Quelle est la différence entre "saisie sur commission rogatoire" et "réquisition pour remise volontaire d’information" ?
Saisie sur commission rogatoire
La saisie sur commission rogatoire est visée à l’article 56 du code de procédure pénale.
Elle concerne les papiers, documents, données informatiques ou autres objets en possession, soit de la personne paraissant avoir participé au crime, soit à la personne détenant des informations relatives aux faits incriminés.
Ces pièces font l’objet d’une mise sous scellés.
Réquisition pour remise volontaire d'information
La réquisition pour remise volontaire d’information est visée aux articles 60-1 et 77-1-1 du code de procédure pénale.
Elle permet au procureur de la République ou à un officier de police judiciaire (OPJ) de requérir toute personne susceptible de détenir des documents intéressant une enquête ou une instruction pour se faire remettre ces documents.
Le médecin peut-il refuser la saisie d'un dossier médical ?
Dans le cadre d'une saisie sur commission rogatoire :
Il n’est prévu aucune possibilité de s’opposer, mais le médecin doit obligatoirement être présent.
Il est en revanche précisé que toutes dispositions sont prises pour assurer le respect du secret professionnel.
Dans le cadre d'une réquisition pour remise volontaire d'information :
Il ne peut être opposé un refus fondé sur l’obligation au secret professionnel, excepté pour certaines professions, parmi lesquelles les médecins.
Dans ce contexte, la remise des informations ne peut intervenir qu’avec l’accord du médecin, qui peut donc refuser de répondre à cette réquisition sans encourir de sanction pénale.
La saisie du dossier est-elle compatible avec le respect du secret médical ?
Aucun texte ne prévoit expressément la saisie comme une exception au secret médical. Mais parallèlement, l’article 81 du code de procédure pénale, qui délimite les pouvoirs du magistrat instructeur, ne prévoit aucune restriction à ces pouvoirs du fait du secret médical.
On peut donc en déduire que la saisie est compatible avec le secret, à condition que certaines garanties soient apportées :
- Un représentant du Conseil départemental de l’Ordre est présent pour veiller à ce que seul le dossier du patient concerné soit saisi, sans risque d’atteinte au secret médical pour tout autre patient. De même, il veille à ce que seules les pièces pertinentes au regard de l’enquête soient saisies.
- Les documents saisis sont mis sous scellés pour respecter le secret médical.
La saisie du dossier médical est-elle toujours réalisée lors d’une perquisition ?
En matière médicale, la saisie prend le plus souvent la forme d’une remise "organisée" des éléments d’information nécessaires et non d’une véritable opération de perquisition. Il est rare que de véritables perquisitions – qui, elles, sont pratiquées inopinément – aient lieu dans ce cadre.
À noter que le code de procédure pénale ne vise expressément que les saisies réalisées lors de perquisitions, et non les saisies "programmées" hors perquisition proprement dite. Mais les principes restent les mêmes dans les deux cas.
La saisie du dossier médical peut-elle avoir lieu à tout moment ?
La perquisition aux fins de saisie de dossier médical ne peut être commencée avant 6 heures et après 21 heures (article 59 du code de procédure pénale).
En matière médicale, il est souvent convenu d’un rendez-vous pour la remise des documents, la perquisition étant moins fréquente.
La saisie porte-t-elle sur l’entier dossier du patient ?
En principe, la saisie doit être ciblée et ne porter que sur ce qui fait l’objet de l’enquête. Par exemple, les éléments relatifs à des événements médicaux survenus bien avant les faits donnant lieu à l’enquête et sans rapport avec eux ne devraient pas être saisis. Il en est de même pour ceux relatifs à une pathologie sans rapport avec l’enquête.
Mais dans les faits, c’est souvent l’entier dossier qui est saisi car il est difficile d’opérer un tri pertinent dans un court laps de temps.
Doit-on faire une copie du dossier ?
Il est fortement recommandé de faire une copie du dossier médical ou de l’imprimer s’il est informatisé, préalablement aux opérations de saisie.
En effet, les documents saisis sont les originaux et ils ne sont pas toujours restitués après leur exploitation par la justice.
De plus, professionnels de santé et établissements de santé ont l’obligation de conserver le dossier médical, ils ne peuvent donc s’en affranchir, même en cas de saisie.
Il n’en demeure pas moins que certains éléments du dossier peuvent être difficiles à photocopier (par exemple, des radiographies non numérisées), ce qui peut poser problème pour le suivi ultérieur du patient.
Qui est présent le jour de la saisie ?
Seules les perquisitions aux fins de saisie de dossier médical au cabinet sont visées dans le code de procédure pénale, mais les principes posés peuvent également trouver à s’appliquer pour les perquisitions aux fins de saisie menées en établissement.
Dans les cabinets, sont présents :
- l’OPJ muni d’une commission rogatoire (ou le Procureur de la République ou le magistrat si la saisie est réalisée dans le cadre d’une perquisition proprement dite) ;
- le médecin concerné ;
- un représentant du Conseil de l’Ordre (article 56-3 du code de procédure pénale).
Dans les établissements :
- l'OPJ muni d’une commission rogatoire (ou le Procureur de la République ou le magistrat si la saisie est réalisée dans le cadre d’une perquisition proprement dite) ;
- le directeur ou son représentant ;
- le chef du service ou du pôle concerné ou son représentant ;
- un représentant du Conseil de l’Ordre.
Toutes les personnes présentes signent un procès-verbal à l’issue des opérations de saisie de dossier médical.
Quel est le rôle du conseiller ordinal présent ?
- Vérifier que les documents saisis sont bien relatifs à la personne concernée par la procédure, et que les pièces sont bien celles qui sont utiles à la mission ou à l’enquête.
- Rappeler au médecin son droit de photocopier les pièces saisies.
- Vérifier que les documents sont bien mis sous scellés fermés.
- Relire le procès-verbal dressé à l’issue des opérations, et y porter toute remarque ou objection utiles, si la procédure ne semble pas avoir été correctement respectée.
- Adresser un compte rendu au Conseil départemental.
En revanche, il doit s’abstenir de tout commentaire lors des opérations elles-mêmes.
La restitution des documents saisis doit-elle être demandée ?
La restitution des documents saisis n’étant pas automatique, il peut être utile d’en faire spécifiquement la demande.
Cette demande peut être faite :
- auprès du juge d’instruction tant qu’il reste saisi ;
- auprès de la juridiction qui sera amenée à rendre le jugement si l’instruction est terminée, car dans ce cas, le juge d’instruction est dessaisi de l’affaire et ne peut plus être sollicité.
Les procédures pénales étant généralement longues, il faut être conscient du fait que les documents originaux peuvent être indisponibles pendant de longs mois, voire années.