Levée du secret médical... une obligation ou une faculté ?
L’article 434-1 du Code pénal sanctionne de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés et qui n’en informerait pas les autorités judiciaires ou administratives.
Mais ce même article précise que sont exceptés des dispositions qui précèdent, sauf en ce qui concerne les crimes commis sur les mineurs :
- Les parents en ligne directe et leurs conjoints, ainsi que les frères et sœurs et leurs conjoints, de l'auteur ou du complice du crime.
- Le conjoint de l'auteur ou du complice du crime, ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui.
- Sont également exceptées des dispositions du 1er alinéa les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13.
Le secret médical, général et absolu, permet au professionnel de santé de ne pas signaler un patient qui aurait fait une confidence de cette nature.
Même s’il ne pèse sur lui aucune obligation, le professionnel de santé peut faire le choix d’informer les autorités judiciaires.
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Parler... au risque d'une violation du secret médical ?
S’il choisit de parler, le professionnel de santé encourt-il une sanction au titre d’une violation du secret médical ?
L’article 226-14 du Code pénal précise qu’il n’y a pas violation du secret en cas de signalement par un professionnel de santé au Préfet et, à Paris, au Préfet de police, du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une.
Ce même article précise que le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s'il est établi qu'il n'a pas agi de bonne foi.
On notera que l’article ne vise que le cas où le professionnel de santé sait que la personne détient une arme ou a manifesté l’intention d’en acquérir une.
Qu’en sera-t-il dans les cas où le patient fait part de son intention de meurtre, mais sans que le médecin sache s’il détient une arme ou compte s’en procurer une ?
Qu’en sera-t-il des cas où le meurtre projeté ne suppose pas nécessairement l’emploi d’une arme ?
L’article 132-75 du code pénal définit l’arme comme tout objet conçu pour tuer ou blesser, ou tout objet utilisé ou destiné par celui qui en est porteur à tuer, blesser ou menacer.
Mais qu’en sera-t-il d’un patient annonçant son intention d’étrangler quelqu’un, puisqu’il n’y a alors usage d’aucun objet ?
Ne rien dire... et se voir reprocher de ne pas avoir empêché un crime ?
Si le médecin n’a pas l’obligation de signaler l’intention de son patient mais que celui-ci passe à l’acte, le professionnel de santé pourrait-il se voir reprocher de ne pas avoir pris les mesures pour empêcher un crime ?
L’article 223-6 du Code pénal énonce que quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne, s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.
Il résulte de ce texte que, pour que l’infraction soit opposée à un citoyen, tout comme à un professionnel de santé, plusieurs conditions doivent être réunies :
- un péril doit menacer l'intégrité corporelle d'une personne ;
- ce péril doit avoir un caractère grave et immédiat ;
- il doit exister une abstention de porter secours, c’est-à-dire que l’auteur de l’infraction est resté inactif – ou a pris des mesures manifestement insuffisantes - face à une situation de péril menaçant une personne ;
- cette abstention doit être volontaire, l’auteur ayant eu conscience de l’existence d’un péril ou de la gravité du péril ;
- l’assistance apportée doit être sans risque pour l’auteur comme pour les tiers.
Il est difficile de préjuger de la décision que pourrait prendre un juge, dans une telle situation.
En effet, en fonction des circonstances propres à chaque affaire, il n’est pas évident que l’infraction de non-assistance à personne en péril soit constituée, dès lors que le péril n’est pas imminent et constant, quand bien même serait-il grave.
Que faire en pratique ?
La combinaison des textes fait apparaître la volonté du législateur de laisser une large place à la conscience du professionnel de santé dans la décision d’agir ou, au contraire, de s’abstenir de toute action.
Il n’est donc pas possible de préconiser une attitude plutôt qu’une autre, puisque tout sera fonction des circonstances et, en particulier, du niveau de péril évalué par le médecin.
Une solution peut, selon les cas, résider dans la mise en place d’une mesure de soins sans consentement sur demande d’un tiers (SDT) ou surtout de soins sans consentement pour péril imminent, sous certaines conditions.
Dans certaines situations, engager le dialogue avec le patient et lui proposer une prise en charge adaptée et des démarches de soins peuvent être une solution, en prenant garde à consigner le contenu des échanges dans le dossier médical.