant la langue du patient. C’est beaucoup plus facile en établissement qu’en cabinet de ville.
La signature d’une attestation de refus de soins est "l’arme" ultime pour convaincre le patient.
Il faut toujours laisser une porte ouverte, par exemple en donnant une ordonnance pour un traitement intermédiaire, inviter le patient à reconsulter et lui donner les moyens d’accéder aux soins d’urgence.
Face au refus de soins d’une personne seule, je demande l’intervention d’un proche pour pouvoir l’expliquer à lui aussi et les faire réfléchir ensemble.
Il faut se mettre au niveau du patient et oublier son amour propre et son langage technique.
Dr Jean-Edouard Clotteau, chirurgien hospitalier
Fréquence des refus de soins
C’est très rare car, quand les malades viennent consulter un chirurgien, c’est généralement pour se faire opérer et ils ont déjà pris leur décision. Mais il y a, par exemple, des patients hospitalisés en urgence pour lesquels on est amené à proposer une chirurgie qui peut susciter un refus. Par exemple, un patient arrive avec une hernie étranglée réduite. On lui propose une intervention et, se sentant comme avant, il la refuse.
Causes des refus de soins
Patient qui découvre brutalement sa pathologie et la nécessité d’une chirurgie et qui n’avait pas imaginé qu’il devait être opéré. C’est le cas du patient envoyé par son médecin traitant pour avis. Le diagnostic lésionnel est fait, la proposition d’intervention formulée et le patient refuse. Certains patients expriment un refus ou manifestent une réticence car ils pensent que le chirurgien veut les opérer pour des raisons mercantiles. L’évolution est considérable car aujourd’hui les patients ont bien souvent lu beaucoup d’informations avant de consulter le chirurgien et lui demandent plus qu’avant de justifier son indication et la technique d’opération choisie.
Une expérience de refus de soins
Un patient atteint de diverticulose ayant fait des poussées justifiant une intervention l’a refusée par peur de l’intervention. Lors d’une crise subaiguë, il a fini par se faire opérer.
À l’inverse, il m’est arrivé plusieurs fois, en tant que chirurgien, de refuser d’opérer un malade alors que c’était nécessaire (mais non vital). C’était des cas dans lesquels je n’étais pas serein car la confiance avec le patient n’était pas suffisante. À partir du moment où toutes mes explications étaient remises en cause, j’estimais que le "contrat de confiance" n’était pas établi.
Trucs et astuces pour tenter de convaincre le patient
Réitérer les explications peut permettre de convaincre.
Faire signer au patient une attestation de refus de soins le fait réfléchir et, bien souvent, le fait changer d’avis. C’est l’occasion de lui montrer l’importance de son choix et les risques qu’il décide de prendre en refusant la chirurgie ou les examens proposés. Il y a ceux qui "veulent réfléchir" (pour les cas qui peuvent attendre) et, dans ce cas, je leur fixe un nouveau rendez-vous et leur écris s’ils ne viennent pas.
Dr Valérie Ameline, ophtalmologiste libérale
Fréquence des refus de soins
Ce n’est pas très rare, simplement rare, dans environ 10% des propositions de chirurgie. En ophtalmologie, nous revoyons les patients 6 mois après le diagnostic de cataracte pour rediscuter de l’indication et si nous avons essuyé initialement un refus, les réticences sont souvent levées lors de cette deuxième consultation.
Causes des refus de soins
En plus des causes générales de refus, une autre est plus spécifique à notre spécialité : l’âge jugé trop avancé par le patient, qui estime que cela ne vaut plus la peine. Par contre, Je n’ai jamais eu de refus de soins et notamment de lunettes pour des raisons économiques. Pour les injections intra vitréennes, le produit injecté est très coûteux mais le patient n’en fait pas l’avance. Il y a de moins en moins d’urgence dans notre spécialité, à part les rixes, et je n’ai jamais eu de refus dans ce cadre. Si le patient est alcoolisé, nous attendons qu’il soit en état de donner son consentement.
Une expérience de refus de soins
Une cataracte compliquée nécessitant une reprise chirurgicale en rétine chez une patiente de 90 ans dépendante de sa fille, qui a refusé cet acte par manque de temps pour s’occuper de sa mère. Elle a refusé les propositions d’aide (transport), refus réitérés lors des différentes relances téléphoniques.
Trucs et astuces pour tenter de convaincre le patient
Pour convaincre les patients, je les fais revenir (contrôle à 3-6 mois) pour réitérer les explications. Si leur refus est motivé par une difficulté financière, nous les orientons vers la CMU ou l’ACS, ou l’on fait un acte gratuit. La famille est souvent d’accord mais c’est le patient âgé qui refuse et l’on ne peut pas opérer un patient sans son consentement personnel. Il est impossible de les convoquer s’ils ne veulent pas se faire opérer. Je n’ai jamais eu de patient qui a refusé des soins au dernier moment. Pour le refus lié à la peur de l’accident opératoire, je leur explique le faible taux de complication en ophtalmologie et le faible risque d’infection associé aux soins dans cette chirurgie réalisée en très grande majorité en ambulatoire.
Dr Robert Grau, médecin généraliste libéral
Pour Robert Grau, médecin généraliste libéral, chaque cas est particulier et il n’est pas possible de faire des généralités. Il faut s’adapter à chaque refus, qui peut avoir des causes bien différentes. Il insiste sur la nécessité d’y revenir périodiquement, ce qui permet parfois de finir par convaincre le patient de la pertinence des soins proposés.
Mais il y a quelques cas (rares) où c’est un échec et où le patient ne va jamais accepter les soins. La prise en charge sera alors à la fois difficile et dégradée.
Si vous êtes confronté à ce type de situation, la MACSF peut vous conseiller :
La Hotline médicale, disponible 24h/24 et 7j/7, est à la disposition de tout détenteur d’un contrat RCP-PJ à la MACSF au 0 800 102 239. Face à un refus de soins, vous pouvez nous solliciter pour des conseils personnalisés.